Rayon soupe
J'errais au rayon soupe de mon supermarché quand soudain je l'ai vu. Mon voisin canon du 4ème étage, celui que je croisais toujours avec un sourire niais dans l'escalier, célibataire d'après les quelques informations que j'avais pu glaner à droite à gauche, se trouvait maintenant à quelques centimètres de moi. Sans prendre le temps de réfléchir, je m'approchais de lui et engageais la conversation.
"Bonsoir, ça n'est pas un choix facile. Vous êtes plutôt soupe de tomates ou soupe aux 9 légumes ?"
Il m'a regardé d'un air mi-surpris mi-méfiant, cherchant dans sa tête la parade pour mettre fin à ce bavardage totalement futile et dépassé.
Et puis il m'a reconnu, même si nos échanges dans l'escalier s'étaient limités à des bonjour bonsoir, il m'a reconnu.
"Oh vous savez je vis seul et l"hiver je fais au plus vite, pour le soir un bol de soupe et au lit. Et je crois que je vais prendre la première brique qui me vient sous la main, un bon vieux poireau pomme de terre. Qu'est-ce que vous en dites ? "
"J'en dis qu'on pourrait acheter notre brique de soupe et aller boire un verre ? A moins que vous ayez d'autres plans ? "
"Non rien de spécial. D'accord pour le verre mais on se tutoie ?"
"Vendu."
Nous sommes sortis du supermarché et nous nous sommes engouffrés dans le troquet d'en face. Nous avons trouvé une petite table non loin du bar, dans un renfoncement où nous serions tranquilles pour discuter. Je me suis assise sur la banquette, sous un miroir doré un peu kitsch et j'ai commandé un chocolat chaud pour me revigorer. J'étais bien, à savourer ce moment totalement inattendu mais si délicieux lorsque je me suis souvenue que j'étais sortie de chez moi sans maquillage. Le combo jean/tee shirt/sweat à capuche enfilé à la va-vite, un coup de brosse et basta, c'était amplement suffisant pour pousser mon caddie dns les allées du supermarché. Sauf que je ne pensais jamais tomber sur mon voisin sexy et encore moins boire un verre avec lui.
"Arrête de vouloir tout détruire ! Kiffe ce moment, pensais-je en mon for intérieur. Les confinements nous ont appris à vivre au naturel. Les grands discours sur l'acceptation de soi, la fin des diktats ce n'est pas que pour les autres, c'est pour toi aussi, alors vis, profite. Demain est un autre jour."
Je plongeais mes yeux droit dans les siens et je lui demandais : "Et si on reprenait du début ? Je m'appelle Alexandra et toi ?"
Annotations
Versions