L’écho de ton absence

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Chaque levée de soleil, je pose deux tasses.
La tienne, encore un peu fissurée. La mienne, trop propre.
Le café coule, un peu trop fort, un peu trop seul.
Je le laisse refroidir.
J’ai perdu l’habitude de boire pour de vrai.
Je pourrais me retenir. Ne plus sortir les tasses.
Ne plus prétendre.
Mais il y a dans ce geste une sorte de vertu, comme si la fidélité pouvait survivre à l’absence.
Comme si, en répétant les mêmes mouvements, je pouvais empêcher le monde d’oublier que tu as existé ici, avec moi.
Je vis entourée de petits rituels qui ne veulent plus rien dire.
Je fais semblant que tu vas revenir.
Pas avec fracas. Juste… en posant ta veste sur la chaise. En râlant contre la flemme du matin. En laissant ton regard accrocher le mien entre deux silences.
Mais tu ne viens pas.
Et moi, je continue.
Il y a des jours où je m’assieds devant le miroir, longtemps.
Je ne me maquille pas. Je ne me coiffe pas.
Je me regarde, comme si je pouvais me retrouver dans cette image floue, cette trace de moi sans toi.
Et puis, il y a la guitare.
Elle est toujours là, appuyée contre le mur.
Je la prends. Je la pose sur mes genoux. Je tends les cordes, une par une.
Je les accorde avec soin.
Je n’en joue pas.
Je n’ai plus envie.
Jouer serait comme respirer dans le vide.
Ta voix n’est plus là pour résonner entre deux accords.
Et mes doigts ne savent plus créer sans ton écho dans la pièce.
Je ne suis plus qu’un individu parmi tant d’autres, un peu flou sur les bords.
Je marche, je mange, je souris quand il faut.
Mais dedans, c’est creux.
C’est du vent avec des souvenirs accrochés aux angles.
Le problème, c’est que le manque devient une habitude.
Pas un cri. Pas une blessure vive.
Juste une présence muette, un fantôme quotidien.
Tu es devenu l’ombre dans la tasse pleine, la note qu’on n’ose plus jouer, le silence entre deux respirations.
Chaque matin, je recommence.
Je pose deux tasses.
Je tends les cordes.
Je parle au vide.
Et j’attends que quelque chose... n’importe quoi... rompe la répétition.
Peut-être que demain, je jouerai.
Peut-être que demain, je ne sortirai pas les tasses.
Peut-être.
Mais pas aujourd’hui.

"N’hésitez pas à partager ce qui vous a parlé, ou ce qui gagnerait à être retravaillé."

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