Chapitre XII : Une annonce et un aveu
Cette fois, je mets ma petite note d'auteur en début de chapitre parce que je voulais que vous sachiez que j'ai crié en évriant de chapitre XD. J'espère qu'il vous plaira et qu'il vous fera sourire autant que moi !!
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— Allez Jess ! Dépêche-toi, gronde Hannah. Tu veux être en retard ou quoi ?
J’enfonce un peu plus ma tête dans mon oreiller. Je ne veux pas être en retard, je veux juste ne pas y aller du tout. Moi qui espérais pouvoir échapper à ce match, c’est raté.
— Je sais bien que tu n’as pas envie de voir Finn après ce qu’il t’a dit – d’ailleurs, entre nous, c’est un idiot –, mais considère que tu fais ça pour Lise, d’accord ? Elle révise sa chorégraphie depuis des mois et des mois. On n’a pas le droit de l’abandonner aujourd’hui. Tu n’as pas le droit de l’abandonner.
Je soupire. Je sais bien que mon amie a raison, mais je ne veux pas revoir Finn. Depuis le soir de mon anniversaire, on ne s’est presque plus parlé, et les rares fois où s’est arrivé, j’ai essayé de mettre un terme à la discussion le plus tôt possible. Nous ne nous retrouvons plus seuls parce que je m’arrange toujours pour que nous soyons au moins trois.
Comment lui dire que ce qu’il m’a confié, bien que ça parte d’un bon sentiment, m’a fait très mal ? Comment lui dire que je ne le vois pas comme ça, moi ?
— Jess, bouge ton cul ou je te fais sortir de force de ce lit.
Je finis par abdiquer, et je m’assieds sur mon lit, des mèches de cheveux cachant ma vue.
— Parfait ! chantonne ma meilleure amie, visiblement satisfaite. Maintenant, tu vas te lever, t’habiller, coiffer ces cheveux en bataille et me rejoindre en bas. Tu as dix minutes.
Je n’ai pas le temps de répliquer et de lui expliquer que dix minutes c’est le temps donc j’ai besoin juste pour me coiffer, parce qu’elle a déjà quitté la chambre. Je laisse échapper un long soupire et me lève. Connaissant Hannah, il vaut mieux que je me présente devant elle à l’heure si je tiens à ma vie.
Le mois de décembre commence à peine mais le froid a déjà pris possession de la météo. Je décide donc de sortir de mon armoire une jupe à carreaux noirs, un bas-collant de la même couleur, un sous-pull thermique et un pull en laine beige.
Une fois habillée, je lisse rapidement mes cheveux. J’avais décidé de laisser tomber le lisseur, mais à la vue de mes cheveux gonflés et en tenant compte du temps qu’il me reste, je n’aurai pas l’occasion de les « dompter ». Alors, je vais à la facilité.
Quand mes cheveux sont coiffés et prêts eux aussi, je m’arrête devant ma boite à bijoux. Sur ma table est déposé le collier que Finn m’a offert. J’hésite à le mettre, en vérité. L’accrocher à mon cou reviendrait à accepter notre amitié puisque c’est ce que veut Finn. Mais suis-je prête à laisser mes sentiments derrière moi maintenant ?
Je n’en sais rien… Mais après tout, je lui dois bien ça, non ? Je ne peux pas le forcer à me voir comme je le vois. Alors autant mettre les choses au clair dès maintenant.
Tremblante, j’attache le bijou à mon cou. C’est fait. Je viens définitivement de renoncer à ce qu’on aurait pu être. J’ai envie de pleurer tant ça fait mal. C’est comme si on me comprimait la poitrine, qu’on me volait le reste d’oxygène qui habitait encore mon corps. Je ne savais pas ce qu’était une peine de cœur. Maintenant, je comprends.
Je finis par descendre et trouve Hannah en grande discussion avec mes parents. Ceux-ci semblent exaspérés et, pour une fois, sont soulagés à l’idée de me voir.
— Jessie ! Tu es enfin là, soupire de soulagement mon père.
— Parfait ! Vous allez pouvoir y aller, maintenant, renchérit ma mère.
Je lève les yeux au ciel mais acquiesce. Hannah, elle, laisse échapper un hoquet de surprise en se tournant vers moi.
— Jess, tu es magnifique, mais pourquoi avoir lissé tes cheveux ?
Je hausse les épaules et réponds d’une voix morne.
— Ils étaient trop gonflés que pour que je fasse autrement.
Ma meilleure amie me lance un regard compréhensif, puis, comme si de rien n’était, elle me presse déjà pour aller au match.
— Bon, il faut y aller. Ça va commencer dans vingt minutes et on n’y est pas encore.
J’acquiesce et quitte la maison sans prendre la peine de saluer mes parents. Avec Hannah, nous marchons rapidement jusqu’à l’arrêt de bus et là, nous attendons que celui-ci arrive. Après quatre minutes à attendre, on le voit enfin apparaitre au coin de la rue.
Le trajet dure une dizaine de minutes et, quand nous arrivons devant le lycée, nous courrons avec l’énergie qu’il nous reste pour trouver une place avec que Lise et le reste des cheerleader n’entament leur danse.
Heureusement, deux places sont disponibles presque tout devant. Nous nous empressons de les prendre et, comme s’ils avaient fait exprès de nous attendre, c’est à ce moment-là que les lumières baissent légèrement et qu’une dizaine de filles entrent en courant sur le terrain, des pompons aux couleurs de leur équipe dans les mains – en l’occurrence, bleu et rouge.
Nous remarquons immédiatement notre amie qui a attaché ses ondulations blondes à l’aide d’un ruban noir. Elle est vraiment adorable, personne ne peut le nier.
— ALLEZ LISE ! hurle Hannah avec les mains en porte-voix autour de sa bouche.
Evidemment, puisqu’elle n’est absolument pas discrète, notre amie nous l’entend et se tourne vers nous pour nous adresser un salut timide de la main. Nous lui répondons volontiers, mais la musique démarre et Lise doit se détourner de nous.
En rythme avec les autres filles, elle agite ses pompons. Ensuite, elles forment des pyramides et d’autres acrobaties que nous serions tous incapables de reproduire. Quand elles ont fini, elles sont acclamées par une foule d’applaudissements.
Hannah siffle, crie et encourage notre amie. Je ne sais pas comment elle arrive à garder sa voix après avoir crié autant, mais je ne lui fais pas part de mes questionnements.
— Tu te rends compte Jess ? Cette fille est notre amie !
Je souris en la voyant s’extasier. C’est vrai que Lise a bien dansé. J’aimerais pouvoir crier, rire et sourire, moi aussi. Mais je n’ai pas la tête à ça. Pas après ce que Finn m’a dit la semaine passée. Ses mots tournent en boucle dans ma tête.
Au début, nous deux, ça partait mal. Mais maintenant, je te vois vraiment comme une amie. Et chaque jour près de toi me le confirme un peu plus.
Comment a-t-il pu me faire ça ? On s’est embrassés, on s’est tenu la main. Et lui il me friendzone ? Mais quel est son plaisir à jouer avec mon cœur ? En fin de compte, Hannah avait raison depuis le début. Elle m’a toujours dit que Finn n’avait pas accepté ce contrat pour rien. Elle avait émis deux hypothèses à son abdication. 1) Il avait quelque chose derrière la tête 2) Il me kiffait.
Visiblement, je peux mettre ce deuxième point de côté. Ça me fait mal de me dire que depuis le début, on a le même objectif, lui est moi ; nous briser le cœur. Mutuellement. Au moins un des deux aura réussi.
Mais qu’est-ce que je lui ai fait pour mériter ça ? Dans notre histoire, ça a toujours été lui qui m’embêtait, jamais moi. Alors de quoi voulait-il se venger en jouant avec moi ? Je n’en ai aucune idée, et c’est sûrement le pire dans l’histoire.
Finalement, on aura joué chacun de notre côté à ce jeu. À notre jeu. Et maintenant, il y a un gagnant et un perdant. Mon plus grand regret est d’avoir perdu. Si je n’avais pas abandonné en cours de partie, les résultats auraient sans doute été différents…
Perdue dans mes sombres pensées, je n’ai même pas remarqué que les joueurs sont sur le terrain, tous en positions. Je les vois flous et je comprends que j’ai les larmes aux yeux. Rapidement, d’un revers de main, je m’essuie le visage pour que personne ne le remarque.
Trop tard…
J’aperçois Finn qui me regarde, les sourcils froncés d’inquiétude. Je détourne le regard. Il ne va pas encore m’avoir avec ses beaux et doux regards…
Le match se termine sur une victoire de notre équipe. Visiblement ils sont forts car j’entends que les paris étaient plutôt pour l’autre équipe. Je tends l’oreille et entend quelques messes basses derrière nous.
— Je n’ai jamais vu Carder aussi déchaîner.
— On dirait que quelque chose le perturbe beaucoup.
Est-ce égoïste de regretter ne pas être cette « chose » qui perturbe beaucoup Finn ?
— Viens Jess ! s’écrie Hannah. On va retrouver Lise à la sortie des vestiaires.
J’acquiesce, toujours perdue dans mes pensées. Je ne pensais pas qu’il était physiquement possible d’être autant obnubilée par un garçon. Encore moins un idiot qui me friendzone. Mais soit. Encore une fois, je me suis lamentablement trompée…
Nous nous levons et nous dépêchons d’atteindre les vestiaires avant que Lise n’en sorte. Timing parfait, la porte s’ouvre à peine une minute plus tard sur notre amie. Son sac pend mollement sur son épaule et un grand sourire illumine son visage.
— Vous ne devinerez jamais quoi ! s’exclame-t-elle.
Il est rare que Lise soit aussi enthousiaste à propos d’un sujet. Son expression arrive même à me faire oublier Finn l’espace d’un instant.
— Raconte ! crie Hannah.
— Je viens d’apprendre que des recruteurs étaient venus voir le match, nous explique-t-elle sans se départir de son sourire. Des recruteurs d’une université sportive très connue. À la fin, ils sont venus me voir pour me proposer une place dans leur école l’année prochaine.
Hannah hurle et je ne serais pas étonnée que tout le couloir – voir tout le lycée – l’ait entendue. Nous nous jetons sur notre amie et la serrons contre nous en la gratifiant d’un nombre incalculable de félicitations.
— Attendez, attendez, ce n’est pas tout, rigole-t-elle.
On se recule, les yeux écarquillés, prêtes à l’écouter.
— Ils m’ont dit qu’ils avaient une place vacante dans l’équipe nationale des cheerleader et qu’au vu de mes acrobaties, ils seraient heureux de m’offrir ce poste.
Alors là, je n’en reviens pas. Je sais bien que Lise est douée. Mais au point d’obtenir une place dans l’équipe nationale des cheerleader ? Waw. Tout à coup, je m’en veux de ne pas avoir été assez attentive pendant ce match. Hannah, elle, l’a été. Et elle a remarqué le talent de notre amie. Pas moi.
— Lise, mais c’est génial ! je m’exclame.
Elle acquiesce vigoureusement et nous la prenons à nouveau dans nos bras. Je ne m’attendais pas à ce que cette nouvelle puisse me faire oublier le temps de quelques secondes que j’ai le cœur brisé en un millier de morceaux à cause d’un certain Finn Carder.
En parlant du loup, je sens justement son parfum – un mélange caractéristique de menthe et de citron vert – dans mon dos. Ma joie disparait presque immédiatement et je me retourne lentement pour lui faire face. Son visage est neutre, mais je le connais maintenant assez pour remarquer le nerf sous sa paupière. Il est stressé. Angoissé.
— Jessie ? Je peux te parler ? Seul à seul. S’il-te-plait.
Je jette un regard à mes amies qui nous dévisagent tour à tour. Si j’ai le cœur brisé après ce que m’a dit Finn, elles étaient furieuses. J’ai dû les empêcher d’accourir chez Finn pour l’égorger.
— Tu ne vois pas qu’on lui parle et que tu viens de nous couper dans un moment giga intime, là ? rouspète Hannah.
Finn parait vraiment désemparé, je ne comprends pas pourquoi. Après tout, ce n’est pas à lui d’être triste. Et je refuse de me laisser berner par ses mises en scène ridicules.
— Je… Désolé, soupire-t-il. Je suis vraiment désolé de vous déranger. Mais c’est urgent. Je dois vraiment te parler, Jessie. Ça ne peut pas attendre. J’ai bien conscience que je plombe l’ambiance, mais-
— C’est urgent, le coupe Hannah en prenant une voix grave et en levant les yeux au ciel. On a compris, c’est bon.
Je déglutis. Il a dit « Jessie » deux fois en même pas une minute. Il a dû comprendre que je commençais à construire une barrière entre nous, et il essaie de la casser avant qu’il ne soit trop tard.
— Bon d’accord. Mais pas trop longtemps, alors, je l’avertis.
— Je ne peux rien te promettre, contre-t-il.
Je n’ai pas le temps de répliquer qu’il s’est déjà éloigné vers la sortie du lycée. Je me tourne vers mes amies, désemparée. Qu’est-ce qu’il m’a pris de dire oui ? Elles semblent entendre ma question silencieuse parce qu’elles m’observent toutes les deux avec un air contrit.
— Vas-y, ma belle, m’encourage Lise. Mais je te promets que si cette fois il est aussi con qu’à ton anniversaire, je lui casse toutes ses dents.
— Je ne crois pas qu’ils recrutent les criminelles dans les équipes nationales, je blague avec un petit sourire.
Elle me rend mon sourire puis me fait signe de rejoindre Finn. J’acquiesce, inspire profondément et quitte à mon tour l’établissement. Dehors, Finn est assis sur Le banc. Celui où tout a commencé, celui où tout a recommencé. Il se ronge les ongles. Bizarre, je ne l’ai jamais vu faire ça auparavant. Notre discussion doit réellement l’angoisser s’il réagit de cette manière…
Je m’approche prudemment de lui. Je sais bien qu’il ne me fera pas de mal, mais je redoute de plus en plus d’avoir accepter de parler avec lui. Mon cœur s’accélère un peu plus à chaque fois que je franchis à mètre supplémentaire.
Je finis par arriver devant lui et je le dévisage, attendant qu’il prenne la parole, ou bien simplement qu’il lève la tête vers moi pour me dire quelque chose. Mais rien. Il ne fait absolument rien. Alors je prends l’initiative et je m’assois.
Les secondes s’étirent, et nous restons ainsi, silencieux, pendant un long moment. Moi, les mains sur les cuisses et le regard rivé vers le sol. Et lui, s’arrachant les cuticules avec les dents et son pied tapant nerveusement le sol.
Finalement, après ce qui me semble être une éternité, il prend la parole d’une voix à peine audible.
— Tu m’as fait confiance à tellement de reprises, commence-t-il si bas que j’ai du mal à l’entendre. À propos de tes parents, de ton traumatisme, de Dan. Tu t’es toujours confiée alors que moi je ne t’ai jamais rien dit.
Que va-t-il m’annoncer ? Qu’il s’est joué de moi depuis le début de notre contrat ? Oh, mais je le sais déjà, ça !
— Est-ce que… Est-ce ce serait égoïste de te demander de me confier à mon tour ?
Il s’attend peut-être à ce que je lui réponde « Oui, ça me dérange, dégage » ? Il me pose très clairement une question rhétorique. Je n’ai pas le choix, je dois l’écouter.
— Je t’écoute.
A ma plus grande surprise, ma voix n’est pas froide, ne transporte aucune haine. J’ai même l’impression que ce qu’il a à me dire m’intéresse. Parce que son visage n’est pas celui d’un coupable. C’est simplement celui d’une personne qui s’en veut.
— Ma mère est malade. Très malade. Elle souffre d’un cancer du sein, et ça dure depuis maintenant presque un an. Elle est mal, plus qu’elle ne le devrait parce qu’on n’a pas beaucoup d’argent.
Je sens mon cœur se comprimer à l’entente de ses mots. Je m’en veux, encore une fois, d’avoir eu un avis si tranché et définitif sur ses intentions.
— Mon père nous a quitté en apprenant sa maladie, laissant derrière lui sa femme et son fils. Son état se dégradant de jour en jour, ma mère a dû quitter son travail pour se mettre en congé maladie. Malgré l’argent qui nous est versé tous les mois pour combattre son état, notre rapport avec l’argent est compliqué, d’autant que je n’ai pas le temps de travailler.
Oh, Finn ! Et dire qu’il a utilisé son argent pour m’acheter un collier alors que sa mère souffre d’un cancer. Le pire dans son cas, c’est qu’il n’est pas le seul dans cette situation. Des centaines – et plus encore – de personnes vivent la même chose que lui au quotidien. Et j’ai osé me plaindre de mes propres problèmes ? Il n’avait donc pas assez avec les siens ?
— Les personnes à l’avoir appris se font rares, ma mère refuse d’appeler à l’aide. Elle dit que notre vie est déjà assez compliquée comme ça et qu’impliquer les autres dans nos problèmes ne seraient qu’une perte de temps.
— Oh, Finn, je suis désolée.
Les mots m’ont échappé sans que je m’en rende compte. Je ne voulais pas le couper dans ses aveux, simplement, je me suis sentie obligée de réagir. Il n’a pas l’air de s’en importuner. Il m’offre même un petit sourire timide avant de braquer à nouveau ses yeux sur l’herbe sous nos pieds.
— Dans les personnes à être au courant, il y avait Marion.
Je me crispe à l’entente de ce nom. Marion. Qu’est-ce qu’elle fout dans son histoire, celle-là ? Comme si on avait besoin d’elle !
— Elle n’a pas très bien pris notre rupture, d’ailleurs. Et tu n’imagines pas sa colère quand elle a appris que j’étais avec toi. Elle était prête à tout révéler sur ma mère à tout le lycée. Et… c’est là que j’ai rompu la règle la plus importante, avoue-t-il dans un souffle.
Je ne comprends pas, de quoi parle-t-il ? Si son mal être a un rapport avec Marion, croyez-moi bien qu’elle va avoir affaire à moi. Plus petite, j’ai pratiqué du karaté. Evidemment, après l’épisode Salie, mes parents m’ont forcé à arrêter. Mais quoi qu’il en soit, je me débrouille plutôt bien en combat, alors je plains d’avance la personne qui devra se confronter à moi.
Mais, bien que j’aie des affinités avec le combat en un contre un, ce qu’a dit Finn me perturbe. Et devant son silence, je me sens obligée d’insister.
— Quelle règle ?
Il prend une grande inspiration avant de me répondre.
— Celle de ne jamais révéler, et sous aucun prétexte, que nous sommes un faux couple.
Mon cœur rate un battement. Il a révélé notre contrat à cette idiote ? Non, il a dû se tromper, ce n’est pas ce qu’il a voulu dire.
— Je suis désolé, Jessie, dit-il d’une voix brisée. Je ne voulais pas. Mais j’ai une dette infinie envers ma mère. Malgré la maladie, elle arrive encore à me nourrir, à me procurer tout ce dont j’ai besoin. Il lui arrive même de vider ses économies pour un stupide jeu vidéo que je voulais depuis longtemps ! Je ne pouvais pas briser la seule promesse que je lui avais fait.
Même si cela impliquait de me trahir, moi. Mais je n’ai pas le droit de lui en vouloir, ce serait égoïste. C’est sa mère, son dernier parent. De quel droit je me crois plus importante ? C’en est presque méchant toute cette attention que je mets autour de moi.
— Elle m’a dit qu’elle ne le répèterait pas, dit-il soudain. Mais cette promesse impliquait une autre menace, parce qu’avec Marion Jane, rient n’est jamais gratuit. Jamais.
Et il parle en connaissance de cause. Je ne sais pas ce que son ex lui a fait, mais visiblement, il en a gardé des séquelles. Oui, c’est décidé, elle aura affaire à mes compétences en karaté. Mais je me concentrerai sur ça un peu plus tard.
— Et quelle était cette menace ? je lui demande dans un souffle.
Il relève la tête pour enfin encrer ses yeux dans les miens.
— Marion est jalouse et, comme je te l’ai dit avant, elle n’a pas digéré le motif de notre rupture. Elle m’a menacé de dévoiler la maladie de ma mère et notre situation financière à tout le lycée si elle apprenait que notre relation devenait réelle.
J’ouvre la bouche en un O parfait. Cette fille est une connasse. Une vraie. De quel droit elle se mêle des relations de Finn, maintenant ? Elle devrait d’abord s’occuper de ses affaires !
— Evidemment, comme elle ne fait pas les choses à moitié, elle a carrément demandé à des amies à elle de nous observer en cachette pour s’assurer que je tenais cette promesse… Une de ses amies, c’est Shayla.
Presque automatiquement, je jette un regard alentour pour m’assurer que personne n’est là, encore moins une fille psychopathe avec son appareil photo. J’entends Finn rire légèrement à mes côtés, et je comprends enfin une chose. Une personne saine d’esprit ne peut pas être heureuse dans une situation pareille. Elle ne peut pas rire et sourire à tout, encore moins m’écouter me plaindre de mes petits problèmes ridicules.
— Jessie, tu n’imagines pas à quel point je suis désolé et à quel point toute cette situation me ronge de l’intérieur. Je ne sais pas comment réagir à ses menaces, et le pire dans l’histoire c’est que je t’ai impliqué dans mes problèmes et je m’en suis rendu compte plus tard.
J’ai envie de lui rétorquer que je comprends, que ce n’est rien. Une autre voix intérieure me hurle qu’il est un traitre, que je le déteste. Mais une autre question tourne en boucle dans ma tête.
— Donc… Tu m’as menti pour cette histoire avec Shayla ? Tout ce que tu m’avais dit la fois passée, c’était faux ?
Il parait choqué par ce que je viens de dire, mais je ne sais plus qu’est-ce que je dois croire, alors…
— Quoi ? Non, jamais ! Je ne te mentirais pas. C’était vrai tout ce que je t’ai dit. J’ai appris ce jour-même que Marion lui avait demandé de nous espionner.
— Mais Finn ! Ton ex est folle !
Il explose de rire, et malgré tout ce que je crois, son rire semble vrai. Ça me perturbe.
— Comment arrives-tu à rire de la situation ? Je ne comprends pas, ça me dépasse.
— Moi, ce qui me dépasse c’est que ce soit la seule chose qui retienne ton attention, rétorque-t-il.
En vérité, j’essaie juste de ne pas penser au reste, c’est différent.
— Tu n’as pas répondu à ma question, je lui rappelle pour dévier le sujet. Comment tu fais pour rire ?
— Tu es la seule avec qui je ris, me confie-t-il soudain sérieux.
Ah non. Il ne va pas recommencer avec ses belles manières, ces beaux mots. J’ai compris qu’il se moquait de moi. Un jour il vous embrasse, le lendemain il insiste sur le mot « amie ». Alors je ne me laisserai plus avoir.
— C’est ça, oui, je rétorque amère.
Il me regarde et je lis de l’incompréhension dans ses yeux. Lui qui pensait m’avoir à nouveau, c’est raté, je me suis préparée.
— Et puis, je continue dans ma lancée, pourquoi la menace de Marion t’impacte à ce point ? Je suis ton amie, il n’y a aucun risque que l’on soit plus.
J’ai bien conscience que mes mots sont durs, froids et emplis de venin, mais je m’en fiche. C’est tout ce qu’il me reste, de toute façon ; des mots méchants. D’ailleurs, Finn me dévisage intensément, les yeux légèrement écarquillés.
— J’ai bien vu que mes mots t’avaient blessée, ce soir-là, me dit-il soudain.
— Ils ne m’ont pas blessée, je rétorque sèchement.
Il sourit, comme si ma phrase sonnait faux – ce qui est possible puisque c’est faux.
— Simplement, j’ai l’impression que tu joues avec moi. Ce jour-là au cinéma, tu m’embrasses, tu me tiens la main, puis après tu insistes sur le fait que je suis ton amie. Est-ce que ça te plait de te moquer de moi ?
Il fronce les sourcils et encre ses yeux noisette dans les miens. Immédiatement, je me sens déstabilisée.
— Tu sais pourquoi la menace de Marion m’impacte à ce point ? me demande-t-il sans me lâcher du regard.
Dis-moi !
— Non, je ne veux pas savoir.
Il rigole doucement avant de redevenir sérieux.
— Parce que j’ai envie que ce soit vrai.
— Arrête de te moquer de moi, putain, je siffle entre mes dents.
— Je ne me moque pas de toi, Jessie, me répond-il dans un souffle. Je t’ai toujours aimée. Depuis le collège, en fait.
Je secoue la tête pour faire sortir ses mots de là. Je ne peux pas croire à ses paroles parce qu’elles sont fausses. Terriblement fausses. Je voudrais bien le regarder dans les yeux, mais j’en suis incapable. Ses mots résonnent en moi comme une sorte de promesse, ce qui est faux. Parce que je suis son amie, il me l’a dit. Il m’a « friendzone », comme dirait Hannah. Je dois me reprendre en main, comprendre que ses mots ne sont qu’un vulgaire tour de passe-passe pour me manipuler encore un peu. Pour rire de moi à gorge déployée comme il l’a toujours fait avant.
— Non.
— Comment ça « non » ? m’interroge-t-il en fronçant les sourcils.
— Non, je ne te crois pas. Tu as toujours passé ton temps à m’embêter, à rire de moi. Je ne te crois pas.
Je détourne le regard en espérant que regarder ailleurs pourra calmer les battements effrénés de mon cœur. Malheureusement pour moi, ça n’y change rien. Et les mots de Finn qui suivent ne font que l’emballer encore un peu plus. Je crois que je vais exploser.
— Jessie, peu importe ce que tu crois, je ne te mens pas, je ne me moque pas toi. Pourquoi je ferais ça ? Et toutes ces fois où je t’ai embêté ou que j’ai ris, c’est parce que c’était la seule manière que j’avais d’attirer ton attention ! Je ne suis pas doué avec les mots, mais je peux t’assurer que quand il s’agit de toi, je pourrais trouver toutes les manières différentes de te dire que je suis amoureux de toi.
Je ne rigole pas quand je dis que je vais exploser. Malgré toutes mes réticences en ce qui concerne Finn, un sourire, d’abord petit, s’immisce aux coins de mes lèvres. Merde, il vient vraiment de me dire qu’il est amoureux de moi, là ? Je ne peux pas y croire. J’aimerais douter et ne pas tomber une nouvelle fois dans la naïveté de ses propos, mais je n’arrive pas à discerner la moindre once de mensonge dans ses mots.
— Tu es un idiot, Finn Carder. Un véritable idiot, j’ajoute alors que mon sourire s’élargit encore un peu. Et je ne t’avais jamais connu ce côté poète.
Quand je tourne la tête vers Finn, je remarque que son visage à lui aussi est illuminé par un immense sourire.
— Tu vois toutes les choses que tu me fais dire ? dit-il.
Je laisse échapper un son entre le rire et le sanglot.
— Pourquoi ? je demande au bord des larmes. Qu’est-ce que tu peux bien me trouver ? Avec tout ce que tu vis, ce n’est pas dans les bras d’une fille brisée que tu trouveras ton bonheur.
Il me regarde d’un air énigmatique avant de m’offrir sa réponse.
— La tristesse et la douleur ne peuvent pas être oubliées puisque ce sont elles qui forment le bonheur. Crois-moi, on a besoin des gens brisés pour se sentir heureux.
Que répondre à ça, hein ? Quoi ? Il est impossible de trouver une réponse qui colle à la situation sans dériver de la bombe qu’il m’a lancé il y a une minute à peine. Mais soudain, son visage se fait plus sérieux, et il me demande timidement :
— Dis, par contre… C’est pas que ça m’inquiète, mais au final, tu ne m’as quand même pas dit que tu partageais mes sentiments, et j’avoue en fait, si, clairement, je m’inquiète.
J’explose de rire. Comment peut-il seulement douter de la sincérité de mes émotions ? Surtout quand ça le concerne ! J’ai envie de rire, de pleurer, de sourire. J’ai envie de tout parce que je suis heureuse. Terriblement heureuse.
— Bien sur que je partage tes sentiments, Finn ! Je l’ai compris ce jour où tu m’as défendue devant tout le lycée. À ce moment, je me suis rendu compte que j’avais toujours aimé la mauvaise personne. Hannah et Lise m’ont aidées à y voir clair dans mes sentiments et depuis, je n’en peux plus. Tu ne peux pas imaginer ce que ça m’a fait quand tu m’as dit que tu me voyais comme une amie.
Il sourit de toutes ses dents.
— J’ai compris trop tard que je n’aurais pas dû dire ça. Mais tu comprends… C’est à cause de Marion et de sa menace débile.
Soudain, toute la joie du moment disparait. Au cœur de l’action, on n’a oublié ce petit détail. Notre histoire ne peut pas être possible à cause de l’ex possessive de Finn…
— Tu sais quoi ? déclare-t-il soudain. Ça fait trop longtemps maintenant que j’attends de te dire ses mots. Je ne vais pas me réserver à cause de ce que pourrait dire cette folle. Et puis… On peut continuer comme avant. Personne n’est obligé de savoir que ce qui était faux entre nous est devenu vrai. Et en ce qui concerne Marion, elle n’en saura rien, et-
— Est-ce que tu essaies de me demander de sortir avec toi ? je l’interromps un sourire aux lèvres.
Il relâche l’air qu’il contenait prisonnier dans ses poumons avant de rougir légèrement.
— Peut-être ? murmure-t-il.
La gêne sur ses joues le rend encore plus craquant qu’avant. Je ne pensais pas que c’était possible de tomber amoureuse un peu plus. Je me suis trompée.
— Alors ? demande-t-il à nouveau d’une voix hésitante. Tu acceptes ?
— Evidemment que j’accepte !
Il sourit un peu plus avant de se pencher vers moi pour m’embrasser.
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