Changer le sens des rivières ?
Tout d’abord, pour ne pas froisser ma modestie légendaire, je dirai que je n’ai pas l’ambition de changer le sens DES rivières, tout au plus dévier un peu leur cours, et surtout celui de la mienne.
En changer le sens, cela n’en aurait aucun, mais en modifier le cours, voilà qui fait sens.
Elle s’écoulait tranquillement, famille, enfants, travail (mince, cela ressemble presque « Travail, famille, patrie », il était bien temps de faire quelque chose !). La « phase travail » se dirigeant doucement vers sa conclusion, je me préparais à une retraite suivant le même cours, porté par le courant, sans me poser la moindre question, presque en ligne directe pour filer vers l’océan.
Quand tout à coup, en plein milieu de l’année 2020, je tombai sur le site de Scribay. Un vrai site d’écriture ! Moi qui avais toujours rêvé d’écrire, mais à qui l’on avait dit, petit, que « j’écrivais comme un cochon ». Dans ma petite tête d’écolier puis d’adolescent (boutonneux, mais pas trop quand même), j’avais confondu le fait d’écrire mal et la piètre qualité de mes textes que je jugeais moi-même sans aucun intérêt (Rien de très étonnant, me direz-vous…). Malgré ce désir d’écrire qui m’habite depuis très longtemps, je me l’étais systématiquement interdit, bridé par ce sentiment profond d’écrire « mal ».
Petit retour en arrière : en 1997, démocratisation des ordinateurs portables et donc, n’étant plus tributaire de l’écriture manuscrite, je me suis lancé dans la rédaction d’un roman. C’était un polar se déroulant dans le Lot-et-Garonne, proche de la centrale nucléaire de Golfech que je venais de quitter pour aller suivre des cours et intégrer les entités nationales et parisiennes de mon entreprise. Tout était encore très frais dans mon esprit et, pour ne pas me perdre, j’avais acheté sur place des cartes d’état-major afin de ne pas oublier la géographie des lieux. Je m’étais lancé, partageant mes écrits au sein de ma famille, mais, au bout d’un certain temps, j’ai été bloqué. En effet, ayant lu pas mal de polars et commençant à bien en connaître les codes, je m’étais aperçu que je n’avais ni fausse piste ni rebondissement, un comble pour un roman policier.Par ailleurs, mon boulot prenant une place croissante (nouveau statut, nouvelles responsabilités, moins de temps), j’ai fini par laisser tomber l’écriture. Cela a été le cas jusqu’en 2020 et la découverte de Scribay.
Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais l’écriture m’a repris, devenant (redevenant) une passion et de fil en aiguille, donnant un sens différent à ma vie. Voilà, c’est cela que je voulais faire en étant à la retraite : écrire et écrire encore.
J’avais le choix (même si c’était loin d’être aussi clair dans ma tête à l’époque) entre continuer ma petite existence pépère ou alors devenir qui j'étais vraiment, et passer mon temps à écrire. J’ai donc à ce moment-là, dévié le cours de ma rivière, quitte à provoquer de gros remous et tourbillons, s’approchant par moment d’un véritable mascaret. Mais j’ai tenu bon. Je savais où j’allais. J'avais compris quel était maintenant le sens que je voulais donner à ma vie et j’ai persisté.
Quelques années plus tard, et après un livre publié, un second terminé, un quotidien changé du tout au tout, un amour incroyable rencontré, que pourrais-je regretter ?
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