Regarde moi

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Allongée sur mon lit, les persiennes laissent le soleil s’infiltrer dans la pièce, et iradier mon visage. Inerte, je me passe en boucle les images de la veille, plus amères encore.

J’ai essayé de travailler toute la matinée. mais impossible de me concentrer. Et au moment où j’ai enfin commencé à être absorbée par le droit des successions, mon téléphone a sonné m’indiquant un message.

Message Inconnu:

« La Angela que je connais porte des lunettes ».

C’est lui c’est sûr.

Quel culot.

Il a pas trouvé mieux?

Il a quand même remarqué que je ne portais pas mes lunettes….

ANGELA C’EST PAS LE MOMENT DE T’ÉGARER!

Pourquoi il me torture comme ça? Peut-être qu’hier ça lui a fait bizarre de me revoir, et que ça explique son comportement détestable? En même temps ça n’excuse rien, moi non plus je ne m’attendais pas à le trouver à cet endroit. D’ailleurs, est ce que c’est lui qui leur a fait découvrir la vue? Notre vue?

S’il croit que je vais lui répondre, il se met le doigt dans l’oeil.

Il est temps de se changer les idées. Je vais appeler Carla en espérant qu’elle soit libre.

Carla: « Allo? ».

Angela: « Hello, comment ça va? ».

Carla: « C’est à toi qu’il faut poser cette question… ».

Angela: « J’ai absolument besoin de me changer les idées, tu aurais du temps libre pour un café chez Stefano? ».

Carla: « Bien sûr! Laisse moi le temps de m’habiller et on se rejoint là bas dans 30 minutes? ».

Angela: « Ça marche, à de suite alors ».

Autant vous dire que je ne partirai que dans 45 minutes si je veux pas l’attendre bêtement pendant 15 minutes….

Je me prépare tout doucement histoire de ne pas être trop en avance. J’enfile un jean noir, un pull noir à colle roulé, et une petite veste rose. Le temps est assez doux, même en avril. Je noue mes cheveux en une queue de cheval et décide de mettre mes lunettes de vue sur la tête.

15H00

J’arrive devant le café, et étonnamment, Carla y est déjà, je la vois installée à une petite table près de la fenêtre.

Chez Stefano, c’est un peu comme notre tanière. On s’y retrouve très régulièrement pour réviser ou papoter.

Je pousse la porte de l’établissement et rejoins Carla.

Carla: « Qui est-ce qui est en retard aujourd’hui? », me dit-elle en haussant les sourcil et en les bougeant comme pour me narguer.

Angela: « Je ne relève même pas, je ne pourrais jamais rattraper le nombre d’heures où tu m’as fait poireauter dans le froid », dis-je pour me défendre tout en riant.

Carla: « Trêve de balivernes, on pas parlé sur le retour hier… Comment tu le prends? Tu m’accordera pour une fois qu’il s’est comporté comme un vrai conard! ».

Angela: « Comme un conard? Pour une fois je suis d’humeur à te répondre que t’es trop gentille avec lui! ».

Carla: « J’aime cet état d’esprit! Mais je ne comprends toujours pas pourquoi il a dit que vous vous connaissiez juste du quartier? Après tout ce que tu m’avais raconté je comprend plus rien moi… ».

Angela: « Je suis dans le même cas que toi, je ne comprends pas…. Il a peut-être eu honte de moi je sais pas… ».

Carla: « Honte de toi? Tu te moque de moi là? Tu es magnifique Angela! Et les deux zigotos hier se sont battu toute la soirée rien que pour toi, c’était trop drôle! D’ailleurs, Samy les regardait de travers, il n’a pas arrêté de te jeter des coups d’oeil», dit-elle en rigolant.

Angela: « J’en ai aucune idée, puis je m’en fou. Je vais pas te mentir je suis trop décue… Je l’ai absolument pas reconnu, et je ne parle pas que de son comportement, mais physiquement aussi, il a énormément changé ».

Carla: « En parlant de ça, moi qui ne l’avais jamais vu, je peux te dire que t’as bon goût », me dit-elle avec un sourire en coin et un regard qui en dit long. Elle me fatigue.

Angela: « Bon il faut que je te dise que ce matin pendant que je bossais il m’a envoyé un message ».

Carla: « Mais t’es sérieuse? Tu me le dis maintenant? Il fallait commencer par ça! ».

Angela: « Mais il n’y a rien à dire, j’ai même pas répondu… Attend je te montre le message ».

Je quitte Carla des yeux pour fouiller dans mon téléphone. Je tombe enfin sur la conversation et le fameux message. Je tourne le téléphone vers elle pour qu’elle puisse le prendre et lire, mais elle ne réagit pas. D’ailleurs elle ne regarde même pas en ma direction. Elle a le regard fixé, derrière moi. Vers la porte d’entrée sans doute? Je me demande ce qu’elle regarde, alors j’essaye de me retourner pour voir mais elle m’en empêche en me retournant vers elle, par l’épaule.

Carla: « Écoute moi bien, surtout te retourne pas », me dit-elle dans les yeux.

Le désir de me retourner devient encore plus fort, mais je me retiens.

Angela: « Qu’est ce qu’il se passe? Tu me fais peur! ».

Carla: « Il est là ».

Angela: « Qui est là? ».

Carla: « À ton avis??????? ».

Comment je suis censé savoir de qui elle pa….

Angela: « Non. Non? NON! ».

Carla: « Ils sont en train de commander au comptoir », me dit-t-elle le regard toujours rivé derrière moi.

Angela: « Comment ça « ils »? ».

Carla: « Retourne toi discrètement, ils sont de dos ».

Je me retourne tout doucement et je le vois lui, en train de farfouiller dans son portefeuille. Il a un ensemble jean et un t-shirt blanc qui moulent comme il faut son corps extrêmement bien sculpté, et il a lâché ses beaux cheveux bouclés. Je tourne mes yeux et vois une brunette à coté de lui, le regard en figé sur son téléphone. Elle est ravissante, petite, filiforme, très bien habillée d’un pantalon noir évasé et d’un blaser noir fermé à boutons dorés. Elle contraste totalement avec lui.

Je me retourne en vitesse, quand je les vois se diriger vers une table.

Carla: « Oh merde il nous a vu ».

Je lève ma tête et le vois passer avec la fille au bras. Il nous fait un léger signe de tête comme pour nous saluer.

Je le hais.

Carla: « Je te le redis, ferme ta bouche, regarde moi et rigole. Arrête de montrer que ça t’atteint. Tu vois pas son petit regard mesquin là? On dirait qu’il le fait exprès ce sagouin ».

J’arrête pas de cogiter. J’essaye de regarder discrètement depuis tout à l’heure, mais myope comme je suis, je ne vois rien.

Angela: « J’arrive pas à y croire! Je le vois tous les trois ans alors qu’il habite pas loin, et là, il a fallu que je le croise hier soir pour le rencontrer TOUS LES JOURS ».

Carla: « Permets moi de te dire que t’es poisseuse, c’est pas nouveau. Par contre j’entends sa copine rigoler comme une hyène depuis tout à l’heure, je sais pas ce qu’elle essaye de prouver mais mes oreilles n’en peuvent plus… », me dit elle exaspérée.

J’ai envie de voir moi, je suis trop curieuse… Bon, je vais mettre mes lunettes et regarder furtivement. Ça y est, j’ai retrouvé la vue. Je les regarde tous les deux, elle est de dos, et lui face à elle est tourné dans ma direction. Ils parlent tous les deusx pendant que j’observe le tatouage sur son bras. Encore un autre. Impossible de lire encore une fois. Je plisse les yeux pour déchiffrer mais je n’y arrive pas. Comme toujours je me perds dans mes pensées en le fixant. Je sursaute en entendant mon téléphone qui sonne.

Message de Conard:

« Ça y est tu as mit tes lunettes, je te reconnais enfin la taupe. Arrête de me mater tu vas te faire mal aux yeux à forcer dessus ».

Je change son nom de contacte: « CONAAAAARD ».

Carla: « Qu’est ce qu’il se passe? ».

Je lui tend le téléphone.

Carla: « Il est sérieux lui? Mais il cherche quoi en fait? S’il t’envoie un message c’est qu’il est intéressé! ».

Angela: « Dis pas n’importe quoi, s’il était intéressé il ne se comporterait pas comme un gros con ».

Carla: « Je sais ce que je dis. Tu sais quoi, on va faire un truc. Tu vas te lever pour aller au toilette et moi je vais zieuter pour voir s’il te reluque ».

Angela: « Pour quoi faire ? J’en ai rien à foutre de lui, arrête avec tes plans bizarres ».

Je mens peut-être une peu quand je dis que je n’en ai rien à faire de lui.

Carla: « Allez lève toi je dis, et va aux toilettes ».

Angela: « Mais non! Ça ne servira à rien, c’est ridicule! ».

J’ai à peine eu le temps de finir ma phrase qu’elle me jette son café bouillant à la gueule la gronasse.. .Je me lève sur le coup, brûlée.

Angela: « Mais t’es malade?!! », lui dis-je en criant.

Tout le monde se retourne et nous regarde. Y compris les deux tourteaux, tout ce que je voulais éviter.

Carla: « Va aux toilettes maintenant », me dit-elle avec un air totalement machiavélique. Cette fille me fait flipper.

En ni une ni deux je me retrouve dans les cabinets. Je prends du papier que je mouille et que j’applique sur mon pull plein de cappuccino bouillant. Heureusement que je suis habillée tout en noir. Mon téléphone m’indique un nouveau message de Carla. Elle va voir cette dégénérée, une fois qu’on sortira de chez Stefano je lui ferai la peau.

Message de Carla

« Il va aux toilettes lui aussi!!!!! ».

Hein?

Pardon?

Comment ça?

J’ai pas tout à fait compris?

Je relis le message une deuxième fois.

CARLA TU VAS MOURIR AUJOURD’HUI.

POURQUOI ELLE ME FAIT CA??????

En panique je regarde à quoi je ressemble dans le miroir, et j’enlève mes lunettes pour les mettre sur ma tête. Je me tourne vers la poubelle qui se trouve juste à cote de la porte d’entrée des toilettes. Je veux jeter le bout de papier plein de café que j’ai dans la main, mais sous la pression je me trompe de main et balance mon téléphone de toute mes forces juste au moment où la porte s’ouvre sur Samy. Viser sans lunettes c’est une très mauvaise idée. Le pauvre se prend un iPhone XR dans l’arcade sourcilière.

Samy: « AAAIIE! Mais t’es cinglé ou quoi??? ».

Angela: « Oh Putin je suis désolée!! C’était pas voulu du tout », lui-dis en m’approchant, affolée.

Il regarde le sol, le visage crispé sous la douelur, la main sur son arcade. Il relève les yeux lentement et me regarde de haut en bas. Un sourire en coin s’esquisse sur son visage. Ses yeux s’éclaircissent.

Ce silence me gêne.

Son regard me gêne.

Faut que je brise la glace avant de mourir sur place.

Angela: « Mets du papier cul pour stopper le saignement », lui dis-je très sérieuse.

Il me regarde dans les yeux en haussant les sourcils, puis explose de rire.

Angela: « Tu te fou de ma gueule là? », lui dis-je un tantinet vexée.

Samy: « Tu me blesse et même pas tu moi soigne? », me dit-il en calmant ses rires.

J’ai encore ses paroles de la veilles à travers la gorge, et il veut que je le soigne? Et puis quoi encore? En même temps, je l’ai vraiment frappé violemment, bien que ça ait été involontaire… Et le pire, c’est que au fonds, ça m’a fait du bien.

Sans dire un mot, et sous son regard attentif, je déroule du papier que je mouille légèrement. J’essuie le sang qui a coulé de sa blessure. Je fouille dans mon sac et trouve mon petit désinfectant (fruit de mes nombreuses cascades à chaque fois que je sors…). Je vaporise le produit sur sa plaie, et le vois grimacer à cause du picotement.

Nos yeux se perdent tous deux dans ceux de l’autres. Nos corps sont beaucoup trop proches et son regard trop pesant. il ne bouge pas. À l’intérieur de moi c’est les montagnes russes, et je me déteste pour ça.

Angela: « Bon faut que j’y aille », lui dis-je mes yeux toujours dans les siens.

Bien qu’il prenne toute la place dans cet endroit étriqué avec son grand corps musclé, j’essaye de me faufiler entre lui et l’évier pour m’échapper de cette situation trop intense pour moi. Mais il me retient d’une main et me place à nouveau entre lui et le lavabo. Il retire mes lunettes de ma tête et me les pose sur le nez.

Il me regarde soigneusement, comme s’il examiner chaque détail de mon visage qui a changé ces trois dernières années. Je retrouve un peu de lui.

Samy: « Ça c’est la Lina que je connais », me dit-il d’une voix si douce et pourtant tellement mature.

Je passe de montagne russes à grand 8. Mon coeur s’emballe. Il m’a appelé Lina. Ça faisait tellement longtemps qu’on m’avait plus appelé comme ça. Il faut vraiment que je m’enfui si je ne veux pas succomber comme une tapette. Sans même ouvrir la bouche, je le pousse et me barre en courant comme une gamine. Je claque la porte des toilette et marche vite jusqu’à retrouver Carla.

Angelina: « OH. MON. DIEU. », lui-dis-je d’une voix toute essoufflée et troublée.

Carla: « Oooooh calme toi Janice, et raconte moiiiiiii ».

Cette fille a un sérieux problème avec Friends.

Angela: « Avant toute chose, ton heure a sonnée, sache le. En plus de m’avoir ébouillanté, tu m’a fait vivre le pire moment de gêne de MA VIE ».

Carla me lance le même regard que lorsqu’elle a vu Samy et « sa » brunette rentrer dans le café.

Carla: « Chuuuut, la ferme ».

Angelina: « Hein? Mais qu’est ce qu… ».

Une voix retentissant dans le creux de mon oreille me coupe dans mon élan.

Samy: « Ne me fuis plus comme ça, et n’esquive plus jamais mes messages », me chuchote-t-il, pour que seule moi puisse l’entendre, avant de partir rejoindre sa belle.

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