Chapitre 2.

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La Maison Theris, éclaboussée de soleil à cette heure avancée de la journée, ne payait pas de mine. Bâtisse montée sur trois étages à la façade tordue cernée d’un côté par une taverne, de l’autre par un dispensaire, ne laissait aucunement deviner les richesses de son intérieur.

Le petit groupe de mercenaires traversa une cour privée avant d’atteindre le vestibule pour se présenter à la matrone ; coutume obsolète partout ailleurs. Les clients pénétraient dans le bordel, explicitaient ce qu’ils souhaitaient en fonction de la lourdeur de leur bourse, faisaient leur affaire puis s’en allaient comme ils étaient venus. Mais ce bordel en particulier baignait dans une nostalgie guindée ; celle de l’âge d’or des maisons de plaisirs que la matrone, Veziane Theris, entretenait comme un précieux trésor.

Un garçon maigrelet d’une douzaine d’années environ les accueillit avec des verres de vin, que Brimiriel refusa au nom de ses camarades malgré leurs protestations irritées. Ils prirent place sur des bancs en riche tissu capitonné d’une teinte sombre, attirant le regard des employés curieux qui passaient de temps à autre la tête à travers l’épais rideau séparant le vestibule du reste de la maison.

— Tout ce cérémonial pour baiser des putains, railla Benjen en étendant devant lui ses jambes vêtues de cuir noir.

— La Maison Theris n’est pas un simple bordel, Ben, commenta Brimiriel. Veziane a créé un véritable empire. Elle possède une dizaine de maisons de plaisirs à travers Drarith. On dit que même les rois font appel à ses services.

Benjen renifla avec désobligeance.

— Peu importe, ça reste une baraque remplie de demi-mondaines aussi usées que toutes les autres putes des bas quartiers de toutes les autres villes.

— À ce qu’on dit, les filles et les garçons, ici, font des… des trucs que les autres font pas, déclara Breanna, un léger rougissement étalé sur ses pommettes rondes.

— Crois-moi, Anna, quand t’as fait un bordel, tu les as tous faits.

— Si tu le dis.

Un silence tranquille s’installa dans l’antichambre peinte d’auburn et de discrètes arabesques dorées. Quelques minutes passèrent ainsi avant que le rideau se soulève sur le jeune garçon qui les avait accueillis. Il était accompagné, cette fois, par une Nargonide ; femme reptile dont la beauté passée avait dû faire se retourner bien des hommes dans sa jeunesse. La matrone entra dans le vestibule d’une démarche gracieuse. Son regard écarlate coula sur ses potentiels nouveaux clients. Elle esquissa un sourire discret, ses sourcils parfaitement dessinés s’arquant imperceptiblement.

— Mademoiselle Veziane, annonça le garçon d’une voix assurée. Il s’inclina et se retira sans plus un mot.

Les quatre mercenaires se levèrent pour saluer la matrone d’un signe de tête. Veziane Theris avait peut-être été une putain – l’était-elle encore – elle possédait une puissante aura qui forçait le respect.

— Eh bien, qu’avons-nous là ?

Sa voix sifflante et raffinée hypnotisa sur-le-champ les Ecumeurs, sauf peut-être Benjen qui la dévisagea sans gêne des pieds à la tête.

— Vos visages me sont… familiers. Mon humble demeure serait-elle devenue le nouveau repère des marins ?

Il ne faisait aucun doute que Veziane savait à qui elle avait affaire. Les Ecumeurs des Mers étaient tolérés à Skaly ; les autorités locales possédaient même quelques accords tacites avec nombre d’entre eux. Néanmoins, il valait toujours mieux se présenter comme de simples et honnêtes marins n'ayant aucun lien avec les sanguinaires et apatrides Seigneurs de l'Abysse.

— Nous… Nous sommes venus chercher notre… ami, bafouilla Brimiriel, subjugué par la beauté de la Nargonide.

Cette dernière fit mine de réfléchir un instant.

Oh ! Bien sûr. Votre ami.

— Y vous a pas causé des emmerdements, on espère, m’dame Veziane ? s’enquit Breanna d’une petite voix.

Mademoiselle, je vous prie. (Elle plissa son nez court aux narines étroites en dévoilant sa langue bifide dans une moue hautaine). Vous ne souhaitez pas séjourner quelque temps parmi nous, je suppose ?

— On vient juste récupérer Byarnn, s’impatienta Benjen, peu impressionné par la matrone. Combien on vous doit ?

Les doigts fins de Veziane Theris se crispèrent un instant sur les pans de sa longue houppelande émeraude.

— Byarnn Thormar a tout réglé à son arrivée. Vorn !

Tel un génie que l’on aurait invoqué, le jeune garçon réapparut dans un tourbillon de tissu à la seconde où son nom fut prononcé. Veziane n’eut pas besoin d’ouvrir la bouche ; il avait compris son ordre silencieux. La matrone considéra une dernière fois le groupe. Ses longs cheveux rouges captèrent les rayons du soleil, habillant sa silhouette d’un éclat irréel. Sans plus un mot elle quitta le vestibule, et ce fut comme si elle avait emporté avec elle un peu de la majesté des lieux.

— Sacré personnage, souffla Brim, encore un peu étourdi.

Benjen fit rouler ses yeux dans leurs orbites et poussa gentiment le garçon, Vorn, pour qu’il les conduise enfin à leur camarade.

Ils traversèrent un couloir exotique décoré de tentures orangées et de plantes vertes en direction d’un escalier en colimaçon. Du premier étage leur parvenaient des conversations étouffées ; des rires, parfois. Une lointaine mélodie traversait les murs. Une femme chantait, accompagnée d'un instrument à cordes. Greta inspira à pleins poumons. Des odeurs sucrées lui chatouillaient les narines, mêlées à celles des bâtons d’encens qui se consumaient çà et là pour masquer le léger parfum, plus piquant, de la rencontre des corps.

— C’est toujours aussi calme ? chuchota Brimiriel à l’attention du jeune garçon. Il eut peur de briser la quiétude des lieux tant l’atmosphère lui paraissait fragile comme la fleur d’une vierge prête à être cueillie. Un comble, pour un bordel.

— Oh, non, messire, lui répondit Vorn. À vrai dire, aujourd’hui, on se repose pour les festivités à venir.

— La fête de Ludon, devina Benjen. Ta maîtresse organise quelque chose en particulier ?

— C’est ça, messire. Les orgies de la fin de la saison chaude en l’honneur du Dieu Ludon. La fête dure une semaine, ici. Elle commence demain soir.

Ludon... Dieu des Arts, de la Nature, de la Prospérité et bien sûr de l’Amour. Benjen se retint d’exprimer son opinion à propos de ces divinités desquelles il s’était détourné depuis fort longtemps. La seule chose en laquelle il avait décidé de croire était la vigueur de sa jeunesse et c’était amplement suffisant.

Parvenus au dernier étage, le garçon les invita à le suivre au bout d’un large couloir plongé dans la pénombre. Il désigna une porte close, puis attendit qu’un des Ecumeurs le remercie. À contrecœur, Breanna récupéra un petit sac de cuir bouilli dissimulé entre ses seins et lui tendit quelques piécettes de cuivre. Le garçon s’en alla au moment où les quatre comparses s’échangeaient des regards qui traduisaient une démotivation totale. Greta tendit l’oreille contre le bois ciré. Pas un bruit. Elle haussa les épaules et fit un signe de tête à Brimiriel. L’Elfeim soupira. Il actionna la poignée et ouvrit la porte.

La pièce surchargée de tentures et de décorations scintillantes baignait dans la lumière de fin d’après-midi. À leur gauche trônait un immense lit à baldaquin d’où s’échappaient de forts effluves d’alcool.

— Il est mort cette fois, hein Brim ? chuchota Breanna lorsqu’ils parvinrent à identifier un corps enchevêtré dans les draps.

— Non, il respire encore, répondit l’Elfeim sur un ton connaisseur.

— Ca s’rait con de crever le cul à l’air, mais ça m’aurait pas étonné de lui ! commenta Benjen à ses côtés.

— Greta, va chercher de quoi le ramener parmi nous.

La cadette Fatty acquiesça, un sourire narquois aux lèvres tandis qu’elle jetait un dernier regard à la masse informe qui laissa échapper un ronflement sonore. Brimiriel s’approcha du lit, mains sur les hanches, comme s’il s’apprêtait à prendre une importante décision.

Breanna alla s’affaler dans un gros fauteuil moelleux face au lit. Elle se demandait si Benjen n’avait pas raison de dire que Caerwyn allait les jeter par-dessus bord. Après tout, elle avait perdu son sang-froid devant Regor Finus et l’avait décapité. Elle savait que si Byarnn avait été là, il aurait empêché ce fâcheux incident. Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. Caerwyn allait très certainement les punir, et il commencerait par elle. Il ne la jetterait pas par-dessus bord, non. L’équipage du Yormungard avait été réduit quelques mois plus tôt par une épidémie qui avait emporté un tiers des hommes sous le commandement de Caerwyn. Ce dernier ne pouvait pas se permettre d’en perdre encore maintenant qu’il avait l’intention de quitter le port de Skaly. Breanna devinait sans effort comment son capitaine lui ferait payer son manque de contrôle : il attendrait d’être en pleine mer, un jour de tempête, pour l’attacher comme une figure de proue à l’avant du navire. Il la laisserait boire la tasse jusqu’au bord de la noyade avant de la hisser sur le pont et de la priver de repas. L’idée de pareil châtiment lui provoqua des sueurs froides.

Sa soeur Greta revint quelques minutes plus tard les bras chargés d’une large bassine en bois d’où s’échappaient des filets d’eau au rythme de ses pas. Brimiriel poussa un soupir las. Ce n’était visiblement pas ce à quoi il avait pensé lorsqu’il avait demandé à la cadette de trouver quelque chose pour sortir Byarnn Thormar de son sommeil alcoolisé. Il s’écarta tout de même lorsque Greta fit mine d’avancer, suivi de Benjen, qui n’était pas non plus amateur de douches froides.

Breanna réajusta sa position sur son fauteuil pour ne rien rater du spectacle. Sa sœur se posta au pied du lit, un sourire machiavélique tordant ses traits. Elle prit un peu d’élan et déversa l’intégralité du contenu de la bassine sur le corps assoupi.

Un cri aigu s’éleva des draps défaits avant qu’un tourbillon de tissu détrempé se mette à s’agiter désespérément, tel un gros poisson prisonnier d’un filet de pêche.

— Bordel de… ! Qui ose… !

Breanna ne put se retenir plus longtemps : elle éclata d’un rire gras et Benjen en fit de même. Byarnn roula sur le matelas pour s’extraire tant bien que mal des draps. Ses longs cheveux noirs partaient en tous sens ; son regard vitreux était furibond et sa mâchoire tellement crispée qu’elle accentuait les lignes dures de son visage mangé par une courte barbe. L’homme mit quelques instants avant de reconnaître ses amis, juste le temps de récupérer son cimeterre abandonné au pied du lit.

— Par les trois queues de Ludon ! Qu’est-ce que vous foutez ici ?

— Bonjour à toi aussi, Byarnn, répondit Brimiriel, impassible.

L’homme jura encore ; il rejeta son arme, essora sa barbe et ses cheveux trempés. Il se leva du lit en étirant brièvement ses muscles dans sa glorieuse nudité puis attrapa le drap et l’enroula autour de sa taille sans faire attention aux regards moqueurs des quatre autres. Il traversa plutôt la petite chambre jusqu’à une sellette en bois sculpté, attrapa la bouteille qui y était posée avec la ferme intention de vider son contenu.

— Byarnn…

L’Elfeim s’était avancé vers lui, sans doute dans le but de l’empêcher de siffler la bouteille, mais Ben le retint d’un geste sec en prenant les devants.

— Regor Finus est mort.

Byarnn ne prit pas la peine de faire face au semi-orc.

— Qui ?

— Regor Finus, le type qu’on devait cogner.

Le haussement de sourcils et la petite inspiration irritée de Byarnn convainquirent Benjen qu’il n’en avait strictement rien à foutre.

— Ah, lâcha l’humain. Dommage. On n’aura pas eu le temps de le rencontrer.

— Non, tu comprends pas ducon, s’agaça Benjen. On était avec lui. Breanna a eu un moment de panique et l’a décapité.

Cette fois, Byarnn se tourna vers la petite assemblée, sa bouteille toujours à la main, le drap trempé glissant de ses hanches.

— Joli. La tête est partie en un seul coup ?

— Ouais… avoua la jeune femme d’une petite voix embarrassée, ses doigts boudinés serrant convulsivement le tissu de ses braies.

Byarnn la rejoignit. Il posa un genou à terre et ses mains sur les siennes.

— Seuls les combattants les plus expérimentés parviennent à sectionner le cou d’un bougre en un seul coup. Redresse la tête et sois fière de toi, Anna.

Ses joues s’empourprèrent. Elle passa une main replète sur son crâne rasé et papillonna des yeux comme pour chasser sa gêne grandissante. Greta et Benjen leur lancèrent des regards exaspérés. Brimiriel, lui, se contenta de croiser les bras tout en s’intéressant à autre chose.

— Byarnn, souffla l’Orc. Tu vas finir par tous nous faire tuer avec tes conneries. On devait partir au fenil tous ensemble, t’as oublié ?

L’homme se redressa, se tourna vers Benjen et renifla avec dédain.

— Ouais, j’ai oublié. Contrairement à toi, j’ai une vie en dehors du Yormungard.

Les yeux de l’Orc s’étrécirent ; ses narines se dilatèrent. Les poings contractés, il émit un grognement sourd et tenta de se jeter sur Byarnn, qui ne bougea pas d’un pouce. Brimiriel et Greta retinrent Benjen de justesse.

— T’appelles ça « une vie », ducon ? Baiser des putains et boire jusqu’à l’évanouissement ?

— Ben, ça suffit, lui intima l’elfeim, une main fermement serrée autour de son biceps. Le semi-orc se dégagea d’un geste brusque et dépassa le groupe. Avant de quitter la pièce, il bouscula une jeune fille aux yeux de biche et aux boucles blondes, qui s’excusa en le laissant passer.

— Mademoiselle Veziane m’envoie, annonça-t-elle, peu impressionnée par ce petit rassemblement de malfaiteurs – en avait-elle vu défiler d’aussi loin qu’elle se souvenait, de ces hommes et ces femmes aux activités douteuses.

— Tout va bien, Igma, la rassura tout de même Byarnn. Demande à Yazston de me faire chauffer de l’eau et renvoie-moi Rizzen pour le bain.

— Un bain ? répéta Brimiriel, sourcil arqué.

— Euh… Monseigneur Thormar, commença la jeune fille. Je ne pense pas que Mademoiselle Veziane autorise Rizzen à reprendre le service aussi tôt aujourd’hui.

— « Monseigneur Thormar » ? s’étonna Breanna.

Byarnn fit la sourde oreille.

— Avec tout l’argent que je dépense ici, j’ai droit à quelques avantages, tu ne crois pas, ma jolie ? … Si Rizzen est occupé, je me contenterai des loyaux services de Yazston.

Le visage de la jeune Igma se tordit en une étrange grimace. Devinant ses pensées, Byarnn s’empressa de répondre :

— Pas de cette façon ! Par les Dieux. Pas même un aveugle voudrait de cette répugnante créature. Je parlais de l’eau chaude. Allez, va.

La petite blonde s’inclina avec déférence puis quitta à son tour la chambre. Tous les regards se rivèrent de nouveau sur Byarnn, qui se composa une moue innocente.

— Quoi ? Yazston fait vraiment peur à voir.

— Tu prendras un bain un autre jour. Caerwyn nous attend, fit Brimiriel dont la patience commençait doucement à s’étioler. On doit rendre des comptes pour la mort de Finus.

— J’n’y étais même pas ! souffla de dépit l’humain. Démerdez-vous sans moi, pour une fois. Dans un mouvement théâtral, il se laissa choir sur le lit défait, bras et jambes écartés, offrant une vue imprenable sur son postérieur à présent à découvert.

— Pitié… grimaça l’Elfeim.

Alors qu’il détournait son regard de cette vision qui, il en était sûr, lui filerait des cauchemars les nuits à venir, la chambre accueillit deux nouveaux arrivants. Un homme grand, aux cheveux courts et dorés, vêtu en tout et pour tout d’une tunique de soie qui ne laissait aucune place à l’imagination, accompagné d’une créature bossue, aussi disgracieuse que l’autre était beau. Ce contraste entre laideur et beauté avait quelque chose d’embarrassant. Byarnn s’assit en tailleur sur le lit, un sourire canaille rajeunissant ses traits de trentenaire.

— Je savais que Veziane ne me refuserait pas une dernière douceur !

— Oh ! non, pas question ! s’exclama Brimiriel lorsque le bel homme amorça un mouvement vers Byarnn. Tu vas sortir de ce lit et nous suivre tout de suite, Thormar. Tu en as assez profité comme ça !

La hideuse créature qui s’était activée à préparer le bain du client à l’autre bout de la pièce fut dérangée par Greta, curieuse de sentir sa peau indélicate et râpeuse sous son touché. Le dénommé Yazston ne s’en offusqua pas malgré sa surprise. Il laissa la grosse femme examiner ses oreilles, les protubérances sur son cou, ses mains griffues…

Byarnn l’impudique, lui, avait définitivement abandonné son drap et vint faire face à l’Elfeim, les mains sur les hanches.

Brimiriel le dépassait d’une bonne tête et demie. Les Elfes, les vrais, pas les vulgaires métis comme son camarade à la peau légèrement nacrée de gris et aux oreilles pointues, étaient bien plus grands. Byarnn se réjouissait que Brimiriel ne fût pas un sang pur. L’humain pouvait toujours lui botter le cul sans que sa grande taille n’en devienne un obstacle. Il avait un jour affronté un véritable elfe du pays de Luxarias et, contrairement à ce qu’il avait pensé alors, sa petite taille (il avoisinait quand même le mètre quatre-vingt-douze) ne l’avait pas aidé à remporter le duel. Pis encore, il avait failli y laisser un bras. Il savait qu’il n’avait rien à craindre de Brim : l’Elfeim était peut-être intelligent, mais il manquait de rapidité et de souplesse au corps-à-corps. Ce dernier dut suivre le cours de ses pensées puisqu’il fit une grimace. Ses lèvres s’amincirent, prêtes à assener de cinglantes paroles.

— Je ne ferais pas ça si j’étais toi, Byarnn.

— Manquer une occasion d’effacer ce putain d’air suffisant de ta belle gueule ? minauda-t-il.

— Tout à fait. Surtout pas alors que ma main est à quelques centimètres de ta queue.

— C’est une invitation ?

— Un avertissement. Ne me force pas à t’attraper par les couilles pour te faire sortir de la Maison Theris.

Les deux mâles se défièrent un long moment du regard jusqu’à ce qu’un sourire étire les lèvres de Byarnn qui vint poser une main amicale sur l’épaule de Brimiriel.

— Caerwyn nous attend sur le Yormungard ?

Brim ne cilla même pas face à ce brusque changement d’attitude ; il en avait l’habitude, Byarnn était comme ça.

— Il nous attend au Kraken Braisé, sur les docks.

— Alors j’y serai, déclara Byarnn d’une voix forte en se détournant de l’elfeim. Près de la porte, le garçon de plaisir attendait toujours. Byarnn le saisit par les pans de sa tunique pour le rapprocher de lui.

— Je pense qu’il est temps pour vous de quitter les lieux, poursuivit-il, dos à ses compagnons, alors qu’il entraînait l’autre homme vers le lit. À moins que vous souhaitiez participer ? Qu’en dis-tu, Rizzen ?

Byarnn s’assit au bord du lit, bientôt suivi par le giton qui s’installa à califourchon sur ses cuisses.

— Comme il te plaira, Monseigneur, susurra-t-il. Il écarta les cheveux noirs du torse de « Monseigneur » ; pressant ses lèvres fines à la jonction de son cou et de son épaule.

Byarnn se mordit les lèvres avec délectation. Il tourna son regard d’acier vers l’elfeim alors qu’il rejetait la tête en arrière pour faciliter l’accès de sa peau nue à la putain.

— Tu n’as aucune pudeur, Byarnn Thormar, siffla Brimiriel.

L’Elfeim appela Greta et Breanna sous le ricanement de l’humain. Les trois Pillards quittèrent la chambre aussi vite qu’ils le purent, peu désireux d’être témoins des excentricités sexuelles de leur camarade d’équipage.

Il fallait encore qu’ils retrouvent Benjen et calment sa colère. Brimiriel le connaissait depuis de nombreuses années, maintenant. Le caractère de l’orc était tout aussi tempétueux que celui de Byarnn, à ceci près que la rage semblait couler dans les veines de Benjen à la place de son sang.

Byarnn, lui, était un bon vivant lunatique. Il ne se privait jamais d’une petite bagarre si l’occasion se présentait. Mais, sitôt l’échange de coups terminé, il retrouvait son sourire détaché et passait à autre chose, cela même s’il avait perdu. Ben ne possédait pas un quart de son insouciance légendaire. Un rien pouvait le faire entrer dans de noires colères. Il avait des idées arrêtées sur à peu près tout ; se vexait lorsque d’aucuns parvenaient à prouver qu’il avait tort, qu’importe le sujet abordé. Un semi-orc difficile à vivre, en somme. Cela étant, Brim n’en fut jamais surpris. La réputation des orcs, même nés de mères d’autres races ceyannes, n’était plus à refaire.

La jeune fille blonde que Byarnn avait appelée Igma indiqua au petit groupe que leur compagnon orc se trouvait dans les cuisines, au sous-sol de la bâtisse. En effet ils découvrirent Benjen, la bouche pleine, écoutant religieusement une très vieille humaine Sans-Savoir aussi rachitique qu’un arbre mort, lui expliquer quelque chose à propos d’un mélange sucré-salé. Brimiriel retint le sourire qui menaçait de déformer le visage sérieux qu’il se composait toujours lorsqu’il prenait la tête du groupe de mercenaires, en l’absence de Caerwyn ou de Byarnn. Au moins, il semblait que la vieille femme était parvenue à calmer le courroux de l’orc en l’amadouant avec quelques douceurs. Tout le monde avait une faiblesse, même les plus sanguinaires des Ecumeurs des Mers.

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