Elle était dans la cuisine, en chaussettes, penchée sur une tartine. Il la regardait sans rien dire depuis un moment déjà.

— T’as encore pris le beurre salé, dit-il avec un sourire niais.

— C’est meilleur, répondit-elle en haussant les épaules.

Il hocha la tête. Ce n’était pas une surprise. Chaque matin, elle oubliait qu’il préférait le doux.

Il s’approcha. Lui tendit une tasse, celle avec le renard un peu écaillé sur le bord, sa préférée.

— Tu la gardes toujours, murmura-t-elle. Elle est fendue.

— J’aime bien quand les choses tiennent malgré la fissure.

Elle ne répondit pas tout de suite. Son regard se posa sur la tasse, puis sur lui. Il avait les yeux fatigués, le genre de fatigue douce, qui vient quand on reste trop longtemps sans dire ce qu’on pense.

— Tu sais, dit-il, si tu décidais de partir un jour, je garderais quand même le beurre salé dans le frigo.

Elle se figea. Les mots simples la prenaient toujours par surprise.

— Même si tu n’en veux pas ? demanda-t-elle.

— Au cas ou tu décides de revenir, j'en aurai dans le frigo.

Silence.

Elle croqua dans sa tartine. Il la regarda faire.

Il ne dit pas ce qu’il aurait pu dire. Il n’en avait pas besoin. Il y avait du beurre salé sur la table, une tasse avec un renard fêlé, et une femme qui restait là, matin après matin.

C’était suffisant pour tout dire