Chapitre 4

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Une odeur de vanille mêlée au café flottait dans l'air. L'idée de passer la journée avec Oly entacha quelque peu ma matinée. OK, elle avait été plutôt cool hier soir. OK, elle avait préparé le café mais j'aurais préféré, de loin, m'occuper du caniche de ma mère. Comment elle avait dit qu'elle s'appelait déjà ?

La porte d'entrée claqua puis Oly apparut un sachet de viennoiseries à la main. Je la détaillai, elle portait le même jean que la veille et un sweat bariolé violet et vert. Une sonnerie retentit et je la vis fouiller dans son sac à dos. Je m'attendais presqu'à la voir sortir un vieux Nokia mais l'appareil qu'elle tenait entre ses mains était moderne. Pas dernier cri mais relativement récent. Elle rangea le téléphone après avoir rédigé un bref message et se servit une tasse de café.

  • Bien dormi, demandai-je dans un raclement de gorge.

Puisqu'elle venait de fourrer la moitié d'un croissant dans sa bouche, sa réponse se résuma à un hochement de tête. Elle était loin d'être bavarde.  J'aurais dû m'en satisfaire et pourtant je relançai la conversation.

  • Oly c'est le diminutif d'Olivia ?

Elle hocha la tête une seconde fois, de gauche à droite cette fois.

  • Olive ? risquai-je avec moins d'enthousiasme.

Encore raté !

  • Hollywood ?

Le ton que j'avais employé allait de paire avec l'expression horrifiée qu'on devait lire sur mon visage. Ce qui eut le mérite de la faire rire. C'est que parfois les parents donnent des prénoms sacrément chelou ! Ils pensent faire dans l'original mais, ils est-ce qu'ils savent que le gosse, il se le coltine toute sa misérable vie son prénom merdique ? Alors que je me résignais, elle me lança, les yeux pétillants :

  • Olympe.

Mes yeux s'écarquillèrent. « Olympe ». Je répétai ce mot plusieurs fois pour moi-même. J'aimais bien. C'était doux, peu commun mais pas trop extravagant. J'aimais son côté suranné et je trouvais, pour le peu que je connaissais de cette gamine, que ça collait plutôt bien à sa personnalité.

  • C'est plus joli qu'Oly ! dis-je.
  • C'est aussi ce que pense ma mère.
  • Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

Un voile de tristesse recouvra son regard.

  • Cancer du sein.

Je n'y connaissais rien en médecine mais il me semblait que si ce type de cancer était un des plus courant chez les femmes, il se soignait aussi relativement bien. Je n'osais rien dire de plus, ça valait mieux.

  • Et Francis ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

Je fronçai les sourcils. Je la préférais muette et fuyante en fin de compte. Je décidai de répondre de manière aussi laconique qu'elle.

  • AVC.

Elle hocha la tête encore une fois, puis elle ramassa les miettes et lava sa tasse. Elle ne s'arrêtait donc jamais de nettoyer ? Je ne savais pas trop quoi lui proposer, est-ce que j'avais besoin de le faire ? Ma mère m'avait demandé de la garder, pas de l'occuper. Elle retourna dans le salon et comme la veille, sortit son cahier à spirale. J'en profitai pour sortir prendre un peu l'air.

La fraicheur de ce mois de mai m'était agréable. Je n'aimais ni les pleins mois d'été ni les journées hivernales. J'aurais pu aller pêcher si je m'étais levé plus tôt. J'aurais peut-être même pu emmener la gamine. Est-ce qu'elle savait pêcher ? Avait-elle seulement déjà tenu une canne dans sa main ?    

Je m'étais toujours posé toutes sortes de questions sur les gosses que mes parents accueillaient. J'avais beau me dire qu'au fond je m'en cognais, je ne pouvais pas m'empêcher de m'interroger.

Ma mère me disait qu'on ne naissait pas tous égaux, que la vie était plus clémente avec certains qu'avec d'autres, qu'il fallait être indulgent et remercier le ciel de la chance qu'on avait. Qu'il fallait tendre la main vers les autres, leur offrir un peu de cette chance qu'on possédait, la partager. « Qu'est-ce qu'on y gagne ? » lui avais-je demandé. Elle avait soupiré. « Ce n'est pas la question que tu dois te poser Hector ! Demande toi plutôt ce que tu pourrais perdre. » Je n'avais pas compris sa réponse. Aujourd'hui encore je me disais que malgré notre bonté, on avait perdu plus qu'on avait gagné.

Je repensais à tous ces gamins qui étaient passés par chez nous. Qu'étaient-ils devenus ? Avaient-ils emporté avec eux ce petit bout de chance qu'on leur avait partagé ? Avaient-ils changé ? Avaient-ils une meilleure vie ? On n'en avait jamais rien su. Aucun d'entre-eux n'était revenu ne serait-ce que pour nous saluer. Ça me faisait de la peine pour ma mère. Elle avait tant donné que j'aurais aimé qu'ils reviennent la remercier pour les mots doux qu'elle leur avait chantés, pour les baisers qu'elle leur avait donnés, pour ces quelques moments heureux qu'elle leur avait offerts. J'aurais pu lui dire « T'as vu, t'as réussi ! » et elle aurait souri. Et pour une fois ça n'aurait pas été un sourire triste.

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