Chapitre 10

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Après l'église, nous nous rendîmes au cimetière. Le soleil de mai avait laissé place à des nuages de cendres et un léger vent soufflait. Je souris. Il est des circonstances qui en rappellent d'autres. Ma mère et mon père avaient échangé leur premier baiser un jour où la bise les avaient caressés. Aujourd'hui, le vent continuait de les accompagner, charriant les souvenirs de leur passé.

Quand l'écho de nos pas dans les graviers cessa, le maitre de cérémonie nous indiqua que le moment de l'ultime adieu était venu. Ma mère et moi nous approchâmes une dernière fois du cercueil de mon père, notre cœur serré et nos doigts emmêlés. Lorsque nous lâchâmes la rose blanche que nous tenions en mains, les notes de Je suis venu te dire que je m'en vais emplirent l'air et invitèrent l'assemblée derrière nous à suivre nos pas.

Nous regagnâmes ensuite la maison en compagnie de quelques proches. Si je n'étais pas à l'aise à l'idée d'évoquer des souvenirs de mon père avec des personnes qui m'étaient pour le moins étrangers, j'étais content de savoir que le vide n'envahirait pas tout de suite ma mère. Je la laissai en compagnie des membres de notre famille et décidai d'aller marcher un peu.

Je n'avais pas vu Olympe sur le chemin de la maison. Elle avait sans doute eu besoin de s'isoler un peu. Tout en pensant à elle, mes pas me ramenèrent devant le porche de l'église. Je poussai la lourde porte malgré moi. Comme je m'en étais douté, je la trouvais là, assise devant des dizaines de bougies.

  • Pssss.

Elle se tourna vers moi, regarda une dernière fois les flammes qui vacillaient devant ses yeux, fit son signe de crois et se leva pour me rejoindre.

  • Ça va ? lui demandai-je.
  • Et toi ?
  • Ça va. Je voulais te remercier pour ton discours. Il était...parfait.
  • Je t'en prie.

Elle avait cet air triste que je ne connaissais que trop bien pour l'avoir vu tant de fois sur le visage de ma mère.

  • Je t'emmène ?
  • Où ça ?
  • Voir ta mère.

Après nous être assurés que Martha resterait avec Maman le temps de notre absence, Olympe et moi montâmes dans ma vieille Golf 3. Le silence résonnait dans l'habitacle, un de ces silences qui nous réconforte quand on sait qu'on est deux à le partager. Oly sortit le carnet en cuir et continua sa lecture. Je la voyais, de temps à autres, lever son nez pour jeter des coups d'œil à mes mouvements de pieds. Ça me faisait marrer.

  • Ça raconte quoi ? fis-je en montrant le carnet du menton.

La gamine hésita un instant avant de résumer :

  • C'est l'histoire d'une jeune femme qui tombe amoureuse d'un pêcheur.

Je m'esclaffai. Olympe me dévisagea.

  • Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? me demanda t-elle.
  • J'sais pas. J'imaginais qu'elle aurait été plus inspirée.

La gamine se contenta de ma réponse. Elle semblait soucieuse.

  • Et qu'est ce qu'ils deviennent ?
  • Ils font un enfant.
  • Ah.
  • T'es déçu ?
  • Hein ? Non. Enfin j'sais pas, c'est une histoire écrite par une gamine de dix-sept ans...
  • T'as jamais voulu d'enfant toi ?

Je n'aimais pas la tournure que prenait cette conversation.

  • Ben pour faire un gosse, faut déjà être deux, tu vois...

Elle me fixait avec cet air qu'elle avait quand... OK ! J'avais encore l'air con !

  • L'amour, tu vois, toutes ces conneries, c'est pas pour moi.

Elle m'agaçait à me regarder comme ça. Qu'est-ce que je pouvais bien lui dire d'autre ?

  • J'aime pas les gens. Je ne suis même pas sûr de m'aimer moi-même.

J'avais le regard rivé sur le pare-brise, les mots sortaient tous seuls.

  • Y'a que du vide en moi.
  • J'ai rien à offrir tu vois.
  • C'est faux !

Je me retournai vers elle, les sourcils froncés.

  • C'est souvent ceux qui disent qu'ils sont incapables d'aimer qui aiment le plus fort. Tourne à droite, c'est là !

Je tournai dans la direction indiquée puis cherchai une place de parking pas trop éloignée de l'entrée. Nous défîmes nos ceintures.

  • Bon je t'attends là, prends ton temps.
  • Tu veux le carnet en attendant ?

Je refusai d'un geste de la main et elle s'éloigna après avoir déposé le carnet sur le siège passager.


**


  • Qu'est-ce que t'écris ?
  • Une histoire d'amour.
  • Pff.
  • Quoi ? Tu m'as dit que je pouvais réinventer ma vie.
  • Ben ouais. Imagine que t'es, j'sais pas moi, une artiste, une auteure, une aventurière même. Tu peux être qui tu veux !
  • Ben l'un n'empêche pas l'autre. Je peux très bien être une aventurière amoureuse.
  • Pff.
  • Quoi pff ?
  • Non rien !
  • Ben vas-y dis.
  • Et qu'est-ce que tu vas faire dans ton livre ? Te marier et avoir des gosses ?
  • Peut-être...

Elle me regardait avec ce sourire taquin.

  • Et tu crois que l'amour ça dure toujours ?
  • Non. Mais c'est mon histoire. C'est moi l'auteure donc c'est moi qui décide.

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