Chapitre 12

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J’entendis des bruits de pas dans l’escalier puis une porte qu’on ouvre.

— Hectoor !

J’ouvris les yeux en même temps que ma mère ouvrait celle de ma chambre.

— Hector ! Olympe est partie. Je crois qu’elle a pris ta voiture.

— Quoi ?!

Je me dressai sur mes pieds et avançai jusqu’à la fenêtre d’où je constatai que ma bagnole avait effectivement disparu.

— T’a essayé de l’appeler ?

— Oui mais elle ne répond pas.

J’attrapai mon portable et composai son numéro tout en me ruant vers sa chambre. Son lit était refait. Mais quelle gamine prend soin de refaire son lit avant de se tirer à bord d’une caisse qui n’est pas la sienne ?

« Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie d’Olympe…. »

Fait chier !

— Elle t’a pas laissé un mot en bas ? demandai-je à ma mère en soulevant le matelas.

Les cartes postales avaient disparu.

— Non, il n’y a que ton cadeau.

Elle n’avait pas vu le cadeau !

— Et...tu ne peux pas la localiser ? me demanda ma mère.

— Comment ?

— Vous n’avez pas des traceurs dans vos téléphones maintenant ?

— T’es sérieuse M’man ?

— Ben quoi ?

— Pourquoi j’aurai eu besoin de fliquer Olympe ?

Elle se pinça les lèvres.

— Bon, réfléchissons. T’as une idée de où elle aurait pu aller ?

— Non, Hector, non je ne vois pas. Oh mon Dieu, elle n’a même pas le permis !

Moi j’y voyais à demi. Je l’avais sous-estimée. Elle avait élucidé le mystère du corbeau et s’en était allée le trouver.

Merde ! Merde ! Merde !

L’horloge de mon salon apparut soudainement dans mon esprit, scandant son affreuse réalité. Tic Tac Tic Tic Tac ! Je n’avais aucune idée de l’endroit où elle pouvait être allée. Il ne me restait plus qu’une solution : lire vite !


**


Je tenais la lettre de Rave au creux de mes mains. Les feuillets étaient froissés, creusés en leur centre par l’empreinte rageuse de mes doigts.

« Tu auras peut-être lu ce carnet. J’imagine bien Olympe te tanner jusqu’à obtenir de toi que tu le lises en entier. Je ne lui ai pas menti, lui parlant même de Valraven en quelques mots bien choisis. Mais j’ai volontairement omis la partie la plus sombre de l’histoire, celle qu’il n’est pas nécessaire pour elle de connaître.

Je sais qu’Oly s’acharnera à découvrir quel est ce monstre qui a noirci mon existence mais mon vœu le plus cher est qu’elle ne découvre jamais cette affreuse vérité.

Je m’en remets donc à toi, après avoir longuement songé au prix que tu allais devoir payer. Je n’ai plus d’autres choix, la mort n’attend pas. Pourquoi toi ? Simplement, parce qu’il en a toujours été ainsi pour moi. Tu as été plus qu’un pêcheur de rêves rencontré au détour d’un sentier cabossé, plus qu’un partenaire avec qui partager un bout de vie. Tu as été mon guide, l’espoir né d’une goutte de pluie, un éclat de chance au milieu d’un ciel tout gris.

Je me dis que peut-être, avec le temps, avec tout ce que tu pourras lui apporter, Olympe remisera sa curiosité au fond d’un tiroir. Peut-être qu’avec le temps, qu’avec tout ce qu’elle saura t’insuffler, tu oublieras toi-même l’existence de ce passé.

Tu te rappelles sans doute de notre dernière dispute… Tu ne peux pas savoir combien l’éclat de nos voix a résonné en moi pendant toutes ces années. Je voulais aller à cette soirée mais encore plus te prouver que mes choix n’appartenaient qu’à moi. En réalité, je n’avais besoin de rien d’autre hormis tes bras mais, le simple fait que tu t’opposes si fermement à l’une de mes envies souleva en moi une vague de rébellion. Je m’étais jurée de ne dépendre de rien ni de personne. Je ne voulais surtout pas dépendre de ton amour. Je voulais t’aimer pour ce que tu étais en n’oubliant pas les désirs de liberté que je nourrissais.

Je n’avais pas imaginé que ce stupide choix entrainerait ma mort. Car on peut mourir à l’intérieur de soi…

Il m’attendait. Je l’ai vu lorsque son regard s’est posé sur moi. Sur l’instant, je me suis sentie flattée à l’idée que tu n’étais pas le seul à m’avoir remarquée. On peut bien se l’avouer : je ressemblais plus à une graine de pissenlit qu’à une rose épanouie. Il m’a invitée à danser, je n’ai pas refusé. On a parlé de tout, de rien. Il était sympa. Il m’a offert un coca. A proposé de me ramener. La suite reste floue pour moi.

Je ne me souviens que de ses doigts griffus autour de mes poignets et de son haleine sur mes lèvres. Je ne me souviens que de mes cris bloqués dans ma gorge et de ses grognements rauques. Je ne me souviens que de cette froide sensation de mort envahir tout mon corps.

Je suis restée prostrée les jours suivants dans ma chambre, incapable de parler à qui que ce soit de ce que j’avais subi ce soir là. Marianne s’inquiétait pour moi… Mais elle était si loin de toute cette cruauté qui peuple ce monde. Francis, lui, n’était pas si naïf. Il lui avait suffi de poser deux ou trois questions et de se contenter de mes larmes et de mes silences pour comprendre. J’ai compris à mon tour qu’il était allé trouver mon corbeau lorsqu’une pierre brisa ma fenêtre en pleine nuit. Les reflets de l’incendie de l’atelier illuminait la menace que Valraven avait laissée pour moi. Je suis partie le lendemain, emportant la mort au plus loin de vous.

Je sentais son ombre planait au-dessus de moi mais il ne connaissait ni ma mère ni sa maison. Une aubaine. J’ai donc replongé en Enfer, le temps pour moi d’organiser notre fuite. Et puis un jour, j’ai cru l’apercevoir à travers les ramures du saule pleureur. Je me suis enfuie par l’arrière pour me cacher de ses yeux perçants. Je suis revenue quelques temps après m’être persuadée d’avoir rêvé.

La maison était en train de brûler.

La suite de l’histoire, tu la connais. Une question demeure évidemment !

J’ai longtemps refusé de me la poser, persuadée qu’aucun bien ne pouvait naitre du mal. Et puis un jour, une simple formalité médicale m’a prouvé que j’étais bien plus naïve que je ne le pensais. Malgré l’amour qui nous unissait, malgré les espoirs que je nourrissais et les prières que je récitais, j'ai compris que dans les veines d’Olympe ne coulait pas ton sang mais l’encre noire de Valraven. »

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