4 - L'organisation de la domination gentille

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A la question "quels sont les caps pour l'éducation populaire du FonJep Bretagne ?", une assemblée pourtant critique envers sa servitude au système et formée à l'exercice réthorique, à répondu "l'éducation". J'ai assisté à cela comme à un drame. Comment une telle platitude, une telle léthargie - jusqu'aux revendications - est-elle possible ?

C'est possible, car c'est organisé avec le "débat par le consensus". Elle consiste à trouver une réponse englobant l'ensemble des réactions - et non des analyses - en une même idée, en un même mot, afin de ne froisser personne. On ne cherche donc jamais à choquer mais à être constructif, donc neutre et large. Si jamais une idée sort de ce cadre - par exemple une volonté révolutionnaire - elle sera rassemblée vers une idée plus abstraite pour être mise côte à côte avec une autre réfléxion. Ainsi, la révolte deviens l'émancipation, puis l'éducation, la transmission et enfin l'information : on parle alors du numérique, des applications mobile, on surf entre les histoires et nous avons perdu l'analyse et la grandeur.

La volonté révolutionnaire est impossible dans de telles conditions, car politique reste conflictuelle au premier abort. Elle nécéssite une culture, une analyse et l'indépendance pour être acceptée. Elle n'est pas une matière au brainstorming. Dans un débat par concensus, chaque conflit doit être résolu, non par une grande conversation et une analyse, mais par le respect égal de toutes les pensées - qu'importe son origine, si elle est profonde, empirique, si elle n'est qu'une réfléxion ou le résultat d'une grande étude. On considère que l'impératif révolutionnaire ne vaut pas plus qu'une annectode rapide et superficelle sur la nécéssité de Facebook.

C'est stupide, mais "bien" : la morale - c'est à dire l'instinct de troupeau - considère aujourd'hui la confrontation des idées comme néfaste, la violence conceptuelle - même réelle - comme nuisible à l'échange. On ne veut plus faire de tord ni accuser personne : car aujourd'hui, tout le monde est coupable d'ignorance, de faiblesse et de bêtise. Il est bien sur mal vu de rappeler la responsabilité et le réel à la civilisation de la fin du monde.

Bref : dans un débat par concensus, on ne réfléchit pas, on fait un conglomérat d'avis sans les juger, sans aucune rigeur méthodologique, sans tri, sans enjeu défini. Constamment, on tire vers le bas - puisqu'on peut transformer la révolution en information, mais jamais l'inverse. Par cela, on dépolitise totalement, on rend insipide, encore une fois : on bureaucratise.

Pratiquement, comment s'est organisé ce miracle ?

40 personnes se sont regroupées en 4 groupes de 10 personnes. Après un tour de table, chacun a dit une idée sur l'enjeu que devrait considérer le fonjep. On obtient 10 réfléxions par groupe, qui devra faire un travail de consensus pour retirer 3 problèmatiques. On optient alors en tout 12 questionnements - déjà bien lessivés - que l'assemblée entière devra transformer en 3 enjeux.

Jamais, ôh ! grand jamais, hier une association responsable n'aurait osé organiser les idées comme cela. Si cette méthode est une invention de la bureaucratie, si elle est naturellement fuie par tous les anciens révolutionnaire, ce n'est pas sans raison : c'est la structure même de l'inefficacité de la raison.

Comment, dans ces conditions bien sûr imposées par l'état - et son animatrice en charge de la réunion - peut on espérer autre chose que "l'éducation, la transmition de l'information et les structure sociaux économiques" comme objectif du FonJep ? Comment peut on être aussi dépolitisés que cela ?

Et surtout : comment des animateurs et éducateur formés à la réthorique peuvent-ils se faire avoir si bêtement, eux qui ont tous regardé avec délice Franck lepage ?

Une fois le travail fini, les langues se libèrent : certains parlent de l'achat de la paix sociale par le gouvernement, des entreprises étatiques de destruction du tissus associatif, de la fausse apparence de bonté de cette réunion, des moyens mis en place concrètement pour faire couler les petites structures etc.

Mais rapidement, d'autres tournent ça en dérision, à la blague, le vieux d'en face joue les preneurs d'otage et en profite pour raconter sa vie. Ca soule tout le monde. Une quarantenaire regrette le bon vieux temps mais ne va pas au delà de la nostalgie, quand un autre enchaîne avec son malheur de ne voir plus aucun jeune au conseil d'administration. Le débat tourne alors à l'heure à laquelle il faut les organiser, et bien sûr, à l'atout indispensable que serait la création dévénement Facebook. Blabla, blagues et bêtise moralement acceptés : tout le monde se retrouve dans la médiocrité. Et la critique s'envole, et le besoin de révolution s'oublie : et nous on reste là, perdus devant ce triste spectacle.

On reste là, à penser aux anciens qui avaient au moins su créer un semblant de fierté révolutionnaire. On l'imagine faiblement, on l'espère - mais dans combien de temps va-t-on l'oublier ?

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