3 - SANG

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23 Novembre 2556 (J-28 avant le Grand Transfert)

 Le crâne de la femme explose sous les coups de ma matraque, les giclures de sang éclaboussant partiellement mon visage et mon armure. Bien plus qu'une matraque, le CHOC peut s'avérer très meurtrier. Placé en position Un, c'est un simple bâton télescopique en acier spécial, indestructible. Mais les différentes positions qui s'ajoutent le font devenir bien plus dangereux. En position Deux, de fines lames apparaissent sur ses côtés, si tranchantes que même de la pierre pourrait être couper sans effort ; la position Trois est fait pour se charger d'électricité à différents niveaux, pouvant aussi bien secouer ou complètement électrocuter sa victime ; et en position Quatre, il génère une chaleur intense pour brûler vifs ses adversaires.

 Je fais volte-face et tape tous ceux qui se trouvent devant moi. Ces putains d'enragés ne se calme pas, même après un mois de vague d'assaut. Je sais pas comment ils font pour trouver toujours plus d'adeptes, mais les meneurs de ces groupes anarchiste reculent devant rien pour arriver à leur but. Y'a deux jours, Folk s'est fait mordre une testicule par un gamin de huit ans à peine. Tous les moyens sont bons pour éliminer ses adversaires, mais de là à envoyer un mioche bouffeur de couilles faut vraiment être taré !

 - Kian ! A droite !

 La voix tonitruante de Yon me fait revenir dans le champ de bataille où, machinalement, je finis d'écraser la mâchoire d'un homme d'une cinquantaine d'année à coup de botte. J'abandonne la carcasse de l'édenté pour affronter le danger à ma droite : un bodybuilder monstrueux, dans tous les sens du terme, qui possèdent des muscles dont je connaissais même pas l'existence.

 Sa chaussure taille quarante-huit s'abat sur ma poitrine et je fais un vol plané de cinq mètres. Je retombe lourdement sur le trottoir d'en face, ma tête heurtant salement le béton. A moitié sonné, je me relève en gardant précieusement mon CHOC dans la main. La bête de deux mètres au bas mot se met à courir vers moi en gueulant comme un porc. J'active mon arme en position Quatre, un petit faisceau rouge traverse tout le métal et je l'attends de pied ferme.

 Mais d'un seul coup, une douleur vive atteint ma cuisse gauche. En baissant la tête, je vois une petite fille qui me regarde avec un air difforme, démoniaque même, son couteau à la main planté dans ma jambe.

 Salope ! Je me méfie jamais assez des gosses.

 Elle retire l'arme d'un coup sec, et avant qu'elle recommence je lui coupe son élan en lui flanquant le CHOC chargé dans les tempes, sans ménager mes forces. La moitié de son visage brûle instantanément dans un cri atroce, et elle se fracasse sur le sol, face contre terre.

 Quand je relève la tête, la montagne de muscles continue son sprint et se retrouve à 4 centimètres de moi. La collision est brutale. Il m'emporte dans sa course et on explose ensemble la vitrine du restaurant de derrière. Durant la chute, en plein envol, nous sommes éjectés l'un de l'autre car mon CHOC lui flanque une décharge électrique dans l'abdomen.

 Je m'effondre sur une table, qui se brise aussitôt sous mon poids. Toute la poussière me rentre dans la gorge et je tousse à en cracher mes poumons. Ma jambe me lance et mon dos me fait un mal de chien, mais je me relève au plus vite avant de me refaire surprendre. En jetant un rapide coup d'oeil autour de moi, j'aperçois mon adversaire affalé par terre

 Je fonce vers lui dans l'espoir de l'achever pour de bon mais je m'arrête net quand je comprends pourquoi il ne bouge plus : un bout de verre est planté dans sa gorge, recouverte de sang. Le liquide presque noir coule tout autour de lui, doucement. Il n'en a pas pour très longtemps. Je m'approche pour lui retirer le verre afin qu'il crève plus vite et, en me baissant, je l'entends chuchoter. Dans un dernier souffle, il essaye de parler et la curiosité me pousse à tendre l'oreille.

 - ... dans le déni... comme vous... j'ai choisi de mourir au combat... Je ne regrette rien...

 Ses yeux me fixent sans sourciller, un sourire aux lèvres. Se faire tuer et être heureux... Décidément, il me manque quelque chose pour comprendre ces hommes. Je me lève et me tourne pour rejoindre le carnage de dehors, mais un homme me barre la route, une arme à feu pointé sur moi. J'ai perdu mon CDS dans la bataille tout à l'heure, me voilà à sa merci. Mon CHOC, même rechargé, ne me sera pas d'une grande utilité.

 Pendant un moment, il ne se passe rien. Son regard se porte sur moi, puis sur la victime, pour revenir sur moi. Et je comprends : il hésite. Il croit peut-être dur comme fer à son idéal, mais agir dans un acte effroyable, en l'occurrence tuer un homme de sang froid en le regardant droit dans les yeux, reste une chose très compliquée à faire en réalité. Je décide de tenter le raisonnement en m'avançant le plus lentement possible. Je montre le mort du doigt.

 - Tu le connaissais ?

 Après un long silence qui ne me permet pas d'avancer énormément, il me répond.

 - Oui ! Oui je le connaissais très bien ! Tu l'as tué enfoiré !

 - Nous nous sommes battus. Il savait quel résultat attendait le perdant. C'était lui ou moi.

 - Sauf que maintenant, c'est toi et moi !

 - Tu penses vraiment que c'est aussi simple ? Qu'est-ce que vous faites, toi et ton alliance ? A quoi ça rime tous ces morts, tu peux me le dire ? Depuis la Scission, combien d'amis tu as perdu ? Où est ta famille ?

 - En quoi ça te regarde hein ? On a un objectif, et tu es sur notre passage ! Comme tous les autres d'ailleurs ! Vous êtes tous des pantins ! Noco Seltiq décide d'emmener ses pantins dans un autre théâtre, et personne ne bronche ! Où sont nos choix ? Où est notre liberté ? Vous, les soldats de votre pseudo-justice, vous vous battez pour une cause qui vous dépasse !

 - Nous nous battons pour protéger les autres de vos attaques mortelles inutiles. Votre but ne vaut pas la mort de millions de personnes.

 - Notre but n'aurait pas lieu d'être si Seltiq avait réussi à gouverner ! Maintenant, le mal est fait, et ces morts sont sur ses mains, pas les nôtres !

 - Je suis d'accord, Seltiq devrait payer de ces crimes. Il devrait faire un exemple. Mais la Scission est lancé. Plus personne ne peut plus rien. Tous vos meurtres, vos atrocités, ne vous aideront en rien. Il faut savoir lâcher prise, et se battre dans le futur avec d'autres armes, d'autres actions, pour ne pas réitérer un tel désastre.

 - Tout se joue maintenant ! Après il sera trop tard !

 - Il est déjà trop tard. Tu risques de mourir pour rien.

 Le double cliquetis de son arme, un Beretta assez ancien relié aux battements de son coeur et à son flux sanguin, indique que son intention de tirer dépasse les quatre-vingt dix pourcents. Le coup de feu partira entre cinq et vingt secondes maximum. Sauf si c'est une arme contrefaite et que le bruit ne sert qu'à impressionner les victimes qui ne s'y connaissent pas. Pas le temps de détailler, dans tous les cas, je suis encore trop loin pour agir. Il craque son cou et avec un sourire me lance :

 - La Scission m'a ouvert les yeux : je décide de vivre et mourir où je veux ! Personne n'a le droit de m'emmener là où j'ai pas envie d'aller ! Et comme je suis certain que plus les morts seront nombreux, plus il y aura de chances de rester à Wall City, je serais heureux d'offrir ma vie, ici et maintenant !

 Et sa tête vole en éclat dans une gerbe de sang et de peau molle qui décore un peu la pièce en s'accrochant au plafond.

 - Voeu exaucé, sale merde ! lâche Yon.

 Son corps s'affale lamentablement par terre et est secoué de quelques spasmes avant de mourir définitivement. Mon ami est sur le trottoir, son CDS à la main. Je ne compte plus combien de fois il m'a sauvé la mise, mais sur celle-là, je vais être obligé de le remercier...

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