44. Tentatives de communication

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Arthur

Je regarde mon ordinateur et mon téléphone. Toujours aucun signal. C’est comme si on était coupés du monde. Et ça m’énerve au plus haut point. Mon seul moyen de contact avec Julia, c’est Internet et là, clairement, il y a un souci. Je vois que mon message pour elle n’est toujours pas parti. Toute la nuit, j’ai regardé et je n’ai vu aucune différence. Les micro-coupures, c’était déjà arrivé, mais là, le problème est clairement différent.

Dès le lever du soleil, je me lève, jette un œil à Lila qui est toujours endormie, et file au bâtiment principal pour aller voir Snow et essayer de comprendre ce qu’il se passe. Quand j’arrive, il est déjà dans la salle des opérations en train de râler sur un nouveau soldat que je ne connais pas.

- Comment ça, il n’y a plus que le satellitaire qui fonctionne ? C’est quoi ce bordel ? Vous allez me rétablir les connexions habituelles et plus vite que ça !

- Mais, Lieutenant, c’est le Gouvernement qui a coupé tous les serveurs. Je ne peux rien faire. Vous pouvez toujours appeler le Colonel, c’est tout ce qui compte, non ?

Le Gouvernement a coupé toutes les communications ? Mais c’est quoi, cette histoire ? Il n’y a pas de gouvernement en plus. C’est forcément un coup d’Ankhov, ça. Qu’est-ce qu’il manigance ?

- Mathias, on n’a plus Internet ni téléphone, c’est ça ?

- Oui, Arthur. Il ne reste que le téléphone satellitaire, mais on est censé ne l’utiliser que pour l’armée. Ça veut dire que ni toi, ni moi ne pouvons entrer en contact avec nos amoureuses en France. Font chier, ces Silvaniens.

- Je vais appeler le siège de l’ONG alors. Pour les informer de la situation. Et comme ça, ils pourront prévenir Julia et Justine de ce qu’il se passe. Et surtout, ils pourront mettre la pression sur Ankhov pour que tout soit rétabli. On dirait qu’il est parti pour être pire que Lichtin, non ?

- Ouais, j’ai déjà prévenu le Colonel, moi. Là, on ne peut rien faire de plus à notre niveau, soupire-t-il. Je te laisse passer ton coup de fil et tu nous rejoins au réfectoire pour le petit déjeuner ?

- On fait comme ça. J’irai chercher Lila avant de venir manger.

Je prends le téléphone satellitaire que me remet le soldat en poste et hésite un instant à composer le numéro de Julia. Qui pourrait me le reprocher ? Et qui le saurait vraiment en fait ?

- Vas-y Tutur, même si ce n’est pas long, ça la rassurera. Si on te reproche, tu n’auras qu’à dire que tu n’avais pas bien compris les ordres. Ou alors, tu dis qu’il y avait un problème à régler et que Snow n’avait pas la réponse. Fonce, tu as le téléphone.

Je me décide à écouter ma petite voix et compose rapidement le numéro de Julia. J’entends que ça sonne et le bruit de cette sonnerie me surprend et me ramène immédiatement en France. Je sais que je suis en train de faire une bêtise, mais je l’assume. Ce ne sera pas la première, ni la dernière. Au moment où je vais raccrocher en me disant que la chance n’est pas de mon côté, j’entends la voix ensommeillée de Julia qui décroche.

- Allô ? J’espère que vous avez une bonne raison pour oser me réveiller à cette heure.

- Coucou ma chérie ! La raison, c’est que je t’aime et que je n’ai aucun autre moyen pour te contacter. Tu valides ?

- Arthur ? Je… Attends, tu m’appelles avec… T’es fou, rit-elle. Tu vas bien ? Et Lila ? Et Mat’ ? Tout se passe bien ?

- Oui, je suis fou, mais toutes les communications sont coupées ici. Donc, je fais avec les moyens du bord. Tout le monde va bien, oui. Mais tu me manques trop. J’ai passé la nuit à ressentir ton absence à mes côtés.

- Tu me manques aussi, soupire-t-elle à l’autre bout du fil alors que je l’entends bouger. Ça va vraiment être long, six mois… Tiens-moi au courant dès que tu sais si tu peux rentrer, je reprends le boulot sans avoir pris mes congés pour pouvoir poser mes jours quand tu seras là. Le Capitaine Torchet est ok, on pourra en profiter. Je ne vais pas te lâcher d’une semelle.

- J’y compte bien. Ton voyage s’est bien passé ? Pas trop difficile, le retour en France ?

- Tout s’est bien passé oui, mais je m’inquiétais de ne pas avoir de nouvelles. Je suis contente de t’entendre, Arthur… Ça fait un bien fou, même si tu m’as réveillée et que je suis seule dans mon grand lit.

- Cela me fait du bien aussi de t’entendre, même si je risque de me faire engueuler par Snow. Je suis content de ne pas être militaire. Il ne pourra pas me coller de latrines pour utilisation de matériel militaire à titre personnel ! Je ne vais pas abuser, par contre. Tu peux me rendre un service ?

- Bien sûr, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

- Tu peux prévenir Food Crisis du problème de communication ? Et leur demander de faire débloquer les choses ? Et si tu peux aussi prévenir Justine, ce serait bien aussi pour Mathias.

- Ça marche, je fais ça. Embrasse Lila pour moi, d’accord ? Vous me manquez beaucoup tous les deux.

- Je vais lui faire un gros câlin et un gros bisou de ta part, promis. Je t’aime, Julia. Vivement que l’on puisse communiquer normalement à nouveau. A très vite !

- Fais attention à toi, hein ? Je t’aime. Merci pour ce réveil, je vote pour, finalement, rit-elle. A bientôt mon Bûcheron d’amour.

Je raccroche et vais rendre le téléphone au soldat qui a remplacé Morin avant de descendre. Je constate, un peu surpris, que Lila est déjà là, en train de manger une omelette et boire du chocolat chaud.

- Eh bien, Lila ! Tu t’es réveillée toute seule ? Et tu savais que j’étais ici ?

- C’est la dame là-bas qui remplace Julia qui est venue me chercher et m’a ramenée ici. Elle m’a même préparé l’omelette. Elle est gentille, mais elle sourit pas juste.

- Pas juste ? De qui tu parles ? Et puis, personne n’a remplacé Julia.

- Mais si, la dame avec Mathias ! Là-bas ! Tu vois rien ou quoi ?

Je suis la direction indiquée par son doigt et je tombe sur Nathalie qui me décoche un immense sourire. Je la salue, un peu troublé par ce qu’a dit Lila. La jolie brune prend cela comme une invitation, elle s’excuse auprès de Snow et vient nous rejoindre.

- Bonjour beau barbu, je peux te ramener un café ?

- Euh… Bonjour. Je vais aller me servir, je ne suis pas handicapé.

- Oh, mais ça ne me dérange pas du tout, je peux bien faire ça pour toi. Je sais que tu es un peu triste, Lila me l’a dit, alors, j’ai envie d’essayer de te consoler et te réconforter. Ne bouge pas, j’arrive avec ton café.

Elle s’éloigne et je constate avec un peu de consternation qu’elle fait tout pour attirer mon attention en ondulant des hanches comme si elle était dans une boîte de nuit et voulait finir dans mon lit à la fin de la soirée. Je reporte mon attention sur Lila qui me sourit.

- J’ai eu Julia au téléphone. Elle te dit bonjour. Elle était contente d’avoir de nos nouvelles et on lui manque.

- Quand est-ce qu’elle revient ? Nathalie est gentille mais pas comme Julia. Elle m’a parlé que de toi.

- Pas tout de suite, Lila, il va falloir être patient.

- J’aime pas attendre, Arthur. C’est trop long.

- Je suis d’accord, mais bon, au moins, on est là tous les deux ensemble, c’est déjà pas mal.

Alors que Lila se lève pour venir s’installer sur mes genoux et me faire un câlin, Nathalie revient avec mon café qu’elle dépose devant moi, faisant exprès de frotter sa poitrine contre mon bras avant de s’installer juste en face de moi. Je reste silencieux, mais cela n’a pas l’air de la déranger. Elle me parle, insensible à la distance que j’essaie d’installer entre nous.

- Elle est formidable la petite, vous êtes mignons tous les deux, on voit que tu t’en occupes bien. Tu crois que je pourrais venir la voir de temps en temps et t’aider à t’en occuper ?

- Tu es militaire, pas sûr que tu aies le temps de venir t’en occuper. Et pas sûr que le Lieutenant soit d’accord avec ça, rétorqué-je un peu sèchement.

- Mais Julia, elle avait le temps, elle ! intervient Lila qui n’a pas compris le petit jeu auquel joue Nathalie.

- Oui, mais Julia vivait quasiment avec nous, ce ne sera pas le cas de Nathalie.

- Je ne dirais pas non pour m’installer auprès d’un si beau spécimen d’homme et d’une charmante jeune fille, susurre-t-elle en papillonnant des yeux, ce qui m’exaspère au plus haut point.

J’essaie cependant de rester correct et fais mine d’ignorer sa remarque. Cela ne la décourage pas du tout car elle reprend son attaque en règle.

- Enfin bon, je ne veux pas m'incruster, hein, mais si tu te sens seul, n’hésite pas à venir me voir, Arthur, minaude-t-elle.

- Ben, il est pas seul, je suis là ! tonne Lila qui, cette fois, me fait sourire.

- Voila, rajouté-je. Si je suis seul, j’aurai le droit à un câlin de la plus jolie fille du campement maintenant que Julia est partie.

- Bien, rit Nathalie, je comprends. On en reparlera quand la Lieutenant aura retrouvé les bras de son cher Elliott. Ou ceux du Capitaine Torchet, j’ai entendu dire qu’elle allait bosser avec lui. Il va être content de retrouver sa Lieutenant adorée.

La salope. Bitch. J’ai envie de l’étriper pour les petites piques qu’elle lance. J’ai totalement confiance en Julia, mais avec ses quelques mots perfides, elle vient de replanter une once de doute au fond de moi. Et si Julia se rendait compte que ces militaires sont bien mieux que moi ? Fait chier, maintenant, je ne vais pas arrêter d’y penser. Je relève les yeux vers la brune en face de moi et m’adresse à elle de la manière la plus froide et détachée possible.

- Contrairement à certaines femmes qui ne pensent qu’avec leurs hormones, Julia est une femme qui n’a qu’une parole. Nous nous aimons et elle ne se laissera tenter par personne d’autre que moi, Nathalie. Alors, arrête de dire des conneries et concentre-toi sur la mission. Il y a du boulot, ici, des risques à prendre en compte, des usages à assimiler. Et là, clairement, tu n’as rien compris à l’histoire. Je pense que si tu veux occuper tes soirées et tes nuits, tu devrais trouver ton bonheur facilement. Il y a plein de queutards prêts à te satisfaire ici. Je n’en fais pas partie. Compris ?

- J’en prends note. Je ne voulais pas te vexer ou… Je ne sais pas. Excuse-moi, Beau Barbu. C’est juste que je connais Julia depuis longtemps, alors je sais comment elle fonctionne. Elle a apprécié la compagnie de Torchet au Mali, mais s’en est trouvé un autre à peine était-il rentré, blessé. Enfin bon, peut-être que ce sera différent avec toi, hein… Bonne journée à toi. Bonne journée, ma Jolie.

Je ne réponds pas alors qu’elle se lève et part retrouver Snow. Chaque mot qu’elle prononce est comme une flèche qui vient se ficher en moi, dans mon cœur, dans mon esprit. Je sais que Julia n’est pas comme ça, ce n’est pas possible, elle m’aime et ne va pas m’abandonner. Cette Nathalie est une menteuse, elle veut juste me mettre dans son lit, ce n’est pas possible autrement.

- En même temps, il faudra lui poser la question, à Julia. Ce Torchet ne me dit rien qui vaille.

Mais pourquoi est-elle allée me dire ça, cette conne ? Je n’ai pas besoin de douter plus que je ne le fais déjà. Et je n’ai pas à douter. La connexion qu’on a, Julia et moi, est forte et intense, comme jamais je n’en ai connue. Jamais elle ne me trahira. Jamais, je ne la tromperai. Une telle catastrophe est inenvisageable, impossible à imaginer.

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