84. Les prisonniers passent à l'action

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Arthur

Le Général nous a laissés seuls dans la cave. Je me tourne vers Julia, un peu affolé. Elle marche d’un côté à l’autre de la cave en se tenant la tête entre les mains.

- Il faut qu’on fasse quelque chose, Julia. Il est fou et plein d’innocents vont mourir.

- Plus facile à dire qu’à faire, soupire-t-elle. Enfermés là-dedans, on ne peut pas grand-chose.

- Oui, et ce n’est pas comme la dernière fois que nous nous sommes retrouvés coincés dans une cave. Pas de Snow qui est en train de dégager l’étage supérieur…

- Il faut qu'on avertisse Mat’ pour le camp, qu’ils retournent à l’abri, tilte-t-elle brusquement en recommençant à tourner en rond dans la pièce. Ok, réfléchissons… Si ce Mike revient rapidement, il suffirait qu’on réussisse à le maîtriser. Faisable. Mais après… Il doit y avoir des gardes à l’extérieur…

- Si on maîtrise Mike, on récupère ses armes et à deux, avec l’effet de surprise, ça peut passer, dis-je en m’excitant à l’idée de ne plus rester passif à attendre que la fin du monde arrive.

- Tu es prêt à tuer un homme si nécessaire ? T’es fou, Arthur, tu… Non, non, non et non, j’ai déjà fait ça, pas toi. Tu ne te rends pas compte…

- Pour te protéger, je peux tuer si nécessaire. Et si la mort d’un milicien au service d’un fou peut sauver des innocents, je… Je crois que je peux le faire. Tu as vu que je savais me servir d’une arme, Julia. S’il le faut, je le ferai.

- Il y a une grande différence entre tirer sur des cibles et sur un être humain, Arthur… Je ne voudrais pas que tu perdes ce côté rêveur qui m’a longtemps agacée et dont je ne peux plus me passer, moi.

- Eh bien, on fera tout pour que je ne tue personne. Mais on doit essayer de sortir d’ici, ma chérie. Quitte à mourir, autant mourir en essayant de changer le cours de l’histoire, non ?

- Oui, tu as sans doute raison, mais… J’aimerais vraiment t’éviter de passer par là, tu sais… Enfin, je ne suis pas sûre que me voir tuer un homme soit génial pour notre couple non plus, marmonne-t-elle en allant coller son oreille contre la porte.

- Tu fais quoi, là ? dis-je en la suivant et en imitant son geste, sans rien entendre du tout.

- J’essaie de distinguer le nombre de voix. Ça pourrait nous permettre d’anticiper le nombre de gardes…

- On voit que tu es entraînée toi, mais on n’entend rien à travers cette porte. On fait juste un peu de bruit pour faire venir Mike ?

- Je confirme, on n’entend rien, surtout que tu n’arrêtes pas de parler, sourit-elle avant de planter un baiser sur mes lèvres. Je ne sais pas si Mike est dans les parages, mais on peut tenter, oui.

- Si tu continues à me faire des baisers tendres comme ça, je risque de faire des folies pour toi, Lieutenant, dis-je en souriant. Tu te mets derrière la porte et tu regardes le spectacle ?

- Bien, Chef ! Ne fais pas de bêtise, le Bûcheron, soupire-t-elle en reculant.

Je lui souris avant de me mettre à hurler en tapant sur la porte tel un fou insensé sous le regard amusé de Julia qui s’est reculée derrière la porte. Dès que j’entends le bruit de la serrure qu’on ouvre, je m’effondre au milieu de la pièce en me tenant le ventre.

- A l’aide ! J’ai mal ! Au secours ! crié-je en Silvanien alors que la porte s’ouvre précautionneusement.

Mike, car c’est bien lui qui est là, n’entre pas dans la pièce. Bien entraîné, il observe ce qu’il se passe et reste sur le pas. Je me relève, toujours plié en deux, et me tient le bas du ventre comme si j’avais la pire crise d’appendicite du monde. Je fais un pas vers lui avant de m’effondrer à nouveau sous ses yeux. Dans un réflexe naturel, il s’avance pour me retenir et entre dans la pièce. Julia referme la porte brusquement et me crie de la maintenir alors qu’elle profite qu’il soit de dos pour lui faire une béquille qui le met à genoux. Je n’ai pas le temps de tout voir qu’elle est passée face à lui et ne retient pas ses coups, faisant déchanter le soldat qui doit voir des étoiles lorsqu’elle lui colle son genou dans le nez. Elle s’apprête à recommencer quand il lui attrape la jambe et la renverse pour se positionner au-dessus d’elle et enrouler ses mains autour de son cou. J’aimerais pouvoir l’aider, mais je sens derrière moi la porte bouger et je fais de mon mieux pour empêcher son ouverture. Je ne sais pas comment fait Julia, mais elle se retrouve finalement à son tour dans la position de force et enchaîne les coups de poing qui finissent par laisser le Silvanien sur le carreau.

- Tu t’en sors ? Tu peux tenir encore une minute ? me demande-t-elle en arrachant un bout de sa robe pour bâillonner le fameux Mike qui n’en a pas vraiment besoin pour le moment.

- Oui, mais dépêche-toi avant que le bruit ne fasse venir d’autres gardes !

- J’arrive, j’arrive, bougonne-t-elle en retournant le gars après s’être levée pour lui attacher les poignets avec un autre morceau de tissu. J’espère qu’il n’y en a pas trop, sinon je vais finir à poil.

- C’est clair, mais pour les prochains, on va utiliser les menottes, non ? dis-je en montrant ce qu’il a à la hanche. Prends ses flingues aussi, je vais laisser rentrer l’autre méchant qui essaie de forcer la porte.

- Ouais… Vas-y, je suis prête, soupire-t-elle en me tendant un pistolet, un pli d’inquiétude sur le front. Évite de me tirer dessus, s’il te plaît, et ne tire qu’en dernier recours…

Cette fois-ci, je me recule et laisse la porte s’ouvrir sur un autre homme en noir qui s’arrête net en voyant Julia qui lui sourit inocemment en lui montrant ses jambes sur sa robe relevée. Alors qu’il est encore interloqué par la scène devant ses yeux, je pointe mon arme sur sa tempe et, sans un mot, il lève les bras en l’air. Julia se saisit de ses armes et lui fait signe de se mettre à genoux, puis, sans le prévenir, elle lui assène un violent coup dans le cou qui le fait s’effondrer sous mes yeux ahuris.

- Tu vois, la formation militaire, ça a du bon. Il est out pour plusieurs heures, là. Toujours partant pour t’enfuir avec moi, le Bûcheron ?

Je la regarde, admiratif. Cette femme qui s’offre totalement à moi au lit, qui me laisse lui faire tout ce que je veux, se révèle être une vraie guerrière et je trouve la situation étrangement excitante.

- Calme-toi, Tutur, c’est l’adrénaline qui parle. Reconcentre-toi, vous n’êtes pas sortis d’affaire.

- Je vois en effet que tu as des talents cachés. Rappelle-moi de ne jamais te mettre en colère, je ne voudrais pas risquer de me prendre un coup du lapin !

- Tu m’as déjà mise en colère et j’ai bien eu envie de te frapper, je sais me contrôler, tu as de la chance, sourit-elle en récupérant les armes du soldat qu’elle vient de coucher. On se barre ? Cette cave est sordide et j’aimerais bien que ton joli petit cul ne soit plus en danger, sinon ta frangine va me tuer. Ou ta mère. Ou les deux, même.

- Oui, tu ne veux pas risquer la colère des deux autres femmes de ma vie !

Nous sortons tous les deux alors que Julia me précède, l’arme au poing. Je la suis en me demandant dans quelle aventure nous sommes en train de nous lancer. Ma petite voix, que je fais taire avant qu’elle ne s’exprime, a envie que l’on se cache dans la cave et qu’on s’excuse auprès des deux gardes, un peu comme un enfant qui a fait une bêtise et qui risque une grosse punition. Bref, j’ai le cœur qui bat à cent à l’heure et je fais une prière silencieuse à tous les dieux qui voudront bien m’écouter pour qu’on puisse se sortir de là sans y laisser notre peau.

Julia essaie d’ouvrir prudemment toutes les portes que nous croisons et y jette un coup d'œil rapide. Ce ne sont que des pièces vides avec des archives, des stocks. Rien d’intéressant. Et à cette heure-ci, tout le monde est parti, le Palais a l’air désert. Je la suis en silence, en regardant autour de nous, espérant ne tomber sur personne. Tout à coup, Julia pousse un juron et pénètre dans une petite pièce au bout du couloir. Je reste à l’entrée de la porte pour m’assurer que personne n’arrive et essaie de voir ce qu’elle est en train de faire. Elle s’est assise à un bureau où il y a un téléphone.

- C’est connecté, Julia ? Dis-moi que c’est connecté et que tu peux prévenir quelqu’un.

- Je crois, oui. Entre et ferme la porte, on va appeler le camp pour les prévenir de partir au plus vite, dit-elle en tapotant sur le téléphone.

- Non, je reste là, je surveille. Pas envie qu’on se fasse surprendre.

- Très bien, Rambo, t’es juste à la vue de toute personne qui passera dans le couloir alors que si la porte est fermée, à moins que quelqu’un n’entre dans la pièce, personne ne saura qu’on est là.

Je l’observe alors qu’elle a déjà le téléphone à l’oreille et me rends compte qu’elle a raison. Mon inquiétude et mon anxiété ne sont vraiment pas bonnes conseillères alors qu’elle, avec son entraînement, pense à tout. Je referme rapidement la porte et viens me poster à ses côtés, espérant qu’elle va réussir à joindre Snow.

- Garde un œil sur la porte quand même, d’accord ? Et respire, Arthur, tout roule, sourit-elle en attrapant ma main. Snow ! C’est Julia… Wow, deux secondes, laisse-moi parler, on a peu de temps. Il faut évacuer le camp d’urgence, le Général est en mode cinglé et veut bombarder... Mais tais-toi, bordel ! On va bien avec Arthur, juste, barrez-vous de là au plus vite. Oui, tu peux broncher et paniquer, je sais. Il faut que je te laisse, on n’est pas en sécurité, là. Tu vas gérer. Fais gaffe à ton cul, et protège Sylvia sans la sauter, tu veux ?

Elle lève les yeux au ciel et raccroche rapidement.

- Allez, on met les voiles, Beau Bûcheron, il faut qu’on sorte d’ici.

- Tu crois vraiment qu’il essaierait de sauter ma sœur ? demandé-je comme si c’était la chose la plus importante du moment.

- Non, je disais ça pour le détendre un peu, ça fait beaucoup de stress une évacuation pour bombardement, tu te rappelles ? Bon, on y va ou on tape la causette encore un moment ?

Julia se lève et regagne l’entrée de la pièce, ouvrant la porte avec la dextérité d’un chat. Nous repartons donc à pas de loup dans les couloirs du Palais, avec l’espoir de ne pas tomber sur quelqu’un d’hostile et de trouver une sortie qui nous permettra de fuir loin de tout ce bordel sans nom. Si j’ai très envie de partir d’ici, une autre idée me trotte tout de même en tête, et je finis par stopper Julia au détour d’un couloir pour la lui exposer alors qu’elle fronce les sourcils. Elle risque de ne pas aimer ça, car j’ai bien compris que son seul objectif était de me mettre en sécurité. Mais le fils de la Gitane ne peut se contenter de ça, si ?

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