87. Jouer de tous ses atoûts

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Julia

Arthur est complètement fou. Je n’arrive pas à croire qu’il veuille se battre maintenant alors qu’on aurait pu se planquer en attendant que les Rebelles ne fassent le boulot. Entendons-nous bien, aller me battre ne me dérange pas, et j’essaie de ne pas penser aux conséquences si le Colonel entend parler de mon implication dans cette attaque rebelle, s’il apprend que je me suis constituée prisonnière pour sauver Arthur et Sylvia, s’il comprend que j’ai mis mes hommes en danger pour faire cet échange foireux. Pour le reste, voir le Général perdre la main sur le pays me satisferait grandement, et y participer tout autant.

Pour autant, l’idée que mon Bûcheron soit là, lui aussi, sans protection aucune, sans formation militaire, avec juste ses tripes et son cœur silvanien, ne me rassure pas des masses. J’aimerais autant qu’il soit en sécurité loin d’ici, ça m’aurait permis d’être moins stressée, plus concentrée et également plus agressive. Je n’arrive pas à m’enlever de la tête que je ne veux pas qu’Arthur me voie abattre un homme, que cela changerait tout entre nous, qu’il ne me regarderait plus jamais de la même façon. Comme je n’arrive pas à passer outre mon angoisse qu’il doive en venir à tuer quelqu’un, pour se protéger, protéger les rebelles ou couvrir mon derrière. Sans compter ma peur viscérale de le perdre.

Je ferme la marche et suis les autres en prenant garde à ce que nous ne nous fassions pas prendre à revers. Arthur marche juste devant moi, et j’avoue que son courage m’impressionne grandement. Ou sa folie m’atterre, ça dépend des fois. Le Commandant mène la marche en silence et fait signe à tout un chacun de s’arrêter, de reprendre la marche ou de reculer. Pour le moment, nous n’avons croisé personne et il nous faut arriver près de l’armurerie pour qu’il nous intime l’ordre de nous arrêter et nous fasse signe qu’il y a trois hommes qui la gardent.

Notre leader ne va pas hésiter à les tuer, j’en suis convaincue, et je ne peux m’empêcher d’intervenir alors qu’il donne déjà ses consignes.

- Attendez murmuré-je. Arthur, dis-lui que tirer est une mauvaise idée, ça va résonner dans tous les couloirs et attirer l’attention !

- J’ai entendu, Lieutenant, chuchote le Commandant. Vous avez une idée pour les faire bouger de là ?

- Hum… Comment dit-on qu’on a perdu son chemin en Silvanien ? Ce ne sont que des hommes, des seins et des jambes à l’air, ça devrait les endormir suffisamment pour que vous puissiez les neutraliser, non ?

Je donne mon arme à Arthur, déchire ma robe pour la raccourcir alors que je vois le regard circonspect du Commandant sur moi. Je tire sur mon décolleté en souriant et détache mes cheveux, malheureusement trop courts pour vraiment en jouer.

- Alors ? murmuré-je en la jouant sensuelle, me mordillant la lèvre avant de faire une moue aguicheuse.

- Alors, ça se dit comme ça, me souffle Arthur avant de se reculer pour me laisser passer et défiler ainsi devant toute la troupe de rebelles qui en profitent pour se rincer l'œil.

Ils vont peut-être mourir ce jour, mais ils auront au moins eu le droit à un dernier petit spectacle ! Je tourne au bout du couloir et me retrouve immédiatement mise en joue par les trois hommes. Je lève les mains en l’air en continuant d’avancer, ondulant exagérément des hanches.

- Je me suis perdue, dis-je en Silvanien, priant pour ne pas écorcher les mots alors que j’arrive près d’eux.

Je me suis encore avancée dans mes idées à la con. Comment je fais ensuite ? L’un des hommes me répond et je ne comprends strictement rien. Une vraie gourde ! Alors je joue le tout pour le tout. J’attrape l’un des hommes par sa veste et les contourne pour qu’ils soient dos au couloir où se trouve le groupe, attirant le soldat avec moi avec un sourire qui en dit long sur mes intentions. Enfin, j’espère qu’ils voient que je cherche autre chose qu’à les détourner du Commandant. Le soldat ricane et pose ses mains sur mes hanches, et je retiens de peu une grimace alors qu’il vient se coller à moi en parlant à ses potes dont les yeux sont un peu trop gourmands à mon goût. Je commence à me dire que l’idée était vraiment mauvaise quand je vois deux rebelles arriver à pas de loup derrière les soldats, et un frisson de dégoût me traverse en sentant le Silvanien glisser ses mains sur mon fessier, chercher ma bouche de la sienne. Je penche la tête sur le côté, lui offrant mon cou, et n’hésite pas une seconde lorsque mes alliés attrapent ses potes pour lui coller mon genou dans les parties et le mettre à terre.

Je suis en train de détendre mes mains abîmées par les petites bagarres du jour quand Arthur me rejoint en grimaçant.

- Quelle actrice, marmonne-t-il alors que le Commandant ouvre l’armurerie.

- Tu trouves ? Je devrais peut-être envisager une reconversion alors. Moins risqués, les plateaux d’Hollywood.

- Ouais, eh bien ne te lance pas dans les films pornos, tu fais ça trop bien, me répond-il alors que des gloussements des rebelles me font comprendre qu’ils ont bien apprécié le spectacle, eux aussi. Tu vas réussir à te battre dans cette tenue ?

- Pourquoi, tu proposes qu’on échange nos fringues ? souris-je. Je vais pouvoir montrer ma culotte si besoin, pour déconcentrer l’adversaire.

- Non, par contre, tu vois, ces gilets pare-balles, là, ça nous fera du bien de les mettre, non ?

- Oui, excellente idée. Mets-en un vite, Beau Bûcheron, et essaie de te trouver une arme avec un plus gros chargeur, dis-je en entrant dans la pièce. Peut-être celle-ci, pas trop lourde, pas trop de recul, tu vas maîtriser la bête.

- Purée, Julia. Toi, il y a une autre bête que j’aimerais que tu maîtrises. Tu sais que tu es vachement excitante ? Avec une arme comme toi, les rebelles sont sûrs de remporter toutes leurs batailles, rit-il en enfilant son gilet et en prenant l’arme que je lui ai recommandée.

- Crois-moi, c’est au programme dès que possible, souris-je en m’équipant également. Mais ça se saurait s’il suffisait que je sois là pour gagner.

- Ça va finir par se savoir, rit-il en caressant mes bras nus alors que je finis de passer le gilet sur mon dos. Commandant, nous sommes prêts. On va où, maintenant ?

- On monte. Il faut qu’on trouve le Général.

Tout le monde acquiesce sans broncher. Effectivement, c’est la priorité. Et il faut le faire au plus vite, avant qu’il ne bombarde le camp, si ce n’est pas déjà trop tard. Nous enfermons les gardes dans l’armurerie que nous avons vidée et reprenons notre chemin, chargés de munitions et d’un courage à toute épreuve, semble-t-il.

Nous atteignons l’escalier qui nous permet de regagner le rez-de-chaussée et le montons lentement pour atterrir dans un long couloir bien moins somptueux que les autres du Palais. Sans doute une aile jamais visitée, cachée à tous ceux qui n’ont pas besoin de savoir que le Président était un fou furieux qui avait un sous-sol plein de cellules, d’armes et de salles d’interrogatoire.

- Comment vous comptez trouver le Général dans ce labyrinthe ? Vous avez des contacts avec les infiltrés ? demandé-je en approchant du Commandant.

- Je ne sais pas où il est, mais je pense qu’il faut juste qu’on trouve la salle de commandement. Vu l’égo de Lichtin qui a fait construire le palais, tous les chemins doivent y mener, non ?

- Je l’espère, soupiré-je. Vu la taille de ce bâtiment… Allons-y alors, qu’on en finisse rapidement.

Nous progressons dans le dédale de couloirs du Palais, étonnamment vide. Enfin, cela n’est pas si étonnant puisque l’on entend selon où nous sommes, des coups de feu et des explosions à l’extérieur. La Gitane est passée à l’action, et il semblerait que depuis l’intérieur, nous puissions éventuellement mettre un terme au règne du Général et, pourquoi pas, à la guerre. Si seulement… Si seulement ce pays pouvait retrouver la paix !

Nous sursautons tous en voyant débarquer au détour d’un couloir plusieurs servantes silvaniennes qui se figent en nous voyant. Un échange s’engage et je ne comprends rien, jusqu’à ce qu’Arthur me regarde avec un sourire satisfait.

- On va pouvoir trouver le Général, Julia, elles vont nous y conduire.

Je lui souris et nous reprenons notre route en direction du dirigeant de ce pays. Quelque chose me dit que le Commandant n’hésitera pas une seule seconde à le tuer, et j’en éprouve une satisfaction malsaine. Mais ce fou a menacé le camp, Arthur, et me paraît encore plus cinglé que Lichtin ou presque, et je me dis qu’il méritera le sort que lui réservera l’ancien militaire.

Lorsque nous arrivons à quelques mètres de la porte qui garde Ankhov, nous nous stoppons une fois de plus et nous regroupons pour parler stratégie. J’hésite à proposer d’entrer toute seule pour déstabiliser le Général, mais je crois qu’il apprécierait trop de m’achever après l’affront que nous lui avons fait en nous échappant. Alors j’écoute le Commandant et je prie pour que tout le monde s’en sorte vivant. Il n’y a plus que ça à faire, je crois.

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