Epilogue

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Le TGV filait vers Paris dans la nuit noire. Thomas était installé côté fenêtre, son ordinateur portable ouvert sur la tablette. Il rouvrit le document sur lequel il avait travaillé la veille, dans le train aller : « Attribution erronée du Vase en forme de femme (1948) : analyse par empreintes digitales ».

Trois pages déjà rédigées. La méthodologie. Le contexte. L'analyse comparative préliminaire. Il ne manquait plus que la confirmation finale et les conclusions. Thomas avait fait le travail. Il avait trouvé la preuve. Pourquoi s'en priver ?

Il ajouta un nouveau paragraphe. Les résultats de la révélation grâce au jus de citron. La correspondance à 94%. Irréfutable.

Puis il se cala dans son siège.

Valdur avait créé le premier vase en 1948, juste avant de quitter l'atelier Madoura. Puis il avait enfoui un second en 1973, sur le chantier du Centre Bourse. 1973, l’année de la mort de Picasso. Les journaux du monde entier avaient célébré le génie. Les hommages. Les rétrospectives. L'apothéose d'un mythe.

Quelque part à Marseille, un ancien légionnaire estonien avait modelé un second vase, identique au premier. Y avait laissé son empreinte. Et l'avait enfoui. Vingt-cinq ans après sa fuite de Vallauris. Vingt-cinq ans de silence. Et la mort de Picasso avait tout ravivé.

Ce n'était pas une vengeance artistique. Si Valdur avait voulu prouver son talent, il aurait signé ses œuvres. Il aurait revendiqué. Non, c'était autre chose.

Thomas fixa la photo de Dolorès sur son écran. Cette femme que Valdur avait gardée dans un cadre pendant soixante ans. Cette femme pour qui il avait créé. Cette femme qu'il avait perdue.

Picasso ne lui avait pas volé sa gloire. Il lui avait volé Dolorès. Et ça, Valdur ne l'avait jamais oublié.

Thomas referma la photo et ouvrit un calendrier de grossesse. Par simple curiosité, il entra les données.

Naissance de Célia Pérez : janvier 1949.
Conception : fin avril, début mai 1948.

Il rouvrit ses notes. Picasso était arrivé à l'atelier début juin 1948.

Si Dolorès avait accouché en janvier, elle était tombée enceinte en avril ou mai. Avant Picasso. Valdur devait être le père de Célia. Pablo n'était pas le petit-fils de Picasso. Il était le petit-fils de Valdur. Comme Clara.

Thomas fixa l'écran quelques secondes. S'il publiait cet article, quelqu'un finirait par faire le lien. Un journaliste. Un historien. Quelqu'un.

Il tapa une note en bas de page : « Contexte biographique à approfondir ultérieurement. »

Puis il continua d'écrire. La conclusion technique. Les implications pour l'authentification des œuvres.

Il pourrait publier sous pseudonyme. Ou dans une revue confidentielle. Ou attendre quelques années. Il trouverait bien un moyen. Thomas sauvegarda le document et le copia sur sa clé USB.

Le train entra en gare de Lyon. Il rangea son ordinateur, l'esprit déjà occupé à composer un mail pour son directeur de thèse. Certaines vérités méritaient d'être révélées. D'autres pourraient attendre...

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