GEORGES RIBOT Travailleur oublié du STO (1)
Georges RIBOT était né à Paris en 1909, ses parents étaient originaires de Dieppe. Ils étaient « descendus » à Paris sans doute pour chercher du travail. Georges traversa les affres de la guerre 14-18 avec son insouciance d’enfant à St Ouen.
Georges et Jeannette se rencontrent au bal des pompiers de St Ouen un 14 juillet. Lui avait 20 ans il était imprimeur chez CHAIX, l’ imprimerie de la SNCF. Jeannette avait 19 ans et travaillait comme vernisseuse chez un menuisier-ébéniste où sa sœur Alice travaillait déjà. Ils se sont mariés rapidement fin août 1929, Jeannette est alors enceinte de 7 mois. Etrange car Jeannette comme sa mère Palmyre était une femme plutôt austère au visage fermé et a priori peu encline à la bagatelle. D’ailleurs elle a prétendu que Georges l’avait forcée ? A l’époque les filles mères n’étaient pas bien considérées, le mariage était la seule solution pour éviter l’opprobre. D’une étreinte que la bonne morale de l’époque condamnait est donc née quelques semaines plus tard une fille Josette en octobre 1929. Cela ne suffit pas à combler et à souder le couple. Très rapidement les tensions apparaissent. Il fur raconté que Georges buvait beaucoup… le mariage ne tint pas longtemps et le divorce fut prononcé en 1935. Cependant l’un et l’autre restèrent domiciliés à St Ouen, une ville ouvrière de la petite couronne parisienne, l’un avenue des Batignolles, l’autre rue de l’Hermet. On ignore pourquoi Georges RIBOT, de la classe 1929, ne fut pas appelé sous les drapeaux lors de la déclaration de guerre en 1939. On peut supposé qu’il avait été réformé pour cause médicale. Il habitait avec son frère Marcel toujours au 23 avenue des Batignolles à St Ouen, et continua son métier d’imprimeur chez Chaix. Mais, la guerre le rattrape indirectement et Georges RIBOT est requis pour le Service du Travail Obligatoire (STO) en octobre 1942. On ne sait pas si il y est parti volontairement ou victime d’une réquisition, d’une arrestation arbitraire ou encore d’un prélèvement dans son entreprise mais il fut expédié à Dortmund pour travailler dans une usine d’armement la DORTMUND HOËRDER HUTTENVEREIN AG en qualité de chaudronnier.
Les français ont été les seuls en Europe a être contraint au travail obligatoire pour le compte des allemands par leur propre gouvernement et non par une ordonnance de l’occupant. Laval fut le grand maître d’oeuvre des opérations de réquisition ordonné par Sauckel surnommé le négrier de l’Europe. Ceci étant devant l’échec relatif de la campagne de « relève » telle qu’elle fut nommée à l’époque et négociée par Laval au début de l’année début 1942 (2) , le 3ème Reich exigea plus de pression sur la population de la part de l’État français qui organisa une conscription applicable aux hommes comme aux femmes célibataires (elles furent cependant peu concernées) . Le gouvernement d’alors sollicita la milice, la gendarmerie, la gendarmerie pour organiser des rafles, des prélèvements d’ouvriers dans les usines en France. Le Parti Populaire Français ainsi que la Wehrmacht contribuèrent également à alimenter les départs forcés pour le STO. On passa ainsi du « volontariat » au recrutement forcé à l’automne 1942. Plus de 600 000 travailleurs français furent amenés ainsi en Allemagne, sans compter un nombre important de militaires, prisonniers de guerre et les très nombreux déportés qui furent contraint au travail obligatoire. On estime que près de 1 500 000 français partirent ainsi travailler pour l’ennemi. Certains ont dit que c’était le prix à payer pour la relative autonomie dont bénéficiait le gouvernement de Vichy pour mener ses affaires intérieures. Finalement les réquisitions pour le STO sont de fait suspendues en France à la mi-septembre 1943 après des négociations avec le ministre du Reich Albert Speer.
Mais en attendant, en octobre 1942, Georges prit donc le train à la gare de l’Est comme des centaines d’autres requis pour le STO. Il travailla dans cette usine d’armement à la fonderie. D’après les lettres qu’il envoyait à sa fille Josette, il ne semblait pas être maltraité. Certes le rythme était soutenu, il travaillait 10 h par jour dans la chaleur et la poussière mais le gîte et le couvert étaient acceptables. En tous cas son sort et celui de ses collègues d’infortune étaient préférables à celui de cette escouade de jeunes filles polonaises, probablement juives, travaillant au positionnement des détonateurs, sur lesquelles les gardes chiourmes hurlaient en permanence. Cependant nombreux étaient les ouvriers requis pour le STO qui n’ont pas supporté ces conditions de travail et qui décédèrent après des mois de souffrances, d’accidents, de tuberculose ou autres maladies non ou mal soignées. On a estimé entre 30 000 et 60 000 le nombre de travailleurs requis, décédés en Allemagne dont un grand nombre fusillé, pendu ou décapité pour actes de « résistance ».
Comme ces derniers Georges n’est pas revenu du STO mais pour une raison inattendue. Il est décédé le 27 octobre 1944 en tombant d’une échelle soufflée lors d’un bombardement visant à détruire l’usine d’armement où il travaillait. Son corps fut inhumé quelques jours plus tard dans un cimetière à Aplerbeck. Il ne revit jamais sa fille. Mais, ceux qui regagnèrent leur foyer au fur et à mesure que l’armée allemande perdait du terrain furent considérés comme traîtres ou comme lâches pour ne pas avoir été réfractaires ou ne pas avoir rejoint le maquis comme beaucoup de requis l’on fait. Pas si simple. De ce fait ils furent les grands oubliés des victimes de cette guerre. Ce n’est que dans les années 70 que l’on reviendra sur leur sort pour finalement leur reconnaître le titre de « victimes du travail forcé en Allemagne nazie » en 2008 soit plus de 50 ans après la fin des hostilités. Comme dit le proverbe mieux vaut tard que jamais.
(1) STO : Service du Travail Obligatoire (précédemment mal nommé SOT : Service Obligatoire du Travail)
(2) Il était alors question de libérer un prisonnier de guerre pour 3 départs au STO.
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