Slackline

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Joe se réveille, la fraicheur du soir vient de le tirer de sa longue sieste.

Sur le coup, il se demande ce qu'il fait ici, assis dans l'herbe, au bord de ce lac miroir d'un ciel bleu  nuit.

Son regard balaye les environs.

— Merde ce n'est pas possible ! Ils se sont tous tirés, pas un pour me réveiller, c'est quoi cette folie ! Pour Mélusine,  nous devions tous être comme les  cinq doigts de la main ! Bravo, elle s'est tirée comme les autres !

— Pff ! se dit-il,  au moins 10 km pour revenir à la voiture, deux heures de marche au minimum et de nuit. Sauf si… cette fois Joe est bien réveillé,  Juju et Romain n'ont pas démonté la slackline qui traverse le lac, je gagne 8 km.

Joe saute sur ces deux pieds, enfile sa polaire et son sac à dos, descend, tel un chamois bondissant, au rocher où est amarrée la slalckline.

— Bingo, au moins il ne l'ont pas démontée, je vais pouvoir traverser.

                                         °°°°

Arrivés aux voitures, Juju, Romain, Mélusine et Léo constatent que Joe n'est pas descendu avant eux. Sa voiture n'a pas bougé de place.

Mélusine éclate :

— C'est de votre faute les gars ! Vous disiez tous qu'il avait pris la mouche et qu'il avait dû retourner à la voiture pour rentrer chez lui ! Je vous ai cru, en plus !

Joe a chuté 5 mètres avant d'arriver au bout de la slackline, il s'est fait "charrié" par les garçons. De retour sans un mot il a grimpé avec son sac dans les genêts au-dessus du groupe.

— Il faut le retrouver, prenez les lampes frontales. Je remonte à l'arrivée de la slackline, on ne sait jamais,  il a peut-être essayé de traverser, vous prenez le chemin sur l'autre rive

— Ce n'est pas la peine il ne va pas traverser sur la slackline de nuit, enfin moi je ne le ferai pas.

— Peut-être ! Mais toi Juju, tu n'es pas Joe ! Allez on se sépare, on ne va pas le laisser dehors en pleine nuit dans la forêt, OK ?

— OK  ! Garde ton portable ouvert, Mélusine, il ne faudrait pas de plus qu'on se perde de vue.

Elle allume sa frontale et s'élance vers le point d'accès de la slackline.  Le ciel lui parait étrangement lumineux. La nuit devrait s'avancer et les premières étoiles s'inscrire au firmament.

                                               °°°°

La slackline est bien là, avec son ruban jaune se détachant sur les eaux noires du lac. Sa frontale ne porte pas assez loin pour apercevoir l'autre rive.

Pour traverser, Joe doit voir le bout de la sangle, un minimum nécessaire à estimer la distance restant à parcourir, et puis sa tête va bouger, même si il faut garder la tête haute dans l'équilibre, il risque de pas percevoir cette ligne de vie au-dessus du vide. Joe a de quoi hésiter.

Comme pour lui répondre un faisceau lumineux illumine la slackline, la colline et les rochers de l'autre rive. La pleine lune vient de franchir le lisière des sapins, et la grande Roche, derrière lui.

— Génial, bravo la Lune ! Si au moins Mélusine ne s'était pas évanouie avec les mecs, elle me verrait traverser et de nuit en plus.

Il quitte ses baskets, attache les lacets et laisse pendre les chaussures autour du cou. Joe garde ses chaussettes, la slackline risque d'être humide, il ne veut pas prendre de risque. La traversée se fera sans le baudrier et la longe de sécurité qu'il n'a pas retrouvés.

Joe accroupi pose ses mains sur la sangle.

— C'est bon elle n'est pas détendue, c'est nickel. Allez c'est maintenant, pas de vent, personne à l'horizon !

Il se redresse, la ligne jaune s'étire devant lui, lumineuse sous l'éclat lunaire, elle magnétise son regard.

                                            °°°°

— Joe ! Joe ! Joe répond-moi, s'il te plait ! C'est Mélusine.

Sa voix résonne dans la nuit. Elle s'arrête croyant entendre une réponse, mais non ! Ce n'est que la voix des garçons à la recherche de Joe sur l'autre rive.

                                              °°°°

Joe se  relâche, dans un souffle il pose un premier pied sur la sangle, tout va bien, ça ne glisse pas. Un deuxième pas, les bras à l'horizontale, détendus, Joe sourit, jamais il ne s'est senti aussi bien.

                                             °°°°

Joe ! Joe ! Je t'en supplie réponds-moi ! S'époumone Mélusine.

                                             °°°°

Sûr de lui comme il ne l'a jamais été, Joe se retrouve rapidement au milieu de la slackline. Une petite brise vient de se lever et lui apporte une petite musique à ses oreilles : jo sine ! jo sine ! Le vent dans les arbres pense-t-il.

                                            °°°°

Mélusine, reprend son souffle, la pleine lune vient de surgir à la cime des arbres, elle reconnaît un peu mieux le paysage.

— Je ne dois plus être loin de la slackline, j'aperçois la grande Roche Taillée  qui la surplombe.

Mélusine reprend sa course, elle entend la voix des garçons, plus bas dans la vallée, "Joe", "Joe", mais aucune réponse, rien !
Elle panique ! S'il avait plongé !  Mais non,  ça ne lui ressemble pas, il croque la vie à pleine dent, toujours le premier à essayer des figures, il est génial ce mec, mais foldingue !

                                           °°°°

Joe le regard fixé sur la fin de la slackline devine des éclairs furtifs traversant la forêt.
Sa grand mère lui contait des histoires de farfadets, c'est la première image qui lui vient à l'esprit. Cette traversée de nuit sous la pleine lune, chevauchant le vide devient magique !

                                             °°°°

Mélusine, à travers les branches d'arbres aperçoit la ligne brillante sous les rayons lunaires, elle accélère son ascension, le souffle coupé, un pressentiment la traverse.

                                            °°°°

Les lumières se font de plus en plus précises, soudain face à lui, au bout de la slackline, un flash l'aveugle.

— Mélusine ? Mélusine ? Crie-t-il !

                                             °°°°

Devant-elle, Joe à quelques mètres, sur l'immense ligne jaune séparant les eaux noires. Elle étouffe un cri, la main sur la bouche, le regard fixe, les yeux exorbités, Joe, marchant de nuit sur la slackline, sans aucune sécurité !
 Elle est fascinée, terrorisée, tout se mélange, ses yeux s'embrument, et soudain, le temps d'un clignement d'œil plus rien !

                                             °°°°

Joe, aveuglé, persuadé que c'est Mélusine, s'élance pour franchir les derniers mètres en courant. Ses pieds ne rencontrent que le vide !  Ses chaussures, son sac et sa frontale tombent dans le vide et viennent heurter violemment la surface du lac 30 mètres plus bas ! Il reste suspendu par une seule jambe à la slackline. Une grosse masse de nuages occultent la pleine lune, tout devient noir.

Souffler, ne pas paniquer, ton souffle, c'est ta vie lui répétait Mélusine.

                                             °°°°

Noooon…….. s'écrie Mélusine, au son d'un grand plouf qui monte du lac. Elle se précipite, s'allonge dessous la slackline pour scruter les eaux. La nuit devient noir d'encre, absorbant lumières et  sons. Elle n'a plus qu'une envie, se laisser glisser, suivre le rayon lumineux de sa frontale perdu dans les eaux sombres du lac, rejoindre Joe au fond.

                                           °°°°

— Hé, ma douce Fée, regarde vers le ciel,  je n'irai pas te repêcher dans le lac, tu sais bien que je ne sais pas nager !

Joe,  jambes et bras enroulés sur la sangle,  progressant sur le mode du "cochon pendu" , caresse les cheveux de Mélusine encore allongée sur le rocher.

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