Solde de tout conte

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Nouvelle primée lors d'un concours

Je les avais tous réunis pour leur raconter ce que j’avais découvert, pour les épater avec une histoire magique et pleine de mystère qui allait les faire frémir. Le brouhaha ambiant m’excitait. J’avais hâte de les étonner, de les transporter dans un autre monde et de les voir ouvrir grand leurs yeux. Accompagné de mes instruments fétiches, je parcourais les villes à la recherche de secrets, d’énigmes insaisissables et de compagnie agréable. Ma réputation de conteur avait dépassé les limites du royaume et franchi les grandes palmeraies du Nord, les étendues désertiques, ainsi que les gigantesques oasis des régions plus au sud.

Partout où je passais, on me reconnaissait, notamment grâce à tout mon barda qui sonnait à chacun de mes pas et annonçait fièrement mes arrivées. L’Arabie avait encore tant à me donner. Je désirais tout connaître, arracher la vérité à tous ceux que je croisais et les obliger à se confier. Ma soif de connaissances ne savait se tarir, me torturait l’esprit, les sens et me donnait la force de marcher tout le jour et toute la nuit sans que ni la chaleur ni le froid ne me perturbent en aucun point.

— Alors, ça vient ?

Je souris avec malice à celui qui venait de parler et m’approchai pour lui chuchoter à l’oreille.

— Le meilleur a besoin de patience, mon ami.

J’adorais me faire attendre. Je ris de son air offusqué ; mes éclats résonnèrent sous les rayons chauds du soleil. Je me sentais tout-puissant et avais peine à masquer ma jouissance dans mon ton et ma démarche. J’avais rapporté un objet qui me rendrait riche et célèbre. J’avais trouvé… un tapis volant ! Ces artefacts incroyables n’avaient plus été aperçus depuis des centaines d’années. J’allais être le premier à en montrer au sultan. Je me languissais des félicitations et de la gloire à venir.

Je parcourus des yeux l’assemblée ; je décidai d’attendre encore quelques minutes avant de commencer mon récit. Les enfants aux premiers rangs piaillaient et s’impatientaient. Ils tentaient des approches vers la boîte en bois verni que j’avais déposée sur le sol. Mes grognements pour les éloigner, loin d’être efficaces, les faisaient plutôt rappliquer. Je devais monter la garde pour les empêcher de gâcher ma surprise. Je désirais les surprendre ; le tapis volant n’apparaîtrait qu’à la toute fin, à la toute dernière seconde. J’avais tout chronométré. Mon histoire était parfaitement au point.

Deux jeunes femmes charmantes s’installèrent sur la droite, j’avisai leurs regards curieux dans lesquels je crus lire une pointe d’admiration. Le rouge me monta au visage ; je leur envoyai l’un de mes plus beaux sourires : carnassier, sauvage. Une fois l’étonnement passé, elles se détournèrent de moi pour se raconter des messes basses. Leurs paroles animées marquaient l’une des premières étapes de mes plans de séduction. Le sexe faible préférait les hommes forts au caractère bien trempé. Cela faisait longtemps que je ne misais plus sur mes jolies fossettes, mais plutôt sur mes regards sombres et intimidants, ou mes attitudes froides et mystérieuses. Une technique redoutable qui m’avait accordé les vierges les plus douces et les habituées les plus téméraires.

Le soleil baissait sur l’horizon. Il était temps. J’ouvris grand les bras, la foule s’agita en claquements de doigts et exclamations variées. Ils connaissaient mon signal.

— Mes très chers amis, merci à tous d’être venus si nombreux pour entendre mes récits fabuleux. Vous ne serez pas déçus !

L’assemblée applaudit à tout rompre, je perçus des « On t’aime » ou des « Raconte ! » parmi la foule. Je les savais prêts. Je positionnai l’un de mes doigts sur mes lèvres closes, puis parcourus les rangs pour intimer le silence et l’attention. Je les fixai dans les yeux tour à tour avant de retourner à ma place, sur un petit promontoire en bois, installé plus tôt. Je me tenais toujours debout afin de les surplomber et de les observer. J’avais ainsi tout le temps d’analyser leurs expressions et émotions. Garder le contrôle constituait ma seule priorité. Je voulais impressionner et prouver que mon renom se méritait.

— J’étais parti en quête, près des restes de la Cité Engloutie. Je voulais percer ses mystères et faire revivre le passé. Dans la nuit noire du quinze août, le vent ne soufflait pas, le silence pesait. Mes pas me menèrent autour d’un feu de camp aux flammes… bleues !

Des exclamations de surprise accompagnèrent mes gestes. J’en entendis même qui me traitèrent de menteur. Leur esprit étriqué ne pouvait voir ce que ce feu scintillant recelait… Je continuai lentement.

— Oui, mes amis, un feu bleu ! Je ne vous mens pas. Dans la moiteur de la nuit, je crus d’abord à un mirage, mais mon flair décela des particules étonnantes. Je me suis approché. Plus j’avançais et plus je frémissais d’excitation. Je ne voyais personne aux alentours. Les flammes crépitaient dans un fracas assourdissant, variant de l’azur au céruléen foncé. J’étais étonné d’être seul. Qui avait généré ce feu ? Était-ce une… malédiction ? Était-ce un… maléfice ?

À suivre...

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