EPISODE 23 – PREMIÈRE SORTIE (ATHENA)

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Nous étions tous convoqués pour le briefing d’avant-mission. C’était la première fois que je mettais les pieds dans la salle de réunion : tout le monde était tiré à quatre épingles. Mike avait encore le visage gonflé du coup que lui avait donné Gideon la veille. Ça faisait bizarre de voir tout le monde en uniforme — même Julia avait le sien. Cindy et Gideon se tenaient au garde-à-vous sur l’estrade ; un écran sortit du mur.

Cindy prit la parole :

"— Soldats,

Vous venez de franchir une étape décisive. Vous avez gagné votre place au sein de ce bataillon d’élite, l’Équipe KURO. Pour mesurer pleinement l’importance de ce moment et de votre engagement, j’ai l’honneur de passer maintenant la parole à Monsieur Bryan de Trafford, qui a tenu à vous adresser lui-même ses félicitations et ses encouragements."

Un vieux monsieur apparut à l’écran… détendu, nonchalant.

"— Soldats KURO…"

Sa vieille voix rauque était étrangement engageante.

"Vous avez juré fidélité. Vous croyez savoir ce que cela signifie… mais vous ignorez encore la portée de ce serment."

Il fit une très longue pause. Il ne regardait même pas l’écran.

"Le Black Train n’est pas un convoi ordinaire. Il n’est pas seulement une machine d’acier et de feu. C’est le dernier souffle de notre espèce. Dans ses entrailles se trouvent des piles d’uranium nucléaire — objets d’une valeur inestimable, plus précieux que l’or, plus décisifs que toutes les armées réunies. Elles sont la clé de la survie de l’humanité… et en même temps, sa plus terrible condamnation."

Il serra son poing et sa mâchoire ; sa détermination n’était pas feinte. Il faisait vraiment peur à voir.

"Si elles venaient à tomber entre de mauvaises mains, le monde entier basculerait dans les ténèbres. Si elles étaient détruites, il ne resterait rien. Rien."

À ce moment-là, il se parlait essentiellement à lui-même. Il avait l’air sincère… Je me disais : il compte vraiment sur nous, c’est vrai...

"Vous êtes désormais les gardiens de cette charge. Comprenez bien : chaque homme, chaque femme ici, est remplaçable. Mais pas ces piles. Si vous échouez, si le Black Train s’arrête, si vos faiblesses ou vos doutes mettent en péril cette mission… je n’hésiterai pas une seconde à vous sacrifier, vous, vos camarades, et tout un bataillon, pour que la cargaison survive."

Étrangement, je ne pouvais pas y croire… Je ne voyais que de la tendresse chez lui. J’avais l’impression de le connaître, de connaître ses faiblesses… Et c’est là que l’image de mon père, passant le pas de la porte avec ce bébé,moi, apparut.

"Vous me devez votre vie, et je vous la prendrai sans hésiter si cela permet à ce train de continuer sa route".

Cette cruauté, cet élan radical, sans pitié… je la reconnaissais chez moi. Je la comprenais.

"— Alors gravez ceci dans vos crânes : le Black Train ne s’arrête jamais. Jamais. Ni pour vos blessures, ni pour vos morts, ni pour vos prières. Vous n’êtes plus des hommes : vous êtes les ombres qui protègent un feu sacré.

Et que ce feu brûle éternellement."

Il prononça alors ces mots que j’avais vus écrits sous les emblèmes :

"Corpus, Disciplina, mors flammis !"

Toute la salle se mit au garde-à-vous et répéta la devise trois fois. Mais l’écran était déjà éteint.

Je me disais… quoi déjà ? J’aurais voulu lui parler un peu plus. Mais cela n’arrivera peut-être jamais.

Gideon avança alors sur l’estrade. Cindy se mit en retrait et laissa place au colonel, chef tactique de l’unité. L’air vibrait déjà de la présence magnétique de ce guerrier charismatique. Le sang chaud comme la braise, le cœur froid, ses yeux d’acier coupaient le souffle. On sentait les cadettes chavirer d’admiration et de crainte devant cette force implacable.

"— Équipe KURO,

Vous voilà fraîchement entrés dans ce bataillon. Débutants, oui… mais chacun de vous vaut des millions. Des millions investis, des millions de raisons pour lesquelles vous n’avez pas le droit d’échouer.

Mais écoutez bien : un danger rôde. Un ancien des nôtres. Le maréchal Bison. Chef des armées devenu traître. Il connaît nos méthodes, nos réflexes, nos faiblesses. Il incarne la voix de l’ordre mortifère, celle qui veut maintenir l’humanité à genoux. Il rêve de vous briser avant même votre premier combat.

Le train est à l’arrêt pour vingt-quatre heures. Vingt-quatre heures de vulnérabilité. C’est dans cette fenêtre que les loups attaqueront.

Vous serez en mission de veille. Observer, protéger, dissuader. Rien de reposant. C’est sur vous que repose la survie du Black Train.

Et si le maréchal Bison ose approcher… il découvrira à quel point la chair de ses rebelles brûle vite quand elle est jetée aux flammes."

Tout le monde quitta la salle en silence. Après le dîner, nous commencions les préparatifs. C’était l’heure : nous allions enfin former l’Araignée pour la première fois… ou presque. Car depuis son déclenchement accidentel de l’autre nuit, je savais déjà ce que cela faisait. C’était magique, magnifique… mais aussi angoissant. On perd le contrôle de soi-même, on devient autre chose, plus puissant.

Spider et moi avions enfilé nos combinaisons. J’étais heureuse, mais je tremblais. Il posa ses deux mains sur mes épaules, son front contre le mien.

— Ferme les yeux… Inspire… Expire… Encore. Plus doucement. Maintenant, pense à la dernière fois que nous avons fait l’amour…

Ses lèvres se posèrent sur les miennes. Mes tremblements cessèrent. Les connecteurs se mirent en place. Sa main caressait ma nuque, et sa voix me berça :

— Dors… dors, bébé araignée. Maman t’apportera une guerre, et une pinte de sang...

Je me sentais partir, disparaître peu à peu. Une autre voix monta, étrange mais familière : la nôtre, la mienne et celle de Spider, unies en une seule.

Le déploiement se fit de manière fluide et très rapide. Les membres se dépliaient, déchirant sèchement la chair de mes jambes et de mes bras. La membrane gélatineuse glacée parcourait mon nouveau corps, nos huit pattes. Enfin, la carapace se déploya... Je ne ressentais que cette chaleur et le baiser de Spider encore sur ma bouche. J’avais l’impression d’être une boule de feu. Puis un silence d’acier s’installa dans notre nouveau corps, une sensation d’ivresse intense m’envahit.

— Unité arachnide prête… En attente d’instructions…

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