Le reste de la journée a continué tranquillement, chacun de notre côté. Pour être complètement honnête, je l’ai cherché une bonne partie de la soirée et quand je l’ai vu en train de discuter avec quelques hommes et aussi une brune qui, visiblement, lui faisait du rentre-dedans, j’ai décidé de laisser. C’est comme cela que nous sommes arrivés au lendemain.

Je suis tranquillement dans mon lit, perdue dans mes pensées, encore une fois. Je ne peux pas m’empêcher de réfléchir à cette rencontre hier soir. Je culpabilisais d’être partie sans même dire au revoir à mes parents, à mes amis, à tout. Au bout de quelques minutes de réflexion, les larmes me montent aux yeux et je décide de sortir de la chambre pour aller prendre l’air, sans trop faire de bruit pour ne pas réveiller Kaïs.

Une fois dehors, je sens la douce brise sur mon corps encore endormi et ce grand soleil qui vient réchauffer mon visage bouffi. Je lève les yeux au ciel puis les ferme quelques secondes pour profiter de cet instant. Je veux éteindre mes pensées, mon cerveau et juste ressentir ce qui m’entoure, le bruit calme de l’eau et les quelques vagues dessinées par l’arrière du bateau à voile. D’ailleurs, ces voiles, si je me concentre bien, je peux même entendre le vent tendre le tissu afin de les faire avancer et prendre de la vitesse. Puis je rouvre les yeux, fouettés par le soleil. Il n’y avait presque personne à l’extérieur avec moi. Je ne sais pas quelle heure il est mais je ne compte pas perdre mon temps à dormir alors que ce paysage est si beau. Au fur et à mesure de mes pas, j’entends les vagues se rapprocher. L’horizon est dégagé mais je peux apercevoir un peu de terre au loin, signe que nous arrivons bientôt à notre destination. Je pose mes mains sur le rebord en bois en me demandant bien ce qui m’attendrais là-bas, qui je rencontrerais, où nous irons. Soudain ma dispute avec Kaïs me revient en tête. Il fallait que je discute avec lui et que nous mettions au clair quelques points. Je n’ai pas hâte !

Pile à ce moment précis, monsieur fait son entrée. Il se rapproche de moi mais j’essaye de l’ignorer au mieux, un peu par égo. Mais en le voyant à côté, je reprends une grande inspiration et tourne la tête vers lui en souriant légèrement.

- Bonjour Kaïs, bien dormi ?

- Bonjour Amélia. Oui j’ai bien dormi et vous ?

- Très bien…

Il y a un petit silence. Je meurs d’envie de lui demander ce qu’il avait fait de sa soirée et surtout de savoir comment cette histoire avec cette femme s’était terminée. Mais je sais pertinemment que cela ne me regarde vraiment pas. D’ailleurs je me demande bien pourquoi je veux le savoir.

- Vous avez passé une bonne soirée ? ai-je quand même demandé, par politesse.

- Très bonne merci et vous ?

- Oui cela peut aller.

Visiblement cette discussion ne va pas plus loin que la politesse. Je soupire de nouveau, déçue de voir que mon partenaire ne sait pas faire la conversation. C’est d’un ennui le plus total. Je me sens presque gênée par la situation. Mais, à ma grande surprise, il a recommencé à parler.

- Excusez-moi pour hier soir, lâche-t-il un peu durement mais surement par fierté.

- Ce n’est rien… J’aimerai que cela ne se reproduise plus… Ne me traiter plus comme une enfant sous prétexte que je suis une bourge.

- Ce n’est pas ça…

- Si je suis là aujourd’hui, c’est justement parce que je n’aimais pas ma vie et que je voulais vivre par moi-même, comme une simple femme. Je ne veux pas qu’on me voit ou me traite comme Madame Villente. A partir de maintenant, je suis Amélia. Juste Amélia, une jeune femme qui veut apprendre à vivre vraiment. Désormais, nous sommes sur le même pied d’égalité, en oubliant le fait que je vous paie pour être ici.

Je me tourne vers lui, prête à continuer mon speech encore quelques secondes avant de remarquer qu’il m’observait intensément, surement pour vraiment me comprendre et s’inclure dans la discussion. Le voir comme ça m’empêche de continuer de parler, pris dans ses grands yeux noisette. Alors que la conversation était complètement coupée, je me reprends en clignant quelques fois des yeux très rapidement, histoire de me reprendre.

- Nous sommes sur le même pied d’égalité, en…

- Oubliant le fait que vous me payez. Vous venez de le dire.

- Pardon, dis-je en rougissant, remarquant que j’étais complètement partie dans les vapes et qu’il l’avait surement remarqué.

Il soupire en regardant de nouveau l’horizon et j’en fais de même.

- Puis que nous sommes tous les deux égaux, on peut peut-être se tutoyer, non ? proposa-t-il.

- Oui, je suis d’accord.

Il se tourne vers moi en posant son coude sur le bord et pose sa tête sur sa main en me regardant. Je ne pus m’empêcher de lâcher un petit sourire en le voyant comme ça, replaçant une mèche derrière mon oreille. Attends, attends… C’est un geste de séduction ça ! Les filles font ce genre de chose quand elle se sente intimidé par leur amoureux secret ! Qu’est-ce qui vient de se passer là ? Je sens le sang me monter dans les joues et je suis de plus en plus embarrassée. Je reprends mon courage à deux mains et me tourne vers lui pour couper court à ce silence devenu gênant pour moi.

- Je te propose alors de refaire les présentations comme deux adultes… normaux.

- D’accord, dit-il en se redressant.

- Bonjour Monsieur, je suis Amélia et toi ?

- Kaïs.

Et nous nous serons la main, comme si nous venions de nous rencontrer. Habituellement, il aurait dû faire un baise main mais là il n’en est plus question. Nous sommes comme deux idiots à sourire en se regardant dans les yeux. Un matelot rompt le silence :

- Hey les tourtereaux ! Vous feriez mieux de récupérer vos affaires, on arrive bientôt !

Je lâche immédiatement sa main et me penche légèrement pour voir la terre que j’avais observé auparavant. Nous sommes de plus en plus proche. A cette vue, je laisse ma joie reprendre le dessus et affiche un grand sourire. Tout était redevenu comme avant et je sens que cela allait qu’en s’arrangeant.