au delà d'une frontière.
Au delà d'une frontière.
Pourquoi ce titre ? Parce que le souvenir que je vais évoquer est celui que j'ai d'un de mes nombreux voyages en Allemagne. La première fois, j'avais 9 ans. École primaire engagée dans un jumelage, et nous voilà partie pour le sud de l'Allemagne. Accueillie chez ma correspondante, une petite fille aussi blonde que moi, avec qui je balbutiais mes premiers mots d'allemand. Les souvenirs que j'ai ? Des petits personnages tout petits, tout doux, "genre Famille Sylvania" ou "petits malins" en feutrine. Et nous leur inventions tout un tas d'aventures. Nous avons joué des heures avec ces petites poupées. J'avais, à porté de la main, un dictionnaire bilingue, et je tournais les pages pour trouver le mot dont j'avais besoin pour me faire comprendre.
Parfois, mon amie devait arrêter de jouer car la vie de la ferme l'exigeait. Elle partait alors rejoindre son père à l'étable. Lui était déjà en train d'installer les vaches pour la traite du soir et il y avait toujours quelque chose à faire : nourrir les petits veaux, aller chercher les œufs, nourrir les poules, changer la litière des vaches et des veaux. Moi, peu habituée à ce genre de travaux, je trouvais cela amusant et j'apportais mon aide, comme je pouvais. Et je me trouvais même juchée sur un tracteur et j'eus mes premières leçons de conduite. Oui, j'ai conduit le tracteur, je devais tenir la ligne droite dans le champ, à petite vitesse, tandis que derrière moi, on ramassait les foins. C'était drôle et j'adorais faire ça.
Et puis, je me régalais de tous les gâteaux que la maman de ma correspondante prenait le temps de préparer. Je ne sais toujours pas où elle trouvait tout ce temps, pour faire tout cela. La ferme prenait tant de temps à leur quotidien. Mais il y avait toujours du temps pour un sourire, un gâteau ou un moment tendre.
J'avais ce ressenti très fort, cette impression d'appartenir à leur monde, à leur famille. Ils devinrent seconds parents pour moi, au delà de la distance et de la barrière de la langue.
Nous nous sommes souvent revus, années après années. Mon amie s'est mariée, elle a eu des enfants, elle était là le jour de mon mariage, j'étais là pour le sien. Nous avons tout partagé, les fous-rires de l'enfance, les épreuves de l'âge adulte, mais toujours unie par la force de notre amitié. Elle est mon amie, mon âme soeur, au delà des kilomètres.
J'étais là pour elle lorsqu'elle a perdu un petit garçon,elle était là par le cœur et les mots quand je me suis retrouvée veuve, avec mes trois enfants. Elle a divorcé, elle a retrouvé l'amour et elle nous accueille toujours avec le sourire. Nous avons quelque chose de fort qui nous tient, la force de notre amitié.
Je n'oublierai jamais ce matin de janvier quand j'ai appris le décès de son papa; j'ai pris la route pour avaler les kilomètres et aller auprès d'elle. C'était une douleur tellement forte, un tel déchirement; une partie de mon enfance partit avec lui. Il avait tant compté pour moi.
Et c'est ce même janvier qui m'enleva mon papa, quelques années à peine après. Un courrier, un message, toujours la chaleur de son amitié pour faire face à une telle douleur.
On dit que les vrais amis se comptent sur les doigts de la main; c'est tellement vrai. Elle est toujours dans un coin de mes pensées, pas un jour ne passe sans que je ne partage une bribe de connexion avec elle. C'est très fort, c'est la magie de ses yeux aussi bleus que les miens, c'est la puissance de son sourire et du mien, au delà de toutes ces heures sombres que nous avons traversées.
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