1 - L'invitation

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Comment mon nouvel ancien patron peut-il simplement oser prétendre me connaître et mêler mes parents dans cette histoire ? Peut-être essaie-t-il de se donner bonne conscience, mais j'ai juste envie de lui rentrer dedans. Si le bougre, m'avait viré ne serait-ce qu'un mois plus tard je lui aurais même roulé dessus avec ma nouvelle voiture, mais comme chaque acte impose des conséquences et dans ce cas-ci des dégâts collatéraux, je n'ai plus les moyens pour m'acheter le moindre tacot composé d'un moteur et quatre roues pour le moment.

— Scarlett ? Qu'est-ce que tu fais sous la pluie ?

Tiens, c'est vrai qu'il pleut !

Un tourbillon d'émotions me traverse et fracasse chaque cellule de mon être en ce moment, si bien, que je ne me suis même pas rendu compte d'avoir quitté le restaurant pour errer sur le trottoir désert et sous une pluie battante. Pourtant, cette voix me ramène dans la triste réalité et même le charme flagrant de son propriétaire ne saurait me redonner le sourire.

Je lève les yeux et rejette une mèche brune et humide qui me colle au visage. Les gouttes ruissèlent sur ma peau et m'extirpent une grimace. J'ai froid. Instinctivement, je me protège les bras de mes mains glacées, mais Mike me jette sa veste sur mes épaules en courant vers moi.

— Scarlett, qu'est-ce qu'il se passe ?

Mon Dieu, Mike Taner n'a jamais été aussi beau qu'en cet instant. C'est étrange comme la tristesse peut nous faire pousser des ailes un peu comme l'adrénaline en a le secret. J'essaie d'étirer mes lèvres comme pour le rassurer, mais le reflet chocolaté de ses yeux me renvoie l'image pitoyable d'une fille paumée et repoussante. Alors, je tente la seule parade qui me vienne en tête pour m'extraire cette horrible image de la tête. Sans que mon ancien collègue s'y attende, j'attrape le col de sa chemise et pose mes lèvres givrées sur les siennes. La différence de température me coupe le souffle. D'abord paralysée par mon geste imprévu, ce dernier, se détend et accepte mon offrande pour répondre à mes attentes en prolongeant le baiser de manière plus approfondi. Il a le goût du café fraichement consommé. Je me délecte de chaque seconde qu'il me reste avant de regretter de m'être jeté dans ses bras, mais pour ma défense, cette soirée est vraiment pire que tout ce que j'aurais pu imaginer.

Le baiser rompu, je demeure muette, mais essoufflée par cette soudaine chaleur qui ranime les flammes de mon corps. Front contre front, j'observe son cou et sa pomme d'Adam qui tressautent tandis qu'il me parle d'une voix suave et sexy dont il a la recette.

— Scar, tu ... Je ne savais pas, pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

Comment pourrais-je lui en vouloir de ne pas comprendre ce qu'il se passe ? Moi-même, je ne capte plus rien. Voilà, trois ans que je travaille avec Mike Taner. Ce jeune homme de vingt-cinq ans a rejoint nos rangs après une longue rééducation d'une fracture au tibia qui lui a coûté une brillante carrière de football. Bien évidemment, je suis tombée sous le charme à l'instant où ses yeux se sont posés sur moi, mais comme mes expériences passées ne m'ont pas laissé de bons souvenirs en matière de relations, j'ai préféré refréner mes envies et désirs pour ne me concentrer que sur le travail et mon amitié récente avec Maud, une autre de mes collègues. Elle est la seule à qui j'ai ouvert mon coeur blessé. D'ailleurs si elle me voyait en cet instant embrasser le seul homme qui m'a fait tourner la tête depuis le lycée, elle serait surement folle de joie.

— OH MON DIEU SCAR ! s'écrie une voix que je connais bien.

En parlant du loup. Maud Travel, longe le trottoir sous un parapluie tout aussi élégant qu'elle, transparent avec de petits motifs noirs tout autour. J'adore ce parapluie, tout comme cette nana.

Son sourire crispé n'atteint pas ses yeux d'anges. Elle est inquiète. Mike nous dévisage tour à tour, puis enroule son bras autour de mon épaule. Malgré la pluie qui semble enfin cesser sa course, j'observe un moment le profil de Mike sous la lumière du lampadaire fleurie.

— Ca va aller Maud, je m'en occupe.

Les gouttes épousent l'ovale de son visage et glissent le long de sa gorge. Sexy. Malgré cela, l'inquiétude de Maud m'interpelle et me détache d'une éventuelle nuit de débauche tant espérée avec Mike.

— Non Mike. Merci à toi, mais je vais rentrer avec Maud.

Mon amie retrouve un léger sourire satisfait et opine poliment comme pour ne pas froisser Mike. Elle est comme ça, Maud. Elégante, polie et adorable, tout ce qui m'a fait la détester pendant des mois avant qu'elle ne me sauve d'un client un peu trop collant. Depuis, je me suis résignée, cette fille est beaucoup trop géniale pour la haïr, même si parfois mon relâchement avec elle me fait peur. J'aime avoir mes secrets, et les miens méritent de rester tels qu'ils sont. Pas question de la mêler à tout ça.

— Tu es sûre ? Je finis dans une heure, je peux te ramener.

Le jeune homme quitte mes yeux pour s'abattre sur son bras ou les doigts fins de Maud enserrent gentiment sa peau humide et certainement aussi glacée que la mienne.

— Je vais prendre soin d'elle Mike, tu peux retourner travailler.

Comme toujours, sa douceur est récompensée à ses propres désirs. Mike n'insiste pas, mais hésite à m'embrasser une nouvelle fois au moment où je quitte son bras pour rejoindre celui de Maud sous l'immense parapluie. Je m'en veux de lui faire cela sans même lui expliquer quoi que ce soit, alors, j'attrape un stylo dans la poche de chemisier de Maud et gribouille rapidement mon numéro à l'intérieur du calepin réservé à la responsable de salle avant de tendre le papier à Mike.

Nous nous quittons d'un sourire timide et je longe le trottoir à contresens en direction de la petite citadine de mon amie.

— Tiens, je t'ai pris ton sac. J'ai entendu votre conversation avec le patron. Tu es partie blanche comme un linge. Tu as jeté le tablier au sol et tu ne m'as même pas répondu quand je t'ai appelé.

— Désolée, j'étais sous le choc.

— C'est ce que j'ai vu, et d'ailleurs c'était quoi "ça" avec Mike ?

— J'étais sous le choc.

Je pose mes fesses humides sur le siège impeccable de la voiture et regarde aussitôt par le fenêtre de peur de croiser le regard de Maud. Comment me justifier sur mon attitude alors que ça fait au moins deux ans qu'elle me pousse à aller lui parler et que j'ai attendu ce soir pour m'exprimer.

— Tu sais quoi, ce soir tu dors chez moi, que tu le veuilles ou non. On reparlera de tout ça demain.

— Non, ça va aller, dépose-moi sur la cinquième, je me débrouillerais.

— Scar, je suis ton amie, et les amies n'abandonnent pas leurs amies qui ont besoin d'aide. Demain je ne bosse pas, on pourra discuter et faire tout ce qui te fait envie. Je ne veux pas que tu te morfondes dans ton coin. Quand je vois qu'à peine tu quittes ton poste, que tu sautes sur Mike alors que tu me fais la morale comme quoi tu n'es pas faite pour ce genre de relation. Je vois bien que tu ne vas pas si bien ça, ma chérie. Alors si, tu vas venir chez moi que ça te plaise ou non, je te séquestre pour une nuit.

Comme seule réponse, j'expire de désespoir. J'ai tellement froid et la fatigue me pique tellement les yeux que je ne vois pas comment faire pour échapper à ces griffes. Depuis des semaines, Maud me propose de venir chez elle, mais je trouve toujours une bonne excuse, au moins là, elle sera servie, et même si j'ai du mal à l'admettre, ça me fera du bien de ne pas être seule pour une fois.

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