4 - prisonnière

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Cela fait maintenant trois jours (sans doute les plus longs de mon existence), que je n’ai pas vu Maud ni ce propriétaire d’opérette. Mes repas me sont livrés sur plateau devant ma chambre par le fameux Eddy qui se présente toujours au préalable. Cet homme, très discret me fait penser aux espions dans les films. Je le soupçonne même, de rester devant ma chambre par moment. Ma fièvre était tombée depuis deux jours rapidement et mon corps recouvre peu à peu ses forces, ce qui me donnait des envies d’escapades. Au moment où je m’apprête à faire le mur par ennui ou dépit, quelqu’un frappe à ma porte.

Merde ! Ma main est suspendue au-dessus de la poignée et sans réfléchir, je me réfugie à grande vitesse sous la couette avant d’autoriser à la venue impromptue d’entrer. J'ai un mauvais pressentiment.

— Coucou ! comment te sens-tu ?

— Maud ?

Je suis terriblement soulagée de voir un visage amical et un million de questions écrasent de nouveau ma tête comme une horde de sangliers en rut.

— Oui c’est moi, désolée de ne pas être arrivée plus tôt. Je suis obligée de faire des heures supplémentaires depuis que la meilleure des employées n’est plus là.

— Cynthia s’est fait virer ?

— Mais non, c’est toi, dont je parle. Patate.

Je m’assieds sur le lit et l’invite à en faire autant.

— J’aurais besoin qu’on discute de tout ça Maud.

Elle sait très bien où je veux en venir puisque d’un geste de tête succinct, elle opine et s'installe avec grâce à mes côtés.

—Bien, je suis prête pour l’interrogatoire.

— Okay, alors, d’abord qu’est-ce que c’est que ce proprio ? Il me fait flipper.

— Humainement parlant, c’est un Donjuan, un goujat superficiel qui a hérité de son père, mort depuis plusieurs années et prochainement, héritera de son oncle. Il est aussi très influent et a beaucoup d’amis de la haute société, mais peu fréquentables. Ils prennent les femmes pour des objets et n’ont rien dans la tête à part une queue. Sinon en gros, il est lunatique, antipathique aussi, et sexy, mais ça il le sait déjà et c’est le problème.

— Bon je n’avais pas trop mal ciblé le personnage alors. Et euh qu’est-ce qui s’est passé avec mon appart ? Où sont mes affaires ?

— Ça, j’ai peur d’en être responsable.

Elle se mord la lèvre et ses joues rosissent de façon charmante. Comme prise d'un mauvais souvenir traumatisant, elle me prend la main, et me parle d'une voix encore plus douce qu'à l'ordinaire.

— Quand tu es tombée… Mon Dieu ce que j’ai eu peur ! c’est Félix qui t’a rattrapé de justesse, il était furieux. Après t’avoir déposé dans le lit, il m’a rejoint et m’a posé plusieurs questions sur toi, ou tu vivais, ce que tu faisais là. Je lui ai déballé tout ce que je savais, c’est-à-dire pas grand-chose et du coup… tu connais le résultat. Oh et, tes affaires sont dans une valise en bas.

— Okay, ça ne m’explique pas pourquoi il a fait ça, on ne se connaît pas et on se hait à première vue.

Elle resserre son étreinte autour de mon bras et me rassure.

— Oh ça ce n’est pas un problème, tu verras bien vite que Félix n’aime que lui-même et par un heureux hasard opportun, il peut se montrer gentleman... Et puis, je suis persuadée qu’il ne te hait pas.

Son explication ne tient pas debout, mais comme d'accoutumé son discours me calme.

— Comment peux-tu le savoir ?

— J’ai le flair pour ça.

L’histoire de ce Félix n’est pas banale, mais je reste persuadée que s’il se comportait déjà mieux avec les femmes, sa vie sociale s’en sentirait plus heureuse. Perdue dans mes pensées, Maud lâche mon bras pour me prendre la main :

— Ecoute ne réfléchis pas trop ! profites de ton séjour ici. C’est gratuit , et tu es en sécurité…

— De quoi as-tu si peur ? Cela fait deux fois que tu me parles de sécurité. Je n’en ai pas vraiment besoin. Pour le moment je me sens oppressée.

— Il faut dire que ton entrée ici a été assez romanesque.

— Romanesque ?

— Mais oui, il était une fois la belle aux yeux magnifiques qui entre dans le château de la bête celui-ci la sauve de la méchante marche farceuse et patatras, la belle ne pense qu’à son sauveur égoïste atteint de frénésie sexuelle et…

Je l’admire déblatérer son histoire qui ne tient pas debout et me mets à rire aux éclats. Ça ne m’était pas arrivé depuis plusieurs jours. Surprise de ma réaction, nos regards se croisent et je décèle dans le sien de l’affection et beaucoup de bienveillance.

— Merci Maud.

— Merci à toi de donner un peu de couleurs dans nos vies.

Elle se lève et comme illuminée se retourne vers moi en un éclair.

— Descends pour huit heures ce soir, fais-toi belle ! on mange tous ensemble comme ça, tu nous verras tous d’un coup et tu te sentiras plus à l’aise.

— Ah euh oui bien sûr… il faut que je sois …chic ?

Mon ton septique la fait rire et elle en profite pour me montrer plusieurs tenues achetées quelques jours plus tôt par ses soins.

— Oh oui, merci ! j’avais complètement oublié… tu me diras combien je te dois.

Une grimace se dessine alors sur sa figure avant qu’elle me sorte :

— Ne dis pas de bêtises. Considère ça comme un cadeau de bienvenue et d’excuse pour tout ça! Je voulais juste te faire comprendre que le plus important c’est d’être belle pour notre Roi.

— Pff tu parles d’un Roi, Roi des connards oui.

— Peut-être, mais c’est notre logeur et il nous protège par défaut. Il aime bien qu’on se montre charmante avec lui au moins par respect.

Un haussement de sourcil de sa part me fait comprendre qu’il me faut abandonner ce sujet épineux. Je me promets donc d’entretenir une relation plus que minime, mais correcte avec ce maraud, car malgré sa bêtise avérée, il semble être généreux , ce qui est déjà beaucoup en soi, dans ce monde de vermines.

— Oh et j’allais oublier je t’ai apporté le règlement mis à jour.

Il y a vraiment un règlement ?

Elle me tend une feuille de papier de haute qualité avec une liste impressionnante de points. Je me sens faire un bond dans le passé lors de la rentrée scolaire à lire ce fichu règlement que personne ne suivait.

— A jour ?

— Oui, à chaque nouvelle arrivée, on modifie le règlement, c’est la première des règles.

En effet je baisse les yeux pour décrypter la première ligne « règle n°1 : à chaque nouvelle arrivée, modification du règlement. »

— Impressionnant ! flippant ! choisis l’adjectif que tu veux.

Je lui souris sans dents, elle opine et me précise qu’il lui fallait se changer avant le diner.

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