46. Retour sur terre (partie 3)

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Mercredi 7 novembre 2013

J’ai à nouveau mal dormi, les fourrures trop chaudes, les corps moites qui se heurtent, celles qui font des phrases inintelligibles en dormant. Je sais que demain soir, j’irai retrouver mon lit de Terrienne.

Malgré tout, le bruit du campement à l’extérieur et la fraîcheur de l’air me rappelle avec nostalgie tous les autres voyages. Siloë et moi nous levons à l’aube, avant les gamines. Lorsque nous nous habillons en silence, dans l’obscurité, je me souviens de la soirée chez Chell. Nous gagnons le camp couvert de brume. Des hommes relancent le feu. Nous sommes encerclés par les partisans. Quand je vois ce monde, je me dis que je ne peux perdre. Hélas, la vérité, il faut bien l’admettre, ils ne sont qu’une centaine sur des millions. Nombreux hommes politiques se sentent puissant lorsqu’ils rassemblent mille personnes à leur meeting. L’effet de foule, la sensation de gloire, efface la réalité du nombre. Les partisans suivent leur ressenti, ils sont subjectifs, versatiles et ne représentent peut-être rien du reste du monde.

L’une de mes deux gardes tapote l’armure des deux autres qui dorment.

— L’Impératrice est levée.

Impératrice… Quel doux titre pour une fille qui n’est rien d’autre qu’une miss à l’heure actuelle. Les deux gardes éveillées nous emboîtent le pas, tandis que je rejoins Sigurd encore couché, mais les yeux ouverts. Hommes et femmes s’empressent de se lever à mon approche, sauf lui.

— Ça va Sigurd ? m’inquiété-je.

— Très bien. Je ne m’attendais pas à te voir debout si tôt. Le soleil perce à peine.

— Siloë et moi voudrions profiter du trajet pour retourner auprès de notre mère. Cela fait trois semaines qu’elle n’a pas eu de nos nouvelles.

Sigurd se redresse hors des fourrures et grommèle :

— J’ignore comment expliquer ton absence aux yeux des partisans. Nous n’avons pas mis en avant tes origines, comme Pauline du Désert.

— Il faut qu’on rentre, me dit Siloë, je n’ai même pas vu que ça faisait trois semaines, tellement j’ai été occupée.

— De toute façon, tous nos hommes ont l’habitude, souligné-je.

— Je parlais uniquement de la centaine de partisans qui entoure le campement. Ou bien nous te disons un peu malade. Siloë met une capuche et vous partez à tour de rôle. Les gens remarqueront moins ton absence que celle de Léna.

Siloë et moi échangeons un même regard. Nous n’avons pas envie de rentrer l’une après l’autre. Malika avance vers nous, tandis que ses courtisanes replient leur tente. Elle reste majestueuse malgré tout. Plutôt observatrice, elle questionne :

— Bonjour Léna, Siloë, Sigurd. Y a-t-il un problème avec le départ ?

— Non, aucun, répond Sigurd. Les sœurs Hamestia vont partir de leur côté et nous rejoindre plus tard. Vous chevaucherez au milieu de nous et la cohorte suffira à masquer votre départ. Pour le reste, nous laisserons les rumeurs sans réponses, elles se suffiront à elles-mêmes.

Siloë et moi opinons du menton.

Ainsi, une fois mes courtisanes levées, le campement est plié, et l’immense cortège reprend la route vers Varrokia. Le soleil à fait fuir la brume, et tandis que nous sommes encerclées, Siloë et moi prenons chacun une pilule verte.

L’effet est extraordinaire, inattendu. Le temps se fige, se durcit, et le décor se grise, comme une photo de l’ancien-temps. Anaëlle devient un gros lapin bleu, tandis que le véloce se transforme en un gros hérisson-licorne mauve.

— Le truc de fou ! balbutie Siloë.

Je lève les yeux. Au-dessus de nos têtes, un tourbillon de champagne et de vin de noix se mêlent. Dans l’œil, à l’autre bout, je vois ma chambre. Je me concentre et parvient à séparer mon tourbillon de celui de Siloë. Avec difficulté, je peux voir la salle de bains, le salon. Mais sitôt la concentration relâchée, je reviens à ma chambre et les tourbillons s’emmêlent à nouveau. Je talonne mon lapin et il bondit, nous aspirant tous les deux dans le tunnel. Siloë talonne à son tour et nous nous retrouvons toutes les deux dans notre monde en un clin d’œil. Retrouver l’atmosphère tiède et saine de ma chambre est un vrai plaisir.

— L’effet n’est pas le même constate, Siloë.

— Je suis sûre que si on s’était concentrée à deux, on aurait pu se retrouver chez toi ou au lycée.

Je me laisse tomber sur mon lit. Les pas reconnaissables de ma mère grimpent en trombe les escaliers. Je me relève juste avant qu’elle ne passe la porte. Elle écarquille des yeux ronds, puis me gifle violemment.

— Dix-huit jours ! Dix-huit jours que nous sommes sans vos nouvelles !

Mon égo de futur impératrice est blessé au plus profond d’avoir reçu une gifle, mais mon cœur de fille a envie de fondre en larme devant la détresse maternelle. Siloë intervient :

— Nous sommes désolées Madame Hamel ! Sincèrement désolées ! Nous n’avons pas vu le temps passer ! Nous étions à Kitanesbourg…

— Je me fiche d’où vous étiez ! Dix-huit jours sans donner de nouvelle ! Ta mère a appelé la gendarmerie quand elle a vu que tu ne rentrais pas pour retourner à Marseille ! Et là vous rentrez en catimini par la fenêtre de la chambre ! Et vous puez le fauve ! Vous n’avez pas changé de vêtements depuis quand !

Siloë n’ose plus rien dire. La colère d’une mère, qu’elle soit la sienne ou celle d’une autre, reste intimidante. Le menton de ma mère tremble, elle ne trouve aucun mot, se retient de sombrer en larmes et du coup rompt le malaise silencieux par un ordre :

— Allez prendre une douche, et changez de vêtements ! Je vais prévenir ta mère !

Elle me foudroie d’un regard si noir, que je ne me souviens pas d’une telle colère de toute mon enfance. La joue brûlante, j’ouvre ma commode puis balbutie à Siloë :

— Je te prends un jeans ?

Elle ne répond pas. Nous quittons la chambre sans que ma mère n’ait bougé, puis nous nous enfermons dans la salle d’eau.

— Ouah ! Dur ! chuchote Siloë.

Les larmes tombent sur mes joues, je me penche sur l’évier. Siloë pose sa main sur ma nuque.

— Tu veux que je gobe ma pilule et que je revienne avec des pilules bleues pour les emmener avec nous, et qu’ils voient tout ?

— Ça changerait rien aux dix-huit jours. — Siloë fait une moue affirmative. — nous sommes trop connes. Nous sommes restées dix jours à Kitanesbourg, nous aurions pu revenir.

— Mais nous préparions ton discours, ta danse, ta robe…

— Oui… Mais nous aurions pu, même juste quelques heures. — Siloë baisse les épaules. — C’est fait, c’est fait. Aide-moi à enlever l’armure.

Siloë obéit, et nous nous déshabillons. Sans nous concerter, nous entrons en même temps dans la cabine. Pour dérider un peu l’atmosphère, Siloë me dit :

— Ça me rappelle des souvenirs.

Elle saisit le pommeau, attend que l’eau chauffe et la fait couler sur mes cheveux.

— Les douches qu’on a prises ensemble ?

— Non, l’engueulade. Quand ton père avait appris qu’on zonait au cimetière.

Je souris malgré-moi. En effet, ce n’est pas la première fois que nous nous faisons vilipender. Ce ne sera pas, je l’espère, la dernière fois que nous ferons les quatre cent coups ensemble. Le fouet des jets brûlants me fait un bien fou. Je lâche un râle de soupir qui inquiète Siloë.

— Ça va ?

— Ouais ! Ça fait trop du bien, une douche chaude.

Il nous faut plus d’une demi-heure avant de nous sortir du hammam que nous avons créé. Massage mutuel des épaules et du cuir chevelu terminé, nous avons discuté de notre plan d’action pendant un moment.

Pantalon cargo noir et débardeur rouge pour moi, une veste à capuche, pour tenir chaud. Un jeans un peu étroit pour Siloë, et un sweat-shirt noir à l’effigie d’un groupe de métal pour Siloë. Nous voilà redevenues des Terriennes.

La mère de Siloë est arrivée lorsque nous sortons. Elle se tient debout en bas des escaliers. Les pas de Siloë se tendent de stress, en descendant les marches. Puis elle finit par dévaler les dernières marches et se jette dans les bras de sa génitrice.

— Pourquoi vous nous faites ça, sanglote sa mère.

— Je suis désolée, tellement désolée !

Je croise malgré-moi le regard gêné de ma propre mère. Égale à elle-même, tellement mal à l’aise, elle préfère tourner au sarcasme, comme si rien n’était grave.

— Et comment va l’Empereur ?

Siloë s’extrait brutalement des bras de sa mère et s’exclame toute excitée :

— Vous savez quoi ? Léna est élue !

— Ah bien… Mais juste le Duché ?

— Ouais, mais c’est pas mal ! C’était serré ! Vous voulez-voir sa robe ?

La mère de Siloë papillonne des yeux, cherchant à comprendre de quoi il retourne. Il ne fait aucun doute que ma mère ne lui a pas parlé de Varrokia, où elle serait passée pour une folle. Siloë a dégainé son téléphone.

— C’est moi qui ai eu l’idée et tout !

— C’est très beau, lui dit ma mère. Tu es belle ma chérie.

Elles s’assoient sur le canapé. Sans rien dire sa mère écoute. Je reste debout, incapable de savoir comment réagir face à leurs réactions.

— Là c’est Léna et Sten qui ouvrent le bal avec une valse.

— Tu sais danser la valse ? se moque ma mère.

— J’ai appris, dis-je. Puis suffit de se laisser guider.

— Là, c’est Léna et Sten qui se sont planqués au balcon pour une petite discussion. Ça c’est les trois courtisanes en lice, je les ai prises en photos après qu’on ait teint leurs cheveux. C’est elle que Léna a gardé. Là c’est la garde rapprochée de Léna.

— Lugubre, commente ma mère. C’est qui, elle ?

— Malika. C’est la conseillère politique de Léna. C’est celle qui a fini deuxième au vote. Super sympa, très intelligente. Je garde un œil sur elle quand même, mais… Bref. On va revenir en arrière. Attendez, je reviens au début. Là c’est moi et Sten à ma première journée là-bas.

— J’avais vu, lui rappelle ma mère.

— Là, je me suis fait un selfie la première fois que j’ai dû monter sur un véloce. Comment je flippais trop ! Mais les soldats de Sten, ils se battaient pour me servir. Je n’ai jamais été autant draguée en deux jours qu’en deux ans. Faut dire, la seule fille sur le campement, ça remue la testostérone. Là c’est des paysages, encore, encore.

— C’est jolie, confie la mère de Siloë.

L’entendre parler fait sourire ma copine, qui se met un peu plus en arrière pour bien montrer son téléphone.

— Là c’est moi et Frithjof, c’est un des soldats de Léna. Moi et Haldor… Je ne vais pas vous faire tout le monde. Hé ! Hé ! Là c’est Léna qui embrasse Sten, je crois qu’il ne s’y attendait pas.

C’est un peu flou, mais j’ignorais qu’elle avait réussi à capturer cet instant. Nous voir tous les deux me fendille le cœur. Je suis vraiment amoureuse. Je m’assois sur la table basse.

— Tu m’envoies la photo, dis-je.

— Ben, je pensais la retravailler.

— T’es pas prête de trouver un PC là-bas. Envoie-la à Chell aussi.

— D’acc. Attends, je finis.

Siloë continue à faire défiler ses photos. Elle a su capturer certains instants sans que je me rende compte. Des échanges de regard complice entre Fantou et moi, des éclats de rires des gamines, des soldats qui se changent. Elle a passé pas mal de temps avec eux. Elle a quelques photos de la forge qui sont magnifiques par leurs couleurs rougeoyantes. Et mêmes des photos de véloces qui semblent sourire. Les dernières photos sont celle prises depuis les gradins lors de l’élection et à la soirée. Durant presqu’une heure, Siloë explique qui est qui, donne son opinion sur les concurrentes, puis le logo batterie apparaît.

— Tu veux un chargeur ? questionné-je.

— De toute façon on a fait le tour. Mais ouais.

— On va au lycée avant la fin de la journée ?

— Qu’est-ce que vous voulez faire au lycée ? s’étonne Maman.

— Marcher dans les pas de la nostalgie, répond Siloë.

J’indique que nous allons passer du temps avec elles :

— Après, on revient déjeuner avec vous. On dort ici, et demain matin on repart. Je garde mon téléphone, on sera joignable.

— Bien… Et bien à tout à l’heure, soupire ma mère.

Elle est démunie face nos choix, notre volonté inébranlable. Comme si elle faisait face à un animal indomptable. Je sens à la fois la déception et l’incompréhension. Siloë branche son téléphone, puis me dit :

— Attends, j’envoie une sélection à Chell.

— Je vais mettre les robes dans le lave-linge.

— Je vais t’aider.

Ma mère m’accompagne jusqu’à la buanderie, laissant Siloë et sa mère entre elles. Lorsque je me penche pour remplir la machine, elle passe ses doigts dans mes cheveux humides. Je me redresse et elle questionne :

— Hélène, tu es sûre que ça va ?

L’inquiétude profonde qui vibre dans sa voix me fait monter les larmes.

— Ne me regarde pas comme ça, Maman, tu vas me faire pleurer.

— Ce… C’est… enfin… Ce n’est pas comme ça que j’imaginais ma petite file prendre son envol. Si tôt, si brutalement, si… étrangement.

— Je sais que tu ne comprends pas tout, mais il faut juste y croire.

— Ce n’est pas une secte, au moins ?

— Si ça en est une, j’en serai la reine.

Sa main ne quittant pas mes cheveux, et son regard me mettant mal à l’aise, je l’étreins contre moi. Cela m’agace plus que ça ne m’attendrit.

— Allez ! On doit aller au lycée.

— Je suppose. Ça a l’air important.

— Assez.

Je m’arrache de ses bras, m’empare discrètement du cutter posé sur l’étagère. Siloë pose sa bouche sur la joue de sa mère.

— À toute à l’heure Maman.

Nous enfilons nos bottes, puis quittons la maison. Il fait plutôt beau mais très frais. Siloë me confie :

— Ah ! Ça me brise le cœur ! Je ne savais pas quoi dire à ma mère. Ta mère n’aurait pas demandé comment allait Sten, j’étais encore une heure à pleurer !

— Désolée.

— Attends, c’est moi, quoi ! Tes parents ils savaient, mais ma mère, ben j’avais jamais été dans le fond du truc pour ne pas qu’elle me prenne pour une tarée. Et puis avant d’y aller, même moi, je n’étais pas sûre que c’était vrai.

Mon téléphone vibre :

Chell : Encore en train de vivre un putain de trip sans moi ! Je suis trop jalouse, les filles ! J’aurais voulu être à cette fête ! Aux vacances de Noël, vous avez intérêt à m’emmener avec vous ! Trop content que ce soit Léna qui aie gagné ! La robe est trop swag !

Je lis à voix haute le message et réponds :

Léna : Tu seras la bienvenue, faut fixer une date pour qu’on soit de retour pour venir te chercher.

Chell : Ben le premier jour des prochaines vacances

Léna : Ça va tout déchirer si on est toutes les trois réunies !

Chell : C’est clair ! Surtout que tu seras impératrice !

Léna : Si je suis élue !

Chell : Ce serait trop con que tu ne le sois pas.

Léna : Y a de la concurrence apparemment. On va essayer d’en éliminer une aujourd’hui, déjà.

Chell : Comment ça ?

Léna : On va éliminer celui qui permet à Pauline d’aller dans l’autre monde.

Chell : Ah, pas bête ! Mais genre, vous allez le découper et le mettre dans cinq poubelles séparées ?

Léna : Non, on va juste le faire disparaître le temps de l’élection. Nous ne sommes pas des barbares ! Enfin moi, si, mais pas Siloë. Et puis je ne tue que ceux qui le méritent.

Siloë me tire par le bras pour ne pas que je percute une boîte aux lettres, puis je range mon téléphone. Nous approchons du lycée.

— Ils vont se demander ce que je fous là, sourit Siloë.

Nous pénétrons dans le couloir principal. Je regrette de ne pas être en armure avec mes quatre gardes du corps impressionnantes. Ça en jetterait. On laisserait nos véloces à l’entrée, et on effraierait tout le monde.

Arrivées à la porte de l’infirmerie, nous nous retrouvons face à Victor. Il écarquille les yeux.

— Hélène ?

— Léna, je t’ai déjà dit.

Il entrouvre la bouche mais ne trouve pas de mot, alors je le tâcle :

— Tu croyais que j’étais morte d’une overdose ?

— Euh… Non.

— Siloë a goûté, elle aime bien. Et il lui reste du fric. Il t’en reste ?

Il regarde autour de lui puis recule dans l’infirmerie pour que nous soyons à l’abri des oreilles.

— Bon, qui c’est qui te fournit ?

— C’est secret.

Je sors le cutter et Siloë lui agrippe les bras.

— Qui ?

— Je ne peux pas te le dire.

— Pourquoi pas ?

— Parce que sinon je suis mort.

— Surtout que sinon, tu ne te fais pas de fric, dit Siloë.

Je monte le couteau vers sa gorge.

— Arrêtez les filles, vous me faites flipper !

— Tu as quand même conscience que ce n’est pas des simples cachets d’ecstasy que tu refourgues ? Tu les as goûtés au moins ?

— Ça va pas ! Je ne touche pas à ça.

— Comment tu peux vendre un truc si tu n’y goûtes pas ?

— C’est plein d’hormones de gonzesse. J’ai pas envie de devenir impuissant.

J’échange un regard surpris avec Siloë. J’ai l’impression que le revendeur a bien joué du pipeau pour ne pas qu’il y touche lui-même. D’un autre sens, il est possible que l’alchimie des dragées n’agisse que sur les filles, car celles dont elles disposent semble conçues pour conduire près de Sten. Mais qui aurait intérêt à ajouter la concurrence d’un autre monde aux aspirantes déjà nombreuses ?

D’une main, je sors la pilule noire du médaillon.

— J’en ai une pour toi.

— Non merci. Je sais où me fournir.

— Elle est noire, pleine de testostérone. C’est pour les hommes.

— Même ! Trop pas !

— En un mois, j’ai étouffé un homme et égorgé une femme. Tu veux être mon troisième ?

Mon regard ne ment pas, et celui de Victor se remplit de terreur.

— Allez, c’est qu’un sérum de vérité, ment Siloë.

Je place la pilule entre les lèvres de Victor. Ses yeux s’écarquillent et soudain, il disparaît, comme aspiré sur lui-même.

— Whaoo ! Ça dépote ! s’exclame Siloë.

— J’espère que Sten va savoir que c’est notre prisonnier, et qu’il ne va pas le tuer.

— Mais oui.

— Bon, Et bien c’est une bonne chose de faite !

Ravie, je range le cutter, et nous sortons de l’infirmerie. Tandis que nous gagnons l’extérieur, je me retrouve face au professeur d’économie qui sort de la salle des enseignants.

— Mademoiselle Hamel ! Je croyais que vous nous aviez quitté définitivement pour un autre monde.

— Un autre monde ? répété-je.

— Je vous trouvais plus à votre aise dans vos jolies robes. Et vous Mademoiselle, vous n’aviez pas fait cap sur le Sud ?

— Si, répond Siloë, mais l’appel de l’amitié a été plus fort.

— Hmm, Hmm. Force bleue et Force rouge réuni, il ne manque que Force blanche, et vous pourrez vous transformer en méga-licorne arc-en-ciel.

Il rit tout seul en faisant tressauter ses épaules. Son humour est toujours aussi perché.

— Si vous le dîtes, réponds-je.

— Et vous venez en cours, où vous venez visiter l’établissement ?

— On visite. Je montrais juste les changements à Siloë.

— Et bien bonne visite.

Il s’éloigne tout sourire en fredonnant. Siloë murmure :

— Il est de plus en plus barré avec le temps.

— T’as entendu, il a dit qu’il nous croyait dans un autre monde.

— Je pense que c’est un hasard.

— Il est bizarre, ça m’étonnerait pas qu’il soit de Varrokia.

Siloë se retourne, mais il a déjà passé la porte coupe-feu. Elle conclut :

— Va savoir. Tiens ! J’aurais vu tous les boulets du lycée.

Je me tourne à mon tour et aperçois Geoffrey.

— Salut Hélène.

Je lui fais un doigt d’honneur.

— Tu m’en veux encore ?

— Non, t’inquiète, lui répond Siloë. Elle sort avec un mec maintenant, rien à voir avec toi. Elle a gagné au change.

Geoffrey prend ça pour du pipeau et me dit :

— Je suis désolé. C’est vrai que t’es un peu zarbi, mais ça fait ton charme. Je regrette un peu mes mots, je… je pense souvent à toi.

La mâchoire de Siloë se décroche, moi, je l’interromps.

— Déjà, je m’appelle Léna. Alors si t’as pas compris ça, ben va te faire voir. Et de deux, comme Siloë l’a dit, je sors avec Sten, alors rien à foutre.

Geoffrey n’est pas quelqu’un qui manque d’assurance, donc il réplique simplement :

— T’es pas obligée d’être méchante.

— C’est vrai, me dit Siloë. C’est grâce à lui que tu l’as rencontré.

Je souris malgré-moi car c’est vrai. Ma destinée s’est jouée vraiment à peu de chose. Siloë tapote l’épaule de Geoffrey

— Désolée, ta fenêtre de tir s’est refermée quelques heures après la première.

Nous le laissons, puis pouffons de rire en sortant. Siloë est morte de rire :

— J’hallucine ! — Elle prend une voix grave. — Je pense souvent à toi !

— Putain ! N’empêche que t’as trop raison, c’est grâce à lui.

Siloë prend une voix de vieux sage.

— À chaque mal il y a quelque chose de bien.

Je regarde mon téléphone, nous avons le temps avant de rentrer, alors je m’assois sur le dossier d’un banc, et je regarde les murs du bâtiment.

— Ça change des châteaux et des palais, dis-je.

— C’est clair. Ça fout le seum d’être là.

Elle s’assoit à côté de moi au moment où j’ajoute :

— Mais au moins, nous ne sommes pas à chevaucher et à bouffer toujours les mêmes trucs.

— Ça va, Jeannine cuisine super bien.

— Ça ne fait pas trois heures que nous sommes revenues, tout me manque. Les filles, le palais, le défi, Sten… Tout.

Siloë regarde droit devant nous puis me demande :

— Qu’est-ce que tu penses de Frithjof ?

Ce n’est pas vraiment une question, plutôt une annonce :

— Je ne sais pas. Il est poilu, comme tu les aimes.

— Je crois qu’il y a quelque chose entre nous. Il me plaît et je crois que je lui plais… mais comme il est toujours avec les autres, ça reste toujours très distant. Et puis je suis la sœur de la future Impératrice, alors je crois qu’il n’ose pas.

Ses yeux brillent, un peu humide. Trois heures loin de l’autre monde, et elle a un prénom qu’elle peut donner à ce qui lui manque. Je passe mon bras autour de son épaule :

— Et moi qui pensais que t’étais devenue gay.

Elle tourne la tête vers-moi :

— J’étais un peu bourrée. Et puis t’as kiffé.

Elle sourit, moqueuse, la langue entre les dents.

— On n’en parle plus, c’est gênant. Mais je ne regrette pas.

— Tu imagines ce que je ferai avec la bite de Frithjof ?

— Je pense que d’abord, tu la laverais.

Elle éclate de rire. Nous descendons du banc, je prends son bras et lui demande tout en marchant :

— Tu veux que je t’arrange un rencart ?

— J’aimerais savoir ce qu’il pense de moi. Peut-être que si on passe par une des filles ou par Jeannine. Et après, en fonction, ouais, tu organises une rencontre.

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