52. Entracte

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Samedi 17 novembre 2013

Après une nuit de repos courte, animée par mes longues discussions avec ma meilleure amie, je retrouve un peu de force mentale. Chell a sous-estimé la débilité du mage Njall. Aussi j’ai demandé à mes courtisanes de me prévenir quand ma seconde sœur de cœur reviendrait.

Siloë est partie trouver Thomas. J’observe mon visage cerné par la fatigue dans le miroir. Mon regard s’est encore endurci, d’une lueur qu’aucun maquillage ne peut dissimuler. La nuit a été courte, et j’ai tué à nouveau un être vivant. Je fais ce que me conseille Siloë, je ne garde de souvenir que ce qui me construit. Tout Varrokia a vu mon triomphe. Sten lui-même ne doute plus de mon impitoyabilité. J’ai rallié le Duché Noir. Les pro-impériaux pour avoir vaincu le mage, et les pro-Exilés pour leur avoir promis de remettre la descendante de leur lignée favorite sur le trône.

Ce soir, mon reflet est celui d’une véritable Reine. Après cette énième péripétie, je ne pourrais tolérer de perdre le mariage. Malika frappe à la porte.

— Léna ?

— Entre.

Elle entrebaille la porte et m’annonce :

— Une délégation des prêtresses noires est venue à ta rencontre.

— Les trois ?

— Elles sont neuf.

Qu’est-ce que cela peut vouloir dire ? Je doute que ce soit une vengeance, vu comment Njall les traitait. Cependant, je patauge un peu dans leur politique. Veulent-elles négocier leur soutien ?

— Bien, je veux mes quatre gardes et toutes mes courtisanes armées de leur couteau. Je veux que tu sois là pour me conseiller. Je ne veux aucun autre badaud, la discussion risque d’être privée.

— Leur arrivée en ville n’est pas passée inaperçue. Il y a un attroupement démesuré autour de notre aile.

— Alors, préviens Sigurd, il faudra les contenir.

— À tes ordres.

Plastron sur les épaules, j’attends que mes gardes et courtisanes soient réunies pour gagner la salle de réception. Siloë nous rejoint au moment où les neuf femmes aux visages tatoués, vêtues de robes noires, pénètrent. Sigurd referme les lourdes portes. Elles défont leur capuche pour dévoiler leurs crânes nus. En premier plan, se tiennent les trois esclaves de Njall.

— Bonsoir Dame Hamestia.

— Bonsoir, prêtresses. Que me vaut l’honneur de votre visite ?

— Nous propageons l’histoire de votre affrontement avec le seigneur Njall, en tant que témoignesses de cet évènement. Nous taisons évidemment notre accord, celui-ci pourrait nuire à votre réputation.

— Je vous en remercie. C’est pour me le dire que vous êtes venues ?

— Afin de démêler le vrai du faux, nous sommes venues rencontrer Léa l’Exilée. Mais son cortège vient de revenir de Fort-Littoral. Nous avons donc décidé de vous rencontrer avant, pour vous remercier de nous avoir délivrées. Nous avons été impressionnées par votre maîtrise de la magie noire. Si vous n’avez pas menti, alors l’entente entre notre Duché et l’Empire n’en sera que radieux après votre sacre.

Je me tourne vers Siloë.

— Dis à Chell de nous rejoindre.

Siloë tapote sur son téléphone. Après un long silence de trente secondes, elle m’indique :

— Elle arrive.

Les prêtresses froncent les sourcils, alors je les rassure.

— Patience, Léa arrive. Nous communiquons par la magie rose.

— Nous ne connaissons pas cette magie.

— À chacun son domaine, réplique Siloë qui se retient de pouffer.

Chell et ses courtisanes passent la porte. Sitôt qu’elle voit les prêtresses, elle adopte un pas plus élégant. Elle me sourit :

— Et bien Léna. J’ai ouï dire des rumeurs comme quoi tu n’avais pas su convaincre le seigneur Njall.

— Il ne m’a pas laissée le temps de m’exprimer.

— Je confirme ses dires, indique la prêtresse en inclinant la tête en signe de soumission.

Chell fait la bise à moi, puis à Siloë. Elle s’adresse ensuite à la délégation :

— Pourquoi diantre, venez-vous vous perdre en ce château ?

— Dame Hamestia a évoqué un lien de parenté avec vous. Nous voulions vous rencontrer afin de l’entendre de votre bouche.

— Léna et Siloë sont mes sœurs de cœur. J’ai grandi avec elles. J’ai fait en sorte qu’elles puissent me rejoindre dans ce monde, sans que Njall le sache. Je voulais que ce soit Léna qui se hisse sur le trône à ma place. Enfin au début, c’était surtout une sécurité pour accéder au château. Je ne tiens pas à épouser le fils de ceux qui ont condamné ma famille à l’exil.

— Dame Hamestia nous a dit qu’elle vous redonnerait le Duché si elle était élue.

— C’est vrai ? ! s’ecrie ravie Chell.

— Je te dois au moins ça, réponds-je.

Elle m’envoie un baiser du bout des doigts puis leur dit :

— J’ai toute confiance en Léna. Je vous demande de taire mon retrait tant que je ne l’ai pas officialisé. Avant cela, j’ai à faire entre ces murs pour restaurer l’honneur de ma famille.

— Nous serons toujours fidèle à votre famille, Léa. Soyez rassurée, nous n’aurons de mots que pour faire l’éloge de l’affrontement entre Dame Hamestia et le seigneur Njall. Et nous peindront sa générosité en témoignant de notre libération.

Elles s’inclinent toutes, puis se retire. Les gardes referment les portes. Je me tourne brutalement vers Chell et crache entre mes dents :

— Tu aurais pu me dire qu’il était aussi barré, ton mage ! J’ai failli finir violée et tuée !

— Tu avais la pilule.

— Ouais mais il m’a surprise et j’ai failli l’avaler !

— Désolée.

— Allez, c’est fini. Il y a eu plus de peur que de mal, temporise Siloë.

— Ce n’est pas une petite peur, souligné-je.

Chell baisse le menton, complètement navrée. Siloë se lève et l’invite à se rapprocher de moi.

— Allez, nous sommes sœurs !

— Au fait, élude Chell. J’ai quelque chose pour toi, Siloë.

— Pour moi ?

— Dans mes affaires.

— Allons-y alors. Allez Léna, cesse de repenser à ça. Viens !

J’emboîte le pas de mes deux amies, un peu obligée par le bras de Siloë autour du mien. Nous sommes aussitôt suivies par mes courtisanes. Chell raconte comment elle a appris que j’avais ramené la tête de Njall au bout d’une pique. Elle dit qu’elle n’aurait jamais cru que je puisse le battre, sinon elle m’aurait proposé de le tuer, plutôt que de le rallier. S’il ne m’avait pas fait saigner avec le couteau, je n’aurais pas pu intéragir aussi aisément avec le sang. La douleur a déconcentré le mage noir et m’a permis de prendre le dessus. Elle conclut quand nous arrivons à hauteur de sa garde rapprochée :

— Désormais, ce sera Léna Hamestia, la pourfendeuse de dragons et de mages noirs.

Elle pousse la porte de ses appartements et lorsque nous passons les rideux blancs au centre, elle dévoile une tour faite de bulle en verre. La version réduite de la citadelle des scribes, haut tout de même de trois mètres.

— C’est votre truc de fumette, là ? s’exclame Siloë.

— La version de poche, confirme Chell.

— Ça va être dur d’emmener ça discretos dans mes appartements.

— Si tu veux, on te laisse une petite heure.

— Toute seule ? Restez, on fait tourner.

— Si tu veux, répond Chell.

— Léna ?

Je n’ai aucune envie de mettre dans mon sexe quelque chose qui a trempé dans celui d’une autre. Mais j’ai tellement envie de laisser mon esprit s’évader loin du gore des ténèbres que cède au regard apitoyant de Siloë. J’ordonne aux servantes :

— Les filles, retournez à la suite. Nous vous y retrouvons après.

Mes courtisanes s’éclipsent, et Chell étale les coussins autour du narguilé géant. Je referme consciencieusement les rideaux. Siloë fait tomber sa robe à ses pieds, puis baisse sa culotte.

— Allez ! J’essaie en première !

Chell actionne le fumoir, puis tend l’aiguille à Siloë qui s’installe sur les coussins. Elle nous jette un regard puis s’oblige à rire :

— Arrêtez de me regarder, vous me gênez.

À vrai dire, bien que la nudité ne soit pas nouvelle, la voir s’ouvrir me fait bizarre. D’une main elle écarte ses lèvres et de l’autre elle glisse l’aiguille qui commence à vapoter.

— C’est froid.

Elle grimace pour tourner à l’humour la situation un peu gênante. Très vite, pourtant, son regard se perd dans les limbes de ses fantasmes. Sa poitrine gonfle, son pubis se fonce. C’est étrange de voir sa meilleure amie dans son initimité entière. La bouche entrouverte, elle murmure :

— C’est trop bon votre truc !

— Fais tourner, lui demande Chell qui vient de se dénuder.

Siloë retire l’aiguille fumante de son vagin, puis me regarde.

— À toi.

J’hésite et le fais comprendre par une grimace. Siloë me dit :

— On est entre nous. C’est comme si on faisait tourner un joint.

— C’est parce que t’y tiens.

Je détache ma jupe puis m’assois pour baisser mon tanga. Siloë se dresse sur ses genoux et me souriant d’amusement.

— Attends, je te la mets.

— Fais gaffe à mon hymen.

— Hey, je suis ta poulette, non ?

J’écarte les cuisses et elle ouvre de deux doigts mes reliefs. Ses doigts sont moins intrusifs que les outillages de scribes. Elle retient sa respiration pour glisser doucement l’aiguille tiédit par ses propres sucs. Son pouvoir m’imprègne presqu’aussitôt. Mes fantasmes autour de Sten de dessinent dans mon esprit. Le désir comprime ma respiration dans le plastron. Chell le devine et passe derrière-moi pour l’ouvrir dans le dos. Je lui tends l’aiguille, aussitôt qu’elle s’assoit à côté de moi. Elle pince les lèvres et s’ouvre devant nous, tandis que je me débarasse de mon armure.

— Je suis trop contente de faire ça avec vous, fredonne Chell en tendant le tuyau.

Siloë pâle, transpirante, prend sa seconde dose avec empressement. Le produit semble frelaté, comparé à celui qu’emploient les scribes, car il nous faut plus longtemps. Mais très vite, il me semble sentir l’odeur de Sten, d’avoir ses muscles bandés contre ma peau. Je n’ai aucune envie de résister. Mon esprit lâche prise, loin du terrifiant Njall. Je voudrais même que cela dure une éternité. Chaque fois que je sens le plaisir sur le point d’exploser, je retire la tige métallique ruisselante pour le retarder. Les filles semblent jouer au même jeu. Fiévreuses, la peau perlée de condensation, respirant l’atmosphère embué de la pièce, nous échangeons sans penser à rien qu’au plaisir. Ni aux maladies transmissibles, ni à nos soucis.

Siloë crie la première, et je la regarde jouir avec une certaine satisfaction. C’était la seule chose que je n’avais jamais vu d’elle, ce visage crispé, lèvres retroussées suivi d’un sourire disjoncté. C’est sans décence que je glisse une ultime fois l’aiguille en moi et que je m’allonge pour me laisser aller. J’imagine Sten grogner de jouissance en inondant mon ventre. La félicité m’emporte, mes muscles se contractent et mes soupirs s’évadent librement, jusqu’à ce que Chell vienne retirer l’aiguille. Je tourne la tête vers elle. Les lèvres pincées, elle peine à retenir des couinements nasillards avant de se cambrer avec élégance.

Du pied, elle éteint le narguilé. Nous restons allongées au milieu des coussins. Un peu comme la dernière fois, la sensation de plaisir semble s’envoler comme un rêve factice. Mais il fait bon à rester allongées toutes les trois, dans le silence complet. Après cette séance sans réserve les unes face aux autres, nous ne pouvons plus nier la sororité qui nous lie.

Je ne pense plus du tout à Njall.

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