Les feuilles s’envolent et mon cœur s’arrête de battre une seconde. Juste une seule. Le temps de voir l’ombre de ton visage sur une feuille sèche en train de se briser en deux.

Ma tête me fait mal comme si un étau se resserrait autour de mes tempes dans une pièce vide où mes cris de douleurs écartèlent le silence. Un silence que je rejette. Un silence qui signifie que tu n’es plus là, que ma vie s’est terminée avec toi.

Je suis mort quand ton dernier souffle a soulevé les mèches blondes de maman.

Elle t’a caressée les cheveux, mais tu ne sentais déjà plus rien. Des larmes aux allures de poignards se sont abattus en cascade sur ton visage qui paraissait plongé dans un sommeil profond dont tu ne reviendrais jamais.

L’écho des bruits, des infirmiers m’est arrivé au ralenti. Tout était du coton. Tout était du vide. Et je t’ai presque vue devant moi m’offrir un dernier signe d’adieu.

Puis le mirage s’est effacé, mon cœur s’est accéléré, ramené à la vie par le hurlement de maman.

Quand on donne la vie, quand on s’investit pour qu’elle dure le plus longtemps possible, on n’imagine pas la voir s’en aller. Je me demande encore comment maman a pu survivre à ta disparition.

Papa n’existe plus depuis ma naissance. Ses épaules absentes ne sont d’aucune utilité à maman pour s’y appuyer. Seuls le courage et la force de vivre font office de jambes de bois amochées, réparées avec de la résine bon marché.

Petite sœur, j’ai le regret de ne pouvoir t’avoir vue grandir davantage. Tu avais tant à enregistrer, à connaître.

J’aimerais me réveiller, admirer mon cauchemar s’illuminer et tes ailes d’anges se déployer derrière ton sourire.

Mais quand je vais dans ta chambre, seules les ténèbres m’envahissent. Et le vide prend trop de place.

Heureusement, tu as toujours ta place dans mon cœur.

Rassure-toi, tu auras ta chambre éternellement entre deux battements. Entre deux pensées pour toi.