Le pendule
_«Tu as vu?»
_«Non, quoi?»
Je tiens un livre que j'ai récupéré à la bibliothèque du collège. Allongée sur le ventre, je bouquine dans mon lit histoire de faire passer le temps. Ma sœur est en face de moi, assise à son bureau, studieuse. Je lui tends la page qui m'interpelle.
_«Tu connais les pendules?»
_«Pffff quelle question!!»
_«Nan, pas celles pour lire l'heure!!! Le Pendule! Celui qui te répond à n'importe quelle question!»
«_Ha oui....»
_«Il paraît qu'il dit la vérité et qu'il ne se trompe jamais!» insistais-je en voyant que, comme d'habitude, nos centres d'intérêts et notre pseudo-complicité s'éloignaient.
_«Tu crois que ça peut marcher avec n'importe quoi?» reprenais-je.
_«Je sais pas, j'ai jamais essayé...»
Comme tous les mercredis après-midi ma sœur était plongée dans ses devoirs et ses leçons. Les cours tout juste terminés, le repas avalé, elle se précipitait sur sa plus grande passion: l'école.
Moi ça me dressait les poils sur le dos et de la voir aimer ça, me plongeait dans une incompréhension la plus totale mais essentiellement dans une admiration des plus moqueuses. Bien plus tard je compris que c'était une échappatoire.
Ce que je redoutais le plus par dessus tout, c'était le premier jour des vacances. Ma sœur adorait jouer à la maîtresse et dans l'histoire j'étais forcément l'élève, la mauvaise élève. Peu importait lesquelles d'ailleurs, Toussaint, Noël, Pâques. Les grandes d'été j'y échappais un peu ou disons que, c'était moins concentré sur une petite période. Au final, j'étais obligée d'y passer quand même avec en prime les cahiers de vacances!
Il fallait bien s'accrocher à quelque chose; Céline c'était les études.
Je réfléchis un moment. Je me levai pour fouiller toute notre chambre, les tiroirs du bureau, dans ma grotte, rien. Le tour était vite fait, notre chambre était plus que modeste en objets de décoration ou même en meubles. Rien qui pouvait faire office de pendule....Je retournai bredouille sur mon lit.
Si! Ma chaîne de baptême!
Je me redresse, me tiens en petit tailleur sur mon lit dos à ma sœur. Je la détache de mon cou et la referme. Je la tiens désormais par les deux extrémités liées entre le pouce et l'index de ma main droite. Je glisse enfin mon autre main dessous la médaille, paume vers le haut laissant deux centimètres entre elle et la vierge Marie, qui se balance tranquillement pour finalement s'immobiliser.
_«Et qu'est ce que tu vas lui demander à ton pendule?» Me demande ma sœur sur un ton ironique. Je distingue tout de même dans son intonation sa curiosité à se frayer un chemin.
_«Déjà, ils disent qu'il faut déterminer le «oui» du «non» avec des questions dont tu es sûr de la réponse. Genre: «Est ce que je suis une fille?»
Ma sœur s’esclaffe!
_«Avant ou après ta nouvelle coupe de cheveux?» Me nargue t'elle.
Très drôle....Nous sommes mercredi et l'après-midi des règlements de comptes entre sœurs va certainement commencer. Un jour normal je me serais jetée sur elle, poings en avant et je lui aurais mis une bonne raclée.
Je ne relève cependant pas son attaque et laisse la hache sous terre. Trop impatiente de connaître enfin les réponses à mes questions, je continue à me concentrer sur mon pendule de fortune.
Il me semblait tenir entre mes mains la solution à nos problèmes, la porte ouverte à un avenir moins noir, à un avenir tout simplement. Mais la crainte aussi de ne pas avoir les bonnes réponses freinait mon enthousiasme et le doute s'installa...
Et si ce qu'il allait me révéler était encore pire que maintenant?
Et si je ne formulais pas bien ma question?
Et si il ne me répondait pas oui lorsque j'allais lui demander si l'autre allait bientôt mourir?
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