Je me souviens, souvent, ça revient.

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La porte s'est ouverte et je l'ai vu. Un sourire tellement puissant, tellement large, des cheveux noirs bouclés tout autour de son beau visage. Des yeux marron qui souriaient tout autant. J'ai été immédiatement subjuguée. Je me souviens avoir pensé : "il sera mon mari et le père de mes enfants". Nous avons commencé à danser, il était en premier et je n'étais pas derrière lui. Mais je ne le quittai pas des yeux. Il ne dansait pas comme les autres, il glissait sur le parquet, dans ses mocassins marrons. Il était dans un jogging gris sans forme et dans un tee-shirt jaune élimé, mais cela m'était complètement égal, il dégageait quelque chose de follement attirant. A la fin, je m'approchai de lui et je lui demandai de m'apprendre à valser, ce qu'il fit avec un naturel incroyable.

De semaines en semaines, de mois en mois, nous nous rapprochâmes, il était si gentil, si attentionné, jamais de mauvaise humeur, toujours souriant. Il faisait pas mal de balades en montagnes, il avait quitté sa Bretagne de bord de mer pour venir au pays du Mont Blanc, et il s'était glissé dans le costume savoyard si facilement. La première fois où je le vis dans la tenue : pantalon noir, gilet noir, chemise blanche, souliers noirs à lacet, le chapeau noir sur la tête, la montre au gousset dans la poche, je suis définitivement tombée amoureuse. Il était gentil et respectueux; se tenant à distance correcte de moi, me parlait, m'entraînait dans une valse ou une mazurka, il me guidait avec douceur, et je ressens encore la chaleur de sa main sur mon bras. Il était si attentionné, et il dansait si bien. Avec lui, je ne dansais pas, j'étais dans une bulle, au-dessus du sol.

Nous avons dansé, dansé, dansé, tellement dansé, que nous nous sommes rapprochés. J'ai eu 18 ans, il me souhaita un joyeux anniversaire. Je suis née le jour de la Saint Valentin, et lui le jour d'après. C'est le 31 mai qu'il osa déposer, pour la première fois, un baiser sur mes joues, il était tout timide, il n'osait pas, nous nous baladions sur le marché, et quand je laissai tomber ma main, frôlant la sienne, il osa serrer la mienne. Mon coeur rata un ou deux battements dans ma poitrine, chaque geste, chaque attention de sa part était pur bonheur pour moi. Et son sourire qui se posait sur moi, j'étais si heureuse.

Il m'accompagna à Chambéry, j'allais y passer trois longues années, j'avais le projet de devenir institutrice. Il me soutenait, me réconfortait, me tenait compagnie chaque fois qu'il le pouvait, il m'écrivait, me téléphonait, m'emmenait danser chaque fois que c'était possible. Et moi je voulais réussir, je voulais l'épouser, faire ma vie avec lui. Et lui, sage, responsable et raisonnable, me disait : "passe ton concours et après on verra". Ce fut la meilleure motivation et je décrochai mon concours en juin 2001. Nous étions mariés depuis un an et je tombai enceinte en août 2001. Je n'oublierai jamais chaque seconde de cette journée du 12 août où je suis devenue son épouse : j'étais sa partenaire, son amie et je suis devenue sa femme. C'était magique.

Nous avons trois enfants, que j'élève seule depuis 2009, date à laquelle la maladie nous l'a enlevé. Je porte toujours son alliance, son souvenir ne me quitte pas, c'est si fort ce que j'ai vécu avec cet homme, il était mon prince, mon cavalier, mon partenaire, mon ami, il a fait tourbillonner mes jeunes années. C'était au delà de la danse, au delà de la vie, c'était si fort.

Il aurait pu me dire non, il aurait pu me tourner le dos, il aurait pu avoir peur de nos 23 ans d'écart, il aurait pu avoir peur d'être un papa sur le tard, il a été exceptionnel, un papa tellement présent, tellement immense dans son amour, tellement tendre, tellement désarmant quand il essayait de faire les gros yeux et qu'il finissait par pouffer de rire, ce qui m'agaçait. Il se levait la nuit pour rester à côté de moi et me regarder nourrir chacun de nos trois enfants, il passait ses bras sous l'eau chaude pour aller câliner ses enfants, il apprenait les comptines pour les chanter avec eux, il a été un papa extraordinaire. Il a laissé un souvenir très fort chez les deux plus grands, et une énorme quantité d'amour et de gestes tendres à la plus petite, qui n'avait que 2 ans quand il a disparu de nos vies. Il lui a laissé un magnétisme d'amour, une chaleur inexplicable, et des lueurs d'espoir dans les yeux.

Je les accompagne sur le chemin de la vie, guidée par une étoile si puissamment brillante au-dessus de moi. Je l'ai tant aimé, je continue de l'aimer, c'est si fort. Il est une partie de moi, il fait partie de moi.

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