Je ne sais pas

3 minutes de lecture

" Le courage ou la prière ?"

L'officier avait peu prié dans sa vie.

Contrairement à l'homme assis en face de lui.

" Je ne sais pas, officier, je ne sais pas. Je ne sais pas, mon Dieu... Je ne sais pas..."

Cette litanie de "je ne sais pas" agaçait l'officier chargé des interrogatoires. Il leva simplement la main et l'homme se tut, livide.

" J'ai compris. Vous ne savez pas. Mais rassurez-vous ! Il y a toujours des choses que nous savons, sans le savoir."

Un sourire doux et bienveillant.

L'officier avait un si joli sourire et de si jolis yeux.

Il fit naître un sourire sur les lèvres de l'homme interrogé.

" Peut-être... Je ne sais pas."

Une simple crispation dans le sourcil attestait de l'agacement de l'officier. Au prochain "je ne sais pas", il allait cogner l'homme à en faire couler le sang.

Mais cela ne se voyait pas dans le sourire.

" Je vais vous expliquer, fit simplement l'officier en se penchant en avant, comme s'il voulait se rapprocher de l'homme et nouer avec lui une relation de complicité.

Cela allait si bien avec le sourire agréable et les yeux si sympathiques.

On se sentait en confiance.

L'homme souriait maintenant, pleinement rassuré.

" Je vous écoute, monsieur.

- Voilà. Vous avez été capturé dans la forêt de XXXX. Vous possédiez une arme, interdite selon la loi 232-34. Vous n'avez pas été très clair lors de votre arrestation."

C'était tout.

L'officier se recula et se plaça contre le dossier de son fauteuil.

Il attendait, confiant.

L'homme souriait toujours et répondit tout aussi simplement :

" Je chassais, monsieur. Dans ces montagnes, il y a du gibier et la vie est dure, monsieur. Alors, je chassais. Le lapin, monsieur. Peut-être les oiseaux. Mais c'est dur à tuer, un oiseau. Mais peut-être que vous chassez, monsieur ?"

L'officier hocha la tête et essaya de rester calme.

Oui, il chassait...l'homme...

" Je ne chasse plus, répondit l'officier. Je n'ai plus le temps et c'est interdit."

Petite admonestation.

L'homme s'effraya et perdit son sourire.

L'officier balaya l'argument de la main et lança :

" Je comprends. La situation n'est pas facile. Donc vous chassiez ?

- Oui, monsieur. Je suis désolé, je ne savais pas, je chassais... Je..."

La main de l'officier se crispa.

Un bref instant. Le temps d'un battement de cils.

" Qu'avez-vous vu dans les montagnes ?"

L'homme se lança dans une explication détaillée et alambiquée de la faune des montagnes.

L'officier supporta tout cela avec une patience d'ange.

" Des chamois ?

- Oui, monsieur !, reprit l'homme avec entrain. La montagne est pleine de bouquetins et de chamois. Des bêtes difficiles à tuer.

- Et des loups ?

- Je tue quelques loups. Ce sont des saloperies, monsieur.

- Sans nul doute."

Et l'homme expliqua encore et encore la faune et les prédateurs, les moutons tués par les loups.

Il en devenait éloquent.

" Pas d'hommes ?"

Un silence.

" Je ne sais pas. Je..."

La gifle prit l'homme par surprise.

L'officier se frotta les phalanges et souffla :

" C'était de trop. Donc pas d'homme dans les montagnes ?

- Je..."

L'officier ne souriait plus, ses yeux brillèrent de haine.

L'homme chercha tout à coup ses mots.

" Je...ne crois pas... Je n'ai pas vu d'hommes.

- Ou de femmes ?

- Je ne sais pas."

Erreur !

Une nouvelle gifle.

Cette fois, la lèvre était fendue.

L'homme eut peur.

" Des hommes dans la montagne ? Nous vous avons capturé avec une arme et une carte de la région sur vous. Une boussole. Pour la chasse toujours ?

- Oui, monsieur."

Lentement, l'officier déposa devant l'homme des autorisations de circulation truquées.

" Je suppose que c'est pour les lapins...ou les loups..."

L'officier eut de nouveau son joli sourire qui faisait plisser ses jolis yeux.

L'homme murmura :

" Je ne sais pas."

Mal lui en prit.

L'officier avait le visage maculé de sang. C'était rare de le voir ainsi.

Mais il fallait dire qu'il cherchait désespérement la piste de sa louve.

Perdue dans les montagnes.

Sans doute aux mains des terroristes.

Le passeur avait parlé, hurlé, parlé, avoué, parlé...pleuré...imploré...et parlé...

Le supérieur de l'officier fut content de son travail, comme souvent.

Des pistes.

Des noms.

Des maquis à démanteler.

Mais rien sur l'officier XXXX.

Evanouie dans la neige des montagnes.

Mais il fallait garder l'espoir !

Annotations

Vous aimez lire Gabrielle du Plessis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0