Les Pics Jumeaux

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Mes amis, asseyez vous autour du feu et venez écoutez l'histoire que ce Skald a à vous raconter. Laissez-moi vous raconter l'histoire de la naissance de ce que nous connaissons aujourd'hui comme Les Pics Jumeaux.

Notre histoire commence en un soir d'hiver semblable à celui-ci. Traversant comme à son habitude les montagnes enneigées du Nord, celui qui portait le nom du premier homme et du dernier des dieux, entendit une voix sur la terre des ravins. Une voix lointaine et faible, une voix qui appelait à l'aide. Intrigué, Askr, retourna le trône d'Iði, il pelleta la neige à la force de ses bras utilisant son bouclier pour toute pelle. Pas une pierre ni un seul flocon de neige ne furent laissé tranquille. Mais malgré tout ses efforts, la voix était toujours là, et si auparavant elle n'était que faible, elle était maintenant emplie de sanglots.

"Que quelqu'un vienne m'aider ! Je vous en prie ! Je suis pris au piège... Maman... J'ai peur..."
Cette supplique déchira le cœur d'Askr qui se mit en tête de sortir cet enfant de son tourment. Il parcourut la terre des loups en long, en large et en travers. Il n'y avait pas la moindre trace d'une grotte. Qu'importe où il cherchait, il ne pouvait voir que neige, roches et arbres, pas un seul enfant.

Il ne comprenait pas, la source de ces larmes se cachait-elle au cœur même de la montagne ? Se creusant la cervelle pour trouver une solution, Askr déposa au sol son bouclier et s'assit dessus. Comment cette personne avait elle pus se trouver ici ? Comment avait-elle pu atterrir dans une telle situation ? Cela n'avait aucun sens. Le temps pressait. Combien de temps cette personne avait-elle passé en cet endroit insolite ?

Malgré son désespoir, Askr s'esclaffant, riant aussi fort que ses poumons le lui permettaient.


" Ne t'en fais pas petit ! Je suis là ! Je vais te sortir de ton piège ! Tu vas bientôt retrouver ta maman!"

Pas de réponse. Mais il continua de parler, et de rire, il le fallait bien, cet enfant avait besoin d'être rassuré, et quelque part, rire lui faisait également du bien.

Ne trouvant pas la moindre solution. Askr se résolut à une dernière tentative. S'il n'y avait pas d'entrée, il la créerait. Dans un hurlement furieux, le voyageur du Nord planta l'arme dans l'épiderme rocheux du chemin des Jötunn. La force de l'impact fut tel que la montagne toute entière en frémit et une crevasse assez large pour y passer ses deux mains se forma. Et ce rire, destiné à rassurer l'enfant, devint finalement sincère.

Il y avait une solution, il pouvait agir, il pouvait sauver l'enfant. Askr planta ses deux mains dans l'ouverture créée par sa hache, puis il prit une longue respiration avant de serrer les dents. Notre héros employa toute sa force dans une tâche insensée et qui pourtant, lui semblait parfaitement à sa portée.

Sous sa force, la roche cédait, il pouvait sentir que son effort portait ses fruits. La puissance implacable de l'homme faisait plier la montagne. Mais il semblait que ceci ne soit pas du goût de tous.

S'extirpant de la fissure, une ombre noire apparut devant l'homme. Face à lui, se forma une bête sortie des pires cauchemars du plus turbulent des enfants. S'arrachaient de son crâne deux cornes courbées vers l'arrière de celui-ci. Ses yeux étaient semblables aux flammes qui animent le feu autour duquel nous sommes assis, ignescent, et furieux. Éclipsant toute lumière qui aurait l'espoir futile de traverser les nuages, la masse imposante de la bête couverte d'ombres et de ténèbres se dressait face à Askr. Dans son dos, ses deux ailes ne semblaient pas connaître de fin, elles s'étendaient d'un flanc de la montagne à l'autre et l'enveloppaient dans un drap de noirceur.

- Qui vient troubler le sommeil du fils de la flamme ?

Askr, bien qu'impressionné par l'imposante figure qui se dressait devant lui, ne recula pas d'un pas. Il se saisit de sa hache et de son bouclier, prêt à combattre l'être d'ombre.

- Mon nom est Askr, Fils de Freyja, et je vous retourne la question, qu'êtes vous, démon ?

Sûr de son invincibilité, le démon éclata de rire. Ce simple mortel se pensait assez puissant pour le vaincre. Lui, qui se faisait nommer Fils de Freyja, rejoindrait bientôt sa mère au Folkvangr. Dans chacune des paumes de la bête apparurent comme deux longues lames de flammes et d'ombre. De ces lames émanait la chaleur de mille brasiers, chacune d'entre elles semblait dévorer la lumière aux alentours. Le jour bien que déjà sombre se drapa de ténèbres et rapidement, le jour se changea en nuit.

- Je suis la nuit, la flamme, l'ombre et la mort. Que comptez-vous faire avec ce jouet risible mortel ?

Loin de se dégonfler, Askr répondit avec un rire puissant qui fit écho à travers la montagne.

- En ce jour, cette montagne sera votre tombeau ! Je vous renverrais dans les flammes qui vous ont donné la vie !

Et ce furent les derniers mots qu'ils échangèrent.

Sa hache Hraustligr, et son bouclier Froekn en main, Askr se lança à corps perdu dans la bataille. D'un revers de la main, la bête de flamme et d'ombre le balaya sans le moindre effort. Il ne prenait pas au sérieux cet affrontement, et cela se comprenait. Sa force éclipsait aisément celle du guerrier Norrois et de par son âge, il avait accumulé bien plus d'expérience. Askr était dans une impasse, comment venir à bout de cet adversaire qui le dépassait en tout point ? Il n'avait qu'une seule solution. Donner toute sa force dans ce duel et prier les dieux que cela suffit.

L'affrontement dura de longues journées, Askr se démenait, mais n'arrivait à rien, le démon était bien trop puissant. Agacée par l'opiniâtreté du combattant, la bête passa à l'offensive. Ses deux lames s'abattirent ensemble sur le bouclier du guerrier. Celui-ci bloqua l'attaque, ou en tout cas en réduit l'impact, mais ce n'était pas fini. La bête prit une longue inspiration, et fit s'abattre sur l'homme un souffle de flammes infernales. Serrant les dents et luttant contre les brûlures, Askr repoussa la bête à la force de ses bras. Surpris par le regain d'énergie de son opposant, le monstre recula de quelques pas.

- De quoi est-il fait ? Se demanda le monstre avant de charger.


Askr évita les assauts de la bête avec maestria et semblait le guider quelque part. Mais courroucé par cette danse, le monstre ne fit que frapper à l'aveugle sans prêter attention à l'environnement. Cette erreur fut sa dernière. Le pied du monstre s'enfonça dans la crevasse qu'Askr avait creusée auparavant. Déséquilibrée et bloquée, la bête tituba, et c'est à ce moment-là que le guerrier reprit l'assaut. Lâchant son bouclier et saisissant de ses deux mains le manche de sa hache, Askr bondit en direction du monstre. Hraustligr vint se fracasser contre la peau de la bête. L'impact fut si puissant, que la hache fendit les flammes et vint se ficher au plus profond de son cœur. Lâchant l'arme, le guerrier chuta au sol, devant la créature qui convulsait. Sentant que son heure avait sonné, le démon s'esclaffa, il avait été vaincu, mais il ne serait pas le seul à mourir. De son abdomen s'échappa de larges gerbes de flammes qui se transformèrent rapidement en une puissante déflagration qui engloutit Askr et la montagne. Le torrent ignescent calcina la terre, défigurant la montagne. Le mont autrefois enneigé était à présent aride, sa terre brûlée, il ne restait que cendre et désolation. Plantée dans le sol, la hache était toujours là comme testament de cette bataille acharnée. Et quelques mètres plus loin, le bouclier était toujours là, sur la terre brûlée. Pas un signe de vie, Askr avait disparu avec les flammes.

La terre se mit à trembler... Ou en tout cas cela y ressemblait. Il ne semblait pas que ce soit le cas, et pourtant, le bouclier s'animait. Enfin, il se leva, révélant Askr. Pressentant le désastre qui arrivait, le Norrois se fraya un chemin à travers la colonne d'Ymir et s'y réfugia, évitant de justesse le cataclysme.

Alors qu'il posait les yeux sur la montagne, il vit le spectacle désolant causé par la mort du démon. Il faudrait du temps à la terre pour revenir à la vie. Là où le monstre avait rendu son dernier soupir gisait sur la terre carbonisée, un large tas de cendre.

- Le Muspelheim vous attend, démon. Et vous irez seul, je m'en vais aider la pauvre âme bloquée dans la montagne.

Malgré ses mots, le combat avait eu son effet sur Askr. Il était à bout de force, ses bras et ses jambes le faisaient souffrir. Il avait le sentiment d'avoir mis à mort Surt lui-même. Bien qu'il eût évité la mort, les flammes l'avaient sévèrement atteint. La moitié de son corps avait été la victime du souffle infernal de la bête. Dans ses veines, son sang lui donnait l'impression de bouillir, la bête était morte, mais il avait encore le sentiment de la combattre. La douleur était insupportable, mais il n'avait pas le choix, elle ne s'en irait pas avant de longs jours. Qui plus est, il n'avait pas le temps d'attendre.

La voix se fit à nouveau entendre.

- Monsieur ?! Vous allez bien ?! J'ai entendu une explosion ! Tout va bien ?!

- Tout va bien mon grand, ne t'en fait pas, je viens te sortir de là, répondit Askr en riant de bon cœur.

Il faisait bonne figure, mais son corps avait été mis à rude épreuve et il s'apprêtait à l'être plus encore.

Le défi qui l'attendait n'avait pas à rougir devant celui qu'il venait de relever.

Repoussant au loin la cendre qui couvrait la crevasse ayant causé la défaite du démon, Askr se baissa. Elle avait été creusée plus profondément encore par l'explosion, dans son malheur, il avait eu de la chance. Respirant à pleins poumons, Askr serra les dents et plongea ses deux mains dans le trou. Il savait ce qu'il avait à faire, mais il ignorait s'il en était capable.

C'est après une dernière longue inspiration, qu'il se mit au travail. Employant le reste de vigueur dont ses muscles fatigués disposaient. Askr se mit à lentement, mais sûrement, approfondir la crevasse. Sous son effort herculéen, il pouvait voir la montagne se sépârer doucement. Ses muscles se déchiraient, ses dents se brisaient, de son nez et de sa bouche s'écoulait un flot ininterrompu de sang, l'effort qu'il demandait à son corps était bien trop grand. Mais il ne pouvait pas s'arrêter. Ignorant les signaux de danger envoyés par chacune de ses molécules, Askr s'acharnait. "Le jeu en vaut la chandelle, pensait-il". Et rapidement, il put voir que ses efforts n'étaient pas vains.

Au cœur des roches qui se séparaient, une tignasse rousse se fit voir. Il s'agissait d'une fillette, elle ne devait pas avoir beaucoup plus de sept ans. Askr crut voir une poupée. Cette vision lui donna la force de terminer son œuvre. Dans un profond cri, il sépara enfin la montagne avec une force telle, que des dizaines de mètres séparaient maintenant les deux Pics. Sa mission était une réussite, la fillette était libre. Mais lui, était à bout de force. Il chut sur le sol encore chaud du nouveau Pic.

À son réveil, plusieurs mois, plus tard, un long pont reliait ce que les gens avaient renommé Les Pics Jumeaux. Et au bout de chacun de ces ponts se trouvaient un Temple commémorant la défaite du démon de la montagne.

En ce jour, Askr devint un héros, une légende.

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