Mystère 1: Un tracteur nommé Christine - partie 7

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Cet après midi là, Alex eu la surprise de trouver Cannelle assise dans sa salle d’attente. Comme il s’en doutait, elle était, selon ses critères, on ne peut plus classique physiquement.

— Je suis journaliste locale, annonça-t-elle une fois dans son cabinet, et je souhaiterai faire un article pour te présenter à la population.

— Très bonne idée, de cette manière je ferais un peu moins peur à ces sauvages.

Ces mots lâchés, il se mordit la lèvre supérieure, conscient que ce n’était pas des choses à dire… Devant une journaliste.

— J’ai parlé tout haut là ? demanda t-il.

La jeune fille, un brin agacée, répondit positivement de la tête, mais alors qu’elle allait commencer l’interview, le capitaine Enizan entra dans le cabinet, suivi de Marie, affolée.

— Je suis désolée docteur, je lui ai dit d’attendre mais il n’a rien voulu savoir.

— Ce n’est rien Marie, merci, lui répondit-il en la raccompagnant vers la sortie.

Cette dernière obtempéra, non sans jeter un regard froid à Cannelle, un peu trop proche d’Alexandre à son goût.

Sans détour, le capitaine demanda au médecin de le suivre chez les Vaillant. Il devait interroger la femme du défunt et craignait pour son état de santé. Alex accepta de le suivre, même s’il n’appréciait pas sa façon de faire. Cannelle, quant à elle, s’invita aussi à leur sortie et les suivie en moto pendant que les deux hommes roulaient dans la voiture de patrouille.

— Pourquoi avoir refusé qu’elle ne monte avec nous ? s’étonna Alex.

— Tout simplement parce que j’avais à vous parlez seul à seul, répondit le gendarme. Bon allez, je me lance. Dites moi franchement, j’étais bon hier soir ? Je peux tout entendre vous savez.

Alexandre blêmit de gêne. D’un naturel franc et avec peu de barrières, il s’agissait cette fois d’un gendarme, un capitaine qui plus est. Il serait toujours bon de l’avoir de son côté.

— Ah ben honnêtement, pour moi, c’était du jamais vu, fini t-il par lâcher.

— Vous êtes sérieux ? insista l’homme de loi, ivre de joie.

— Je vous jure que je n’en croyais pas mes yeux.

— La semaine prochaine, je me transforme en Louis de Funès. J’espère que vous aimerez aussi, minauda le capitaine.

Note pour plus tard : trouver une excuse pour ne pas y aller !

— Pour revenir à notre affaire, avez-vous entendu l’histoire du concours de tracteurs et de l’entreprise Biostat ? reprit Alex pour changer de sujet.

— Biostat, quoi ?

— Eh bien j’ai entendu dire que Monsieur Vaillant avait demandé à sa fille de booster son tracteur avec la technologie Biostat, ce qui n’aurait pas plu à son voisin.

— Monsieur Berge ?

— Je ne connais pas son nom mais c’est bizarre, non ?

— Oui. Nous pourrons lui rendre une petite visite au passage, consenti Ambroise.

Ils s’engagèrent ensuite sur le chemin les conduisant à la ferme des Vaillant. Derrière eux, la moto de Cannelle était quasiment submergée des vagues de poussières soulevées par leur voiture.

Il régnait sur les lieux un lourd silence. Seul le cri des bêtes, de temps à autre, rompait le deuil. Le capitaine sonna à la porte mais personne n’ouvrit. Ils firent donc le tour de la maison pour arriver dans le jardin où mère et fille étaient assises dans l’herbe, près d’un parterre de fleurs flânées. À l’arrivée des trois visiteurs, la mère se leva, vint à leur rencontre et les invita à entrer dans la maison, pendant que sa fille restait immobile.

— Puis-je vous proposez quelque chose à boire ? demanda-t-elle en entrant dans la cuisine.

— Non merci, nous sommes venus te parler et voir comment tu vas depuis l’accident, répondit Ambroise.

— Je fais aller, heureusement que Dorothée, ma fille, est venue me soutenir à la ferme. Elle a prit un congé pour cela.

— Votre fille travaille à Biostat c’est bien cela ? interrogea Alex pendant que Cannelle notait tout dans un petit calepin.

— Vous êtes bien renseigné. D’ailleurs, elle aidait mon mari pour la course de tracteur. Cela les avait soudés.

— À ce propos, Monsieur Berge est le grand gagnant chaque année, cela ne l’embêtait pas trop ? questionna le gendarme.

— C’est à lui qu’il faudrait demander, ne croyez vous pas ? intervint Dorothée.

Son arrivée impromptue dans la pièce et le ton agressif qu’elle avait employé coupèrent court à la conversation. Le capitaine connaissait la famille et ne voulait pas leur faire subir de nouveaux chocs, alors, il fit signe à ses compagnons pour qu’ils écourtent leur visite.

— Et bien, c’est ce que nous allons faire de ce pas. Nous vous remercions …de votre accueil, dit il avant de sortir, suivit de près par Alex et Cannelle, beaucoup moins conciliants que lui.

— Vous ne seriez pas des amies du capitaine, je jurerais que vous avez quelque chose à cacher, pointa la jeune journaliste d’un air suspicieux.

Cette réflexion piqua Dorothée au vif mais sa mère lui prit le bras afin de lui faire comprendre qu’elle ne devait pas répondre à la provocation. Et c’est sur cette dernière phrase que le capitaine, Alex et Cannelle retraversèrent le jardin. Le médecin s’arrêta soudain à l’endroit où les deux femmes étaient assises à leur arrivée : les fleurs, fanées quelques minutes plus tôt, étaient redevenues florissantes. Il se contenta alors de regarder Cannelle qui l’avait aussi remarqué. Elle sortit son smart phone, prit un cliché, puis, dans le silence, ils regagnèrent leurs véhicules.

À moins d’un kilomètre de là, se tenait l’exploitation des Berge, ils étaient spécialisés dans la volaille, mais possédaient aussi des terres. En longeant un champ de blé, Alex remarqua deux moissonneuses batteuses à l’arrêt.

Impressionnant comme engin, pensa t-il.

La voiture de patrouille s’arrêta devant l’entrée d’un hangar d’où provenaient les cris stridents de volatiles. Un homme, ou plutôt une armoire à glace, sortit alors et se dirigea vers eux d’un pas décidé. Son visage était ridé, très froid et n’avait pas l’air commode. La fourche qu’il tenait fermement dans sa main jouait beaucoup sur cette impression aussi.

— C’est pour quoi Cap’tain ? lança t-il à Ambroise sans plus de mise en forme.

— Je crois que vous le savez, non ?

— Ouais, le père Vaillant ? Mais là j’ai d’autres chats à fouetter, alors vous dégagez.

Alex et Cannelle, qui n’étaient pourtant pas à cheval sur le protocole, furent choqués par sa façon de réagir face à un représentant de la loi mais appréhendaient surtout la réaction du capitaine.

— Je vous demande pardon? Je n’ai pas bien entendu, feignit Ambroise en bombant le torse.

— Foutez le camp, j’ai des camions qui arrivent dans une heure, je n’ai pas le temps de caqueter avec vous. Vous avez des questions sur la mort de Vaillant ? Et bien voilà ma réponse : oui je suis bien content et non je n’ai rien d’autre à ajouter. Maintenant flicaille ou pas…Dehors !

Flicaille ? Sans déconner, ça se dit encore ?

— Bon Monsieur Berge, je crois que vous allez me suivre au poste pour que l’on discute calmement.

Le capitaine Enizan restait courtois, mais il perdait à chaque seconde un peu plus de son sang froid. Soudain, une voix roque derrière l’agriculteur surprit tout le monde. C’était l’aide de Monsieur Berge qui, inquiet de ne pas le voir revenir, était lui aussi sortit du hangar.

— Je fais quoi là, patron? demanda l’homme tout en s’approchant.

Le concerné se retourna et le regard qu’il lança à son aide fut apparemment si glacial que ce dernier s’arrêta net et s’adossa sans un mot à l’utilitaire garé le long du hangar. Son déplacement avait distrait l’assemblée, à l’exception de Monsieur Berge, qui prit de l’élan pour frapper le capitaine au visage avec le manche de sa fourche. Ce dernier s’effondra sous les regards médusés d’Alex et Cannelle. Pendant ce temps, l’aide c’était saisit d’un fusil posé dans l’utilitaire et tira au sol. Le docteur et la journaliste se précipitèrent dans le champ de céréales derrière eux aussi vite qu’ils purent, alors que l’aide cherchait de nouvelles munitions dans la boite à gants du véhicule. Le blé était si haut qu’il était difficile de courir. Ils trébuchaient régulièrement mais sans jamais se retourner, Cannelle à l’avant et Alex derrière.

— Putain de saloperie de campagne de merde !!! hurla Alex tout en reprenant son souffle.

Mais la jeune fille ne pouvait pas l’entendre, son cœur battait trop vite et ce battement résonnait si fort dans ses oreilles qu’il camouflait tout le reste. Elle s’arrêta brusquement pour regarder derrière elle. Au premier plan, Alex reprenait son souffle avec mal.

Ah, t’as les fesses qui font bravo là hein, ptit con ! pensa-t-elle avant d’apercevoir l’aide de l’agriculteur se ruer dans le champ l’arme à la main.

Bizarrement, son patron l’arrêta et lui fit signe de revenir, ce qu’il fit tout de suite. Berge bougea ensuite ses mains sans que cela ait vraiment de sens. Cannelle l’observa ainsi quelques secondes, intriguée, jusqu’à ce que les cris d’Alex et surtout sa fuite vers un homme armé, ne l’alerte d’un danger. Elle se retourna alors et vit deux moissonneuses batteuses se diriger vers elle à vive allure. Alex et elle tentèrent de se séparer afin de ne plus être dans la trajectoire des engins mais ces derniers les suivaient, comme téléguidés. De l’autre côté du champ, Berge gesticulait toujours des bras, un sourire sadique aux lèvres, pendant que son aide pointait le fusil vers Alex.

Alors que Cannelle allait s’arrêter de courir, une détonation retentit. L’aide venait d’être touchait au bras et tomba au sol. Berge se retourna alors vers son agresseur et les machines s’arrêtèrent instantanément. C’était madame Vaillant, accompagnée de sa fille, qui alertée par les cris, était venue le fusil au poing et n’avait pas hésitée à tirer.

Alex et Cannelle arrivaient à leur niveau lorsque la femme fit feu une seconde fois et abattu Monsieur Berge d’une balle dans la tête.

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