29,05,21 et 30,05,21 : LE GRENIER, SOUVENIRS AU REBUT

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Le grenier si dense, plein de ces souvenirs mis au rebut, déposés là, en attendant.

En attendant quoi ? Je ne sais pas. Ces objets qu'on a oubliés sous le toit.

Porosité de la mémoire...

L'enfant est mort au berceau. Ce berceau abandonné ici, avec la peine et la colère contre la vie, contre la mort... La chaise de Mémée, restée vide, longtemps, près de la cheminée. Ces objets ont une âme et parfois se rappellent à nous. Grincement, frottement, coups et déplacements, un courant d'air glacé ou trop chaud.
Ce grenier est plein de morts et plein de vie.

De petites souris ont fait leur nid sous le plancher, avec les cheveux d'une vieille poupée livrée aux aléas du temps et quelques plumes échappées d'un oreiller.

Vit aussi ici, en paix, l'araignée dont les toiles se mêlent à ce voile de mariée qui flotte les jours de grand vent. Je la vois certains soirs, la pauvre Isidoreta, pâle et désolée. Elle aimait Irénée, mais elle a épousé Amédée. Et elle a étouffé de chagrin d'avoir obéi à ses parents.

Je les connais tous. Ils viennent me parler quand je m'installe dans l'antique fauteuil, navire ancré dans ce lieu étonné. D'abord je les ai ressentis. Ensuite je les ai invités, et nous nous sommes apprivoisés.

Il y a Ropert et sa Déborah, morts enfermés dans une grotte, prisonniers effacés des mémoires pour une histoire de champ.

Madina, morte d'une vilaine fièvre pustulente. Madina qui demande, à qui veut l'entendre, où est sa maman.

Le Doyen, brûlé dans l'incendie qui ravagea la région. Son béret est posé sur le buffet plein de trous de vers auquel il manque un pied. Personne ne sait comment il est arrivé là, car le Papé, il vivait à deux heures de marche d'ici. Mais que l'on déplace son précieux couvre chef, il finit toujours par se trouver de retour en sa place.

Voici Mélanie avec son bonnet blanc, pendue dans une grange, par ses propres soins, désespérée de n'avoir pu enfanter. Elle aurait été répudiée et délaissée au couvent mais préféra la mort à ce triste destin.

Et tant d'autres qui me confient leur histoire, ni morts ni vivants. Ce grenier ne semble pas vraiment exister ailleurs que dans mes pensées, mais je viens régulièrement m'y installer dans le vieux fauteuil râpé. Et nous parlons. Ils sont là et je suis leur voix. Ils sont ma mémoire et je suis leurs émois.

Pauvres hères sans matière, et moi, pauvre corps sans passé.

Sygdolon et son engin à battre le blé, un engin motorisé qui faisait sa fierté. Son engin lui a ôté la vie, dans un accident de modernité.

Pauvre Sygdolon, il en est pourtant encore tellement fier... qu'il ne peut passer la barrière.

Allez Sygdolon, laisse toi glisser vers la Lumière.

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