Ses affaires préparées, Vaillance remplit son sac et le confia à un des robots porteurs qui le souleva dans un champ de gravité. Jasper invita la jeune fille à descendre pour un dernier repas avant son départ. Bien que n’ayant pas d’appétit, elle se força à goûter une dernière fois à sa cuisine. Finalement, le coup de la mi-journée frappa, Vaillance serra les dents.

— Il est l’heure de partir, informa Jasper.

Elle acquiesça sans broncher, s’écroulant intérieurement. Elle ne pouvait pas partir, ce n’était pas possible. Elle se tourna vers son majordome et vit sa petite sœur juste à côté. Liane ne comprenait rien à la situation et voir le visage pâle de son aîné ne l’aidait pas.

— Vaillance, que se passe-t-il ? questionna aussitôt Liane. Tu vas quelque part ?

L’adolescente sentit son cœur se fracasser, l’inquiétude dans la voix de Liane était un poison. Elle prit la fille dans ses bras sans lui demander son avis et la serra aussi fort que possible.

— Je vais rejoindre les écuyers, s’étrangla Vaillance.

— Quoi ? Mais tu disais que c’était impossible !

Elle se mordit la langue pour se punir de toutes les bêtises qui sortaient de sa bouche. La situation était déjà bien assez difficile à vivre comme ça.

— Pendant que je serais partie, fais bien attention à toi. N’ennuie pas maman et papa et sois sage avec Jasper.

— Oui, grande sœur ! Ne pleure pas ! s’égosilla Liane. Tu vas revenir ? Promets-moi !

Vaillance ne savait comment répondre à cette question. Elle priait pour que ce soit le cas, mais n’en avait pas la moindre idée. Elle serra une dernière fois Liane dans ses bras avant de reculer, tremblante. Jasper poussa la cadette en arrière l’appelant à retourner dans sa chambre.

— Lady Vaillance doit y aller. Soyez sans crainte, vous vous reverrez avant de vous en rendre compte.

Le majordome la guida vers la piste du skycraft, suivie par le petit robot porteur. Devant les portes de l’avion, ses parents attendaient. Verin et Jasper se toisèrent, le serviteur dominant son maître de toute sa stature.

— N’essayez même pas, Monsieur Weiss. Lady Vaillance a été appelée pour devenir une écuyère et toutes vos tentatives se sont montrées vaines. Il est temps d’accepter les faits et d’aller de l’avant.

— Je ne t’en ferais pas l’affront. Cinq minutes, je ne te demanderais rien de plus.

— Je vous en donne deux, répondit Jasper avant de se diriger vers le cockpit, non sans un salut.

Verin se tourna vers sa fille, ouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot n’en sortit. Pour la première fois de sa vie, il ne savait que dire.

— Papa, je ne peux pas y aller ! Je ne suis pas faite pour être une écuyère !

Il secoua la tête et prit sa fille par les épaules. Après une grande inspiration, le calme souverain de l’homme d’affaires fut de retour. Il savait ce qu’il avait à faire et sentir le regard perçant de son serviteur dans son dos était suffisant pour le lui rappeler.

— Ne dis pas cela, Vaillance. Tu es une jeune fille pleine de talent et as tout pour réussir. Je comprends que tu aies peur et sois un peu déboussolé, mais dis-toi que tu n’es pas toute seule. Des dizaines de citoyens traversent la même chose que toi, et tous ensemble vous deviendrez de grands gardiens.

— Mais je ne suis pas une citoyenne ! Je ne devrais pas…

— Justement, être une noble t’y oblige encore plus. C’est notre devoir d’aider le peuple de la Confluence et les haïkadens sont les mieux placés pour cela.

Verin passa son pouce sur les pommettes de la jeune fille, posa son front contre le sien avant de s’écarter.

— Souviens-toi des leçons que je t’ai enseignées et fais face comme une vraie Weiss. Tu verras, ce ne sera pas si horrible que ça.

Comprenant que son père ne l’aiderait pas, l’adolescente se tourna vers sa mère. Sourcil froncé, Amidia prenait un air des plus contrarié, ce qui ne lui ressemblait pas. Elle inspecta sa fille de haut en bas, hocha lentement de la tête.

— Fais attention à toi une fois là-bas et tâche de côtoyer de bonnes personnes. N’oublie pas de nous appeler au moins une fois part semaine et gare à toi si j’apprends que tu te conduis mal ou à de mauvaises notes. Suis-je clair ?

Vaillance ravala la boule qui lui obstrua la gorge, confirma d’un minuscule geste de la tête. Un spasme traversa le visage rigide de sa mère et dans un dernier élan, elle prit sa fille dans ses bras.

— Sois courageuse, tu représentes toute la famille, murmura-t-elle.

Amidia s’écarta, chassa la faiblesse de son visage et fit signe à Verin. Vaillance se laissa guider dans la cabine par la main de son père. Le robot porteur déposa son sac à côté d’elle. À la seconde où la porte se ferma, Vaillance tomba sur son fauteuil et fondit en larme. Elle ne releva pas la tête pour regarder ses parents une dernière fois, son cœur ne l’aurait pas supporté. Quand la voix de Jasper confirma leur départ, elle écrasa son poing contre la vitre, maudissant toute sa famille pour leur abandon. Complètement brisée, elle posa la joue contre la fenêtre, laissa le froid adoucir le feu brûlant en elle. Elle resta ainsi jusqu’à ce que la base militaire soit en vue et que Jasper commence la descente. Les leçons de son père, lentement apprises au cours des années, lui revinrent en mémoire. Elle se redressa et prit de longues inspirations, rapporta un semblant de calme en elle-même. Quand la porte s’ouvrit, Jasper découvrit une jeune fille aux visages impénétrable. La façade ne trembla qu’à peine quand elle posa le pied sur l’asphalte noir de la piste d’atterrissage et que ses prunelles azurées se posèrent sur l’énorme bâtiment de l’armée de la confluence.

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