Minute 16
Hier, j'ai retrouvé un ami que j'ai vu grandir et qui m'a vu grandir - le collège, ces années sombres...
Comme d'habitude, il a débarqué à minuit, alors que nous nous étions nous-mêmes (nous, les enracinés par les études dans la même ville depuis trop d'années) échoués devant des verres trop sucrés et trop alcoolisés avec à minima une heure de retard par rapport à ce qui était planifié initialement. Cet ami est arrivé à minuit au bar et moi, j'avais cours le lendemain à huit heures. Faille spatio-temporelle.
Il était parti, pendant six mois, dans l'Asie du Sud-Est. En théorie, c'était pour un échange scolaire. En pratique, il a vadrouillé de ville en ville avec son sac-à-dos et son affabilité qui incite inévitablement à l'amitié (beauty privilege, peut-être, aussi). Dans tous les cas, il a réussi ses examens alors que moi, restant figée sur ma chaise des mois entiers, j'en suis à peine capable.
Il nous a raconté son voyage totalement extraordinaire, des histoires fantasques sur des animaux et de la végétation comme il n'en existe pas ici. Il a dépeint ses mésaventures, comme il l'a toujours fait : avec un brin de nonchalance. Une cicatrice creuse son arcade à présent, son pied arbore la morsure d'un chien sauvage et il a admiré plus de levers et couchers de soleil que je n'aperçois le jour. Il a roulé sans permis avec un scooter, a reçu une amende qu'il a dû payer au commissariat - tout ça pour repartir sur le siège du fameux scooter hors-la-loi au vu et au su des forces de l'ordre. Il a parcouru la campagne, s'est perdu dans Bali - on lui a volé son ordinateur, d'ailleurs, mais ce n'est qu'un détail pour lui.
Bref, cet ami est revenu et il repart tout aussi rapidement vers ce qu'on appelle l'avenir. Il m'a inspirée beaucoup de mots et quelques phrases.
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