Il y a cette personne appendue à un cintre comme un costume prêt-à-porter. Le rôle de l'increvable à endosser envers et contre le décor sombre de l'armoire-monde. Cette personne enfile si naturellement des frusques éblouissantes de grandeur, et quand on la regarde, bon dieu ! On pourrait croire que toute sa vie, elle aura vingt ans. Elle court, elle virevolte dans la rue, sur le bitume glissant des nuits frileuses où les murs rugissent autant que les pauvres types adossés à la taule des boutiques endormies. Ça sent l'espoir sur son passage à tel point que des vapeurs pourpres d'émotions s'échappent de ses rencontres. Les sourires ont un goût d'éternité et qu'est-ce qu'on aime partager ce genre de lèvres, les prendre à pleines dents, les mordiller, sucer leur sucre et s'emplir largement les poumons de l'amour-papillon, celui qui s'envole rapidement et se pose sans crier gare sur les doigts, sur le bord du cœur.

Cette personne ouvre la porte en bois griffé tous les jours, elle se couvre de l'habit avec joie. Ça brille de mille feux, comme les trafics insupportables des heures de pointe et leurs étalages de carrosseries cabossées, de luisantes mécaniques monstrueusement bruyantes.

Cette personne est invincible, toute sa vie, elle aura vingt ans. Ouais, putain, elle est inatteignable avec son pied déjà dans la tombe. [Ouais, putain, cours, gigote bien sous le soleil et la pluie, petit oiseau, laisse-toi bien dérober par la peau des autres.]

Hier, elle avait retiré sa godasse gauche bien dégueulassée par la boue du ciel - la seule qui lui restait, en fait - et j'ai compris que, de sa tombe, personne ne pouvait la déraciner. La personne sur le cintre a toujours eu vingt ans, on la pensait invincible.

Je n'avais jamais vu des vers dévorer la chair à vif.

Peut-être que ce jour-là, encore, j'ai pleuré.

pour Elise,

pour Eva,

pour les personnes appendues à un cintre,

mais pas pour moi.