Ah l’amour à Rome, c’est quand même quelque chose !

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« Chris… »

Elle se jette dans mes bras. Je l’étreins brièvement. La chape de plomb me pèse de plus en plus. Je prends cette force en plein fouet, je peux la ressentir, la palper, comme si elle était vivante. Je reste concentré sur elle. Je la sens se rapprocher. Elle se déplace, tout près de nous.

« Écoute, je crois que l’on en a que pour quelques minutes. Alors, s’il te plaît, aide-moi. On remballe tout et on se casse le plus vite possible. »

Je l’embrasse, puis me remets à l’ouvrage. Heureusement, hormis nos fringues qui étaient disséminées un peu partout selon nos envies sexuelles du moment, pas grand-chose ne traînait. Je gardais toujours le maximum prêt à être embarqué, au cas où. Garder cette discipline m’était cependant devenue bien plus difficile depuis que j’étais accompagné de Frida.

Au bout d’environ deux minutes, on refait un tour rapide du proprio. Parfait, nous n’avons rien oublié. Sur le palier, je sens à nouveau cette force se rapprocher. Elle est de plus en proche. L’ascenseur ! Je tire Frida, presque comme un vulgaire sac à patates, dans l’escalier. Nous dévalons les marches en toute hâte pour s’arrêter deux étages plus bas. Je sens la force passer au-dessus de nous. Nous prenons alors l’ascenseur. On tente de reprendre une certaine constance, pour faire comme si de rien n’était, en arrivant dans le hall. Ne pas se faire remarquer, rendre vite les clés. À notre grand étonnement, l’hôtelier demande à Frida de signer le reçu. En regardant de plus près, on se rend compte que nous nous étions enregistrés par sa carte de crédit. Curieux. Je ne me rappelle pas avoir procédé de cette manière lorsque nous sommes arrivés à l’hôtel. La fatigue, sûrement. Mais je bous intérieurement ! Quelle erreur de merde ! Il n’y avait pas plus discret ! Autant afficher un panneau grandeur nature, bardé de spots lumineux pour indiquer notre présence !

Elle signe vite fait le reçu et on détale sans demander notre reste. Cette force invisible s’était remise en mouvement, et se rapprochait à nouveau. On reprend sa voiture, planquée au fin fond du garage de l’hôtel et nous quittons la cité pour la planquer en périphérie. On reprend le train pour retourner sur Rome. Peut-être que cette technique sera suffisante pour leur faire croire que nous n’y sommes plus.

On cherche un hôtel plus discret, dans le centre-ville, près du métro. Souvenir de Paris. Toujours rester près de la foule en cas de fuite. Une fois installé, posé et le stress descendu, je lui résume tout ce que Friendley m’avait raconté plus tôt dans la journée.

Elle se met à avoir peur. Une grosse conspiration, une société occulte qui cherchait à créer une super-armée, était un secret bien trop pesant pour elle. Elle émet d’ailleurs de sérieux doutes sur la réussite du projet. Peut-être qu’Edgard était plus versé dans l’exercice d’investigations, mais elle doute sincèrement de mes capacités de Kojak, don ou pas.

Le soir, on décide de faire un tour du quartier. Le repérer à fond et en étudier toutes les possibilités au cas où l’on devrait fuir. Comme nous ne remarquons rien de suspect, on ose se poser quelques instants à une terrasse. La place est magnifique. Les derniers rayons du soleil illuminent d’un éclat doré la petite fontaine centrale. Le ciel offre une variété de rose et de bleu. L’atmosphère est tout simplement magique. Avec ce spectacle si romantique, on se laisse porter et l’on s’embrasse tendrement. Notre baiser langoureux est cependant interrompu.

Une table un peu plus loin accueille trois skins, qui parlent en français, d’une manière on ne peut plus bruyante. L’un d’entre eux nous regarde. Il a un gros air d’ahuri. À croire qu’il s’est pris des coups de marteau durant son enfance, lui enlevant la possibilité d’aligner plus de deux phrases correctement. Son sourire béa ne fait pas de lui pour autant un enfant de chœur, il reste le plus baraqué de la bande. Soudain, toujours avec son sourire imbécile, il dit en nous regardant nous bécoter :

« Ha ! L’amour à Paris c’est quand même quelque chose !

— On est à Rome, mon gros. C’est la troisième fois que je te le dis, tu devrais t’en souvenir, maintenant ! », dit la voix à côté de lui.

Nous nous retournons discrètement. Le dernier nous fixe quelques secondes. Le temps que le franc tombe. Petit moment gêné de notre part. Puis, il bondit de sa chaise en même temps que nous, qui prenons la clé des champs. Il hurle :

« Hé, mais putain, c’est eux ! Mais qu’est-ce que vous glandez ? »

On se met à courir des fous. Je traîne Frida par la main, qui a du mal à me suivre avec ses chaussures à talons, mais ô combien sexy. Nous avions été bien inspirés pour notre séance de repérage. On se rue dans un petit dédale de ruelles, et ils perdent rapidement notre trace. Lorsqu’on est sûr qu’ils soient loin, on prend le risque d’une halte pour reprendre notre souffle.

« On rentre à l’hôtel, on prend nos affaires et on se casse. Il vaut mieux pas rester dans ce quartier non plus. On se planque quelques jours, et puis on avise. »

Frida baisse le regard. Elle se résigne. Encore se planquer, ne pas sortir de l’hôtel. Elle avait cru devenir folle à Turin, en restant enfermée trois jours durant. On reprend la route, refaisant quelques détours pour arriver à l’hôtel. Rebelote, on reprend nos cliques et nos claques et on traverse la ville en long et en large. De nouveau, méthode parisienne. Plusieurs tours de manèges et de changements de rames. Après plusieurs heures de déambulation, je décide de prendre un petit motel miteux, à l’extérieur de la ville.

Pendant trois jours, je sors à peine le matin, très tôt pour nous chercher de quoi manger. Oui, encore trois jours. Je ne sais pas pourquoi, je semble aimer le chiffre trois. On reste enfermé, regardant uniquement un peu la télévision, pas d’internet. Trop peur de se faire localiser à nouveau.

À l’aube du quatrième jour (ouais, je trouve que ça claque quand même pas mal, cette formule), j’allume l’ordinateur. Un message, matin et soir de Friendley. Il demande si on va bien. Il nous explique qu’il avait vu des skins se balader en ville. Que des sites d’informations en Suisse avaient divulgué la présence de Frida dans la capitale romaine, détectée grâce à une carte de crédit. Il nous dit aussi que ce serait bien qu’on brouille les pistes. Selon les mails qu’il avait interceptés, toute l’attention de la fachosphère était maintenant focalisée sur Rome.

Il nous est impossible de fermer l’œil cette nuit-là.

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