Les dernières heures de l'honneur
- Serais-tu, mon bon ami, en train de connaître la peur ? Il prononça ces mots un petit sourire moqueur aux lèvres. Toi, mon fidèle compagnon d’armes, toi qui m’a suivi le long de ces quatre campagnes, toi, qui à 6 reprises m’a sauvé la vie.
Le fier hussard posa alors sa main sur l’épaule de son frère d’armes et reprit :
Non, je ne te crois pas. Pourquoi maintenant ? pourquoi aujourd’hui ? Alors que depuis notre première bataille nous nous tenons côte à côte.
- Laisse mes faits d’armes là où ils sont… et ce n’est pas parce que nous somme amis que nos grades disparaissent. Tu me crois réellement pris par la peur ? Lâcha-t-il, fatigué. Non, évidemment que non…écoute, la bataille de demain est déjà perdue, ça va être une hécatombe. Tu le sais tout aussi bien que moi. Viens avec moi, quittons ce champ d’Hadès. Il y aura toujours de la place pour nous, ne serait-ce que dans les couches des catins des villes que nous avons traversées.
- Tu n’as pas peur, tu as peur de mourir. C’est de cela dont tu as peur. Tu as peur de la mort. Soit, tu veux partir, pars. Nous avons suffisamment combattu ensemble pour savoir que ce n’est pas de la simple lâcheté. Tache simplement de ne pas te faire voir en quittant le campement, pense un peu au moral de ceux qui demain vont mourir.
- Tu n’es pas obligé de suivre obstinément ton honneur. Cette fois c’est du suicide ! Pourquoi rester ? Donne moi une seule bonne raison de rester ici, juste une !
- Un soldat meurt au champ d’honneur, sinon, c’est un jean-foutre ! Lança-t-il, avec le panache de ses fameuses charges.
- Alors soit, je suis un jean-foutre, un magnifique jean-foutre, un jean-foutre dont on se rappellera d’ici 100 ans, parce que il aura vécu sa vie dans la plus belle des jean-foutrerie mais surtout parce qu'il aura vécu sa vie. Adieu mon bon ami, ce fut un plaisir de combattre avec vous et d’avoir servit sous vos ordres.
Amère, il serra de sa main tremblante la fière poigne de son désormais ancien supérieur, puis il quitta la tante de commandement en soulevant le lourd velours pourpre.
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C’est bientôt l’heure. Les canons hurlent leur aria depuis deux heures déjà. Les hommes sur le front s'épuisent peu à peu. Qu’est-ce qu’il attend !? Mon cheval renâcle et je ne vais pas tarder à faire de même. Ha... enfin !
Le son du clairon retenti. Les ordres sont clairs, le chaos va pouvoir commencer. Mes hommes me regardent, la mine grave et je leurs réponds du plus glorieux des sourires. Certains mourront ici, dans ces plaines, mais dans le coeur des survivant, ils seront immortels, à jamais auréolés de leur réussite. Avançons, un simple geste de ma tête et la bataille est jouée.
Le tumulte des hommes qui se battent, de la poudre qui s’enflamme, des ordres vociférés. La peur, la colère, les pulsions, toujours la même sensation qui parcours ma poitrine qui se gonfle puis, le calme. Nous y voilà, les quarante derniers mètres. Je tire mon sabre, comme d’habitude et j’empoigne fermement les rênes dans mon autre main. Mes homme font de même et un millier de reflets jaillissent. Une grande inspiration, profonde, lente. Un cri, suivi d’un millier d’autres. Le voile de nos peurs se dissipe, nos funestes craintes sont pulvérisées : l’honneur de ceux qui se battent au sabre nous garde et nous protège. Tous nous nous envolons, mille ailes d’acier fondent sur l’ennemi dont les mousquets muets tremblent. Ils suffit qu’un seul d’entre eux se retourne, un seul ! Les faces de nos adversaires se tordent d’un rictus de terreur. D’autres encore en appellent à Dieu. pourquoi le faire venir alors que nous allions justement vous envoyer le rencontrer. Un sourire serein sur mon visage se dessine. Il y a tant de choses auxquelles il faut penser à ce moment. Encore quelques mètres. Ils n’ont pas encore tiré, les pertes seront importante mais qu’importe, nous devons réussir…
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Le sang creusait son sillon et grandissait, alimenté par un million d'affluents. Jamais la coupe de nectar ne fut aussi rouge qu’en se jour. L’air était de soufre, la terre maculée de vermeil. La promesse de ce champ de mort n’avait été que trop bien tenue. Les vivants, eux, avaient, depuis longtemps déjà, déguerpi, mû par la terreur des hasardeuses volées. Partout des corps mutilés gisaient, ornés d’une une face monstrueuse. Tordues, crispées, les bouches grandes ouvertes, comme autant d’épitaphes. Là ! Une petite tâche noire et jaune se profile. L’uniforme, ou plutôt le costume, en lambeaux. Coincé sous son cheval, il avait eux les mêmes mots que les autres, malgré l’honneur qu’il eu de son vivant. Une balle lui avait percé la poitrine, pulvérisant son cœur d’or. Son sabre luisait d’une aura pourpre. La plume fut nettoyée de son encre macabre et remise dans son fourreau qu’il emporta.
- Pourquoi mon bon général ? pourquoi ce suicide ? pour l’honneur ? pour le courage ? pour l’empire ? pour la gloire ? Ces choses-là ont-elles une valeur pour les morts ? Et l’amertume, la tristesse et l’amitié disparues, n’est-ce rien ? je suis parti non pas parce que j’ai eu peur de la mort. je suis parti parce que je veux encore vivre !...Espèce d’idiot, va…Noble, charismatique et grand par l’esprit oui... mais bien trop téméraire, voilà où même toutes les charges, aussi belles soient-elle, elle finissent toutes dans les coulisse, où la mort distribue les derniers rôles”
Et son rire amère fut le dernier canon à parler sur cette plaine, scène du dernier acte de cette guerre, de cette tragédie.
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