Qu'est ce qui se passait ? Je n'entendais plus ses hurlements. Mes yeux se fermaient peu à peu. J'étais étourdie. Cette ombre bizarroïde lâcha son corps qui fit un bruit sourd en tombant au sol. Une rage soudaine m'envahit. Je courus désespérée vers cette silhouette en criant de toute mon âme, couteau à la main prête à en découdre jusqu'à la mort. A quelques mètres d'elle, ce monstre qui venait de m'arracher mon innocence tomba aussi par terre, laissant apparaître une autre ombre derrière elle. La lune ne tarda pas à dévoiler son visage en illuminant partiellement une partie de la maison à travers l'une des fenêtres ouvertes.

Je n'avais encore jamais vu un si bel homme avec une coupe de cheveux noirs pareil contrairement à moi qui depuis ma naissance avait eu des cheveux tous blancs comme la neige. Il avait de si beaux yeux aussi bleus et luisants que l'océan. On aurait dit un prince charmant tombé du ciel. J'arrêtai ma course nette en l'observant sans rien comprendre. Qui était ce mystérieux jeune homme ? Il s'abaissa, prit la petite Annie laissant voir son torse nu et robuste et ses multiples plaquettes de chocolat puis lui dit :
– Ne t'inquiète pas. C'est terminé. Tu es maintenant en sécurité.

C'était incroyable mais vrai. Je vis Annie secouer la tête l'air traumatisé mais en bonne forme. J'étais surprise car je la croyais morte. Je courus vers elle, l'embrassant de toutes mes forces.
– Heureusement que je suis venu à temps, continua-t-il.

– Qui êtes-vous ? Et ce claquement…!?

– Je suis le propriétaire de cette maison et ce claquement, c'était le bruit du bout de bois que j'ai utilisé pour l'assommer. Je l'ai empêché de nuire. Mais ce lieu n'est pas sûr et il peut se réveiller à tout moment.

- Cette ombre, c'était quoi ? répondis-je simultanément sans prêter attention à ses mises en garde.

Il avait une de ces façons de me regarder et était doté d'un charme à couper le souffle dont je n'avais jamais été exposé auparavant.
– C'était un Each uisge. Les anciens habitants du coin racontent que c'est un monstre qui fait d'énormes victimes en les dévorant après les avoir trimballées avec lui dans les profondeurs de l'océan. Il a une préférence pour les petites filles et les belles femmes dont les âmes hantent toujours cette forêt maudite. J'ai entendu dire qu'il ne laisse que le foie de ses victimes au bord de la mer quand le jour se lève. Il vient sur terre pour sélectionner ses proies. Il est aussi doté de la capacité de se transformer en un cheval carnivore avec des tentacules. Je n'en avais encore jamais vu auparavant.

J'étais sans voix. Devrais-je croire cette histoire à dormir debout ? Je ne savais pas quoi penser mais je savais au fond de moi que c'était probablement vrai vue l'histoire que m'avait déballé mon père.
– Mon frère a été emporté par cette chose et mon père est allé à sa recherche.

– Je suis désolée pour ton frère rétorqua-t-il. Je vais essayer de le ligoter, peut-être je pourrais tirer de lui quelques informations concernant ton frère. Tout de même, c'est dangereux de rester ici.

Il se leva, marcha vers une armoire puis l'ouvrit. Il en sortit deux fusils qu'il rechargea.
– Prenez ça et restez ici. Ne sortez surtout pas.
Demain, vous irez vers l'est en suivant les bordures de la mer. Il doit y avoir une route et des personnes là-bas pour vous aider, me dit-il en me tendant l'un des fusils.

– Et vous, vous comptez faire quoi ?

– Christian, appelle-moi Christian et pas besoin de me vouvoyer, me répondit-il avec un léger sourire aux lèvres.

– Merci Christian. Moi c'est Mélanie.

– Enchanté Mélie. Je trouve ce prénom beaucoup plus à mon goût.

Après un moment de silence pendant que nos regards plongeaient l'un dans l'autre dans un vaste désert de désir mutuel, il continua :
– Je vous laisse vous reposer avant de prendre la route. Faites comme chez vous. Si j'obtiens des informations, je vous tiendrai informées. J'ai aussi un proche qui a malheureusement disparu dans les mêmes circonstances. C'est la raison de ma présence dans ce lieu maudit.

Sur ces mots, il sortit de la maison trimballant à l'extérieur sans grande difficulté le corps de ce monstre.