Chapitre 5 : Le secret.

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« La chose la plus banal devient délicieuse dès l’instant qu’on la dissimule. »

« Le portrait de Dorien Gray », Oscar Wilde.

C’est alors qu’Alex vit la créature piétiner des livres. Elle commença à céder à la panique mais réussit à la maitriser et tendit les feuilles.

- Tiens, commença-t-elle, j’ai un cadeau pour toi ?

- J’en veux pas de ton stupide cadeau ! répondit la créature. Et puis, qui t’es toi, d’abord !?

- Mais... bon, je m’appelle Alexandra Milse et je ne te veux aucun mal, ni à toi, ni à tes affaires.

A ses mots, la bête s’arrêta, la regarda droit dans les yeux et vit la sincérité qui perçait dans les beaux yeux de la jeune fille. Cette dernière posa doucement les feuilles près de lui.

Soudain la chose se mit à se métamorphoser : sa peau devint très blanche, son gros ventre rétrécit et sa méchanceté d’ogrelet fit place à de la bienveillance. On remarquait alors le petit chapeau en chaussette bleu qu’il portait sur sa tête. Celui-ci était assorti à son pantalon dont les genoux étaient en cuir. Quant à la petite chemise blanche, elle pouvait à présent se refermer.

Une fois métamorphosée, la bête l’observa curieusement et Alex s’agenouilla devant elle. Elle avait à présent envie de poser des tas et des tas de questions à cette... chose ! C’était à peine croyable ! Ces bêtes n’existaient que dans les films, elle aurait eu presque peur si la « bête » n’avait pas un sourire amical.

Trop de questions se bousculaient dans la tête de la jeune fille et la créature dû le voir car il se présenta fièrement.

- Salutation jeune demoiselle. Je me nomme Patenchon et je suis un farfadet.

Sa grosse voix d’ogrelet avait également changé en une petite voix fluette.

- Un farfadet ? s’amusa Alex. C’est quoi ce truc ?

- Ce truc, mademoiselle, est une des dizaines, des centaines, de millions d’espèces du monde surnaturel.

Alex arqua un sourcil. Ce... farfadet, parlait comme si c’était tout à fait normal. Alors que ça ne l’était pas du tout !

- Le monde des créatures fantastiques si tu préfères, expliqua Patenchon.

Ce dernier avait à peine fini ces paroles qu’il s’immobilisa, le regard fixé sur la porte à l’affût du moindre bruit. Et soudain, disparu.

- Â qui tu parles ?

Alex se retourna lentement et vit que c’était sa grande sœur qui avait passé la tête dans l’embrassure de la porte.

- Eh, rien, à personne, répondit la jeune fille. Mais je suppose que tu es revenue pour me gronder parce que je parle toute seule ? continua-t-elle d’un ton sarcastique.

- Ah. Ah. Ah, répondit Emma lentement pour montrer à sa sœur que cela ne la faisait pas du tout rire. Très drôle. Non je suis venue récupérer mon portable, je l’avais oublié dans ta chambre. Mais qu’est-ce que tu fais par terre ?

- Heu… rien, répondit-elle en se relevant.

Elle jeta un bref coup d’œil à l’endroit où Patenchon s’était tenu. Il n’y avait rien. Pourvu qu’il revienne !

- Tu es sûre que tout va bien ? insista l’ainée.

La jeune fille se demanda alors si elle devait parler de sa découverte à sa sœur. Mais elle souvint très rapidement qu’on ne l’avait pas cru lorsqu’elle avait parlé d’une bête.

Elle n’avait qu’à me croire !

- Oui, je parlais à mon ami imaginaire. Tu sais, celui que j’avais lorsque j’avais cinq ans, et bien, il est revenu !

Emma souffla et Alex lui fit un sourire démesuré, montrant toutes ses dents pour la convaincre de partir.

- Ok... reprit Emma en regardant sa sœur comme si elle était folle.

Sur ce, elle partit et referma la porte. Alex poussa un soupir de soulagement. Elle balaya la pièce du regard à la recherche de Patenchon, quand soudain celui-ci apparut juste devant elle.

- Waouh ! Comment tu fais ça ? s’exclama-t-elle.

Un petit sourire fier se dessina sur le visage chaleureux du farfadet.

- C’est facile, c’est seulement quand je le décide.

- Il y en a d’autres comme toi ?

- Oh oui des tas et des tas : des grands, des petits, des verts, des ailés, des gentils, et des méchants...

- Et où sont-ils ? Il y en a ici ? s’exclama-t-elle émerveillée en parcourant du regard la bibliothèque.

- Non, s’amusa Patenchon je suis le seul à vivre ici. Mais si tu vas dehors, il n’y a que ça. Sans parler de la forêt.

- La forêt ? poursuivie la jeune fille maintenant passionnée par ce monde. Mais pourquoi ne se montrent-ils pas ?

- Et bien pour plusieurs raisons, expliqua Patenchon. D’une part, nous ne devons en aucun cas nous montrer. C’est une règle et...

- Mais pourquoi est-ce interdit !? le coupa Alex. Je suis sûre que tu t’entendrais très bien avec Aglaé.

- Non ! s’écria le farfadet, surtout pas ! Vois-tu Alexandra, à l’époque du Moyen-Age, nous vivions avec les humains : ils nous voyaient. Mais il est arrivé un moment où ces derniers ont été jaloux de nos… capacités. Ils ont tout essayé pour nous faire disparaître, nous enlever, nous enfermer, voler nos pouvoirs. Nous avons réussi à nous défendre et à nous échapper. Depuis, nous vivons cachés des humains.

- C’est affreux, s’attrista la jeune fille.

- Je sais, mais ce n’est pas tout : pendant des centaines d’années, nous avons vécu tranquillement. Mais il y a soixante ans maintenant, un humain a montré que la magie existait toujours à des résistants de la magie. Ces personnes qui s’opposent à cette magie et veulent la détruire ont donc lancé une première attaque. Rien de grave je te l’assure. Une dizaine d’années plus tard, une deuxième attaque fut lancée par une forme de magie très puissante. Depuis, nous nous cachons les uns des autres pour une plus grande sécurité.

Voyant une profonde tristesse dans les yeux d’Alex, Patenchon rajouta :

- Ne t’inquiète pas il n’y a rien de très grave, ce sont juste des précautions.

Un peu plus rassurée, Alex sourit à son nouvel ami. Ensuite, la jeune fille l’emmena dans sa chambre. Elle lui montra ses affaires et Patenchon avoua que cela faisait très longtemps qu’il n’avait pas parlé à des humains et qu’un peu de compagnie lui avait manqué plus qu’il ne l’avait imaginé.

- Mais alors pourquoi me parles-tu, à moi ?

- En réalité, je ne comptais pas me montrer. Mais quand je t’ai vu toucher à mes affaires... Je ne sais guère contrôler ma colère.

- Je veux bien le croire… marmonna la jeune fille.

- Et comme tu m’avais vu, j’ai jugé inutile de me cacher de toi. Mais promets-moi de ne révéler ma présence, à personne !

- Oui, c’est promis, s’amusa Alex.

- Au fait, désolé pour l’autre nuit, dit-il en riant.

Alex ne comprit pas tout de suite ce que voulait dire le farfadet.

- Alors c’était toi qui tapait contre le mur ? s’écria-t-elle.

Patenchon hocha la tête.

- Je m’excuse, ça fait très longtemps que cette maison est vide et j’avoue avoir été égoïste. Je voulais avoir cette maison pour moi seul et faire partir ses habitants en leur faisant peur.

- Et pour l’ampoule ?

- L’ampoule ? demanda le farfadet perplexe.

- Oui l’ampoule de ma lampe de chevet qui est tombée par terre.

- Oh oui. J’en suis désolé, c’était un accident.

Ils passèrent le reste de l’après-midi à discuter dans la chambre d’Alex. Elle avait des tas de questions à lui poser mais elle ne savait par où commencer. Aussi, laissa-t-elle le farfadet poser des questions sur les affaires humaines qu’elle lui montrait. Lorsque l’adolescente sentit une bonne odeur provenant du rez-de-chaussée elle descendit, promettant à Patenchon de lui ramener quelque chose à grignoter.

Alex descendit donc les escaliers et s’arrêta net devant la cuisine. Devait-elle parler de Patenchon à sa mère ? Qu’allait-elle dire ? Même avec leurs désaccords, Alex ne lui avait jamais menti mais si elle ne le disait pas, ça ne serait pas un mensonge.

« Je ne l’ai pas dit à Emma, je ne vois pas pourquoi je le dirais à maman et Aglaé. Et puis je lui ai promis. Une promesse est une promesse » se dit-elle.

Elle entra dans la cuisine. Aglaé mangeait du pain, assise à table, Emma mettait le couvert et sa mère finissait de préparer le repas. Puis, la petite famille commença à manger et personne ne parla. C’est Marie qui engagea la conversation.

- Alexandra, as-tu terminé de ranger l’étage ?

L’intéressée acquiesça, les yeux rivés sur son assiette.

- Alors il y avait quoi dans la pièce du haut ? demanda Aglaé.

Alex serra sa fourchette si forte qu’elle en aurait eu presque mal. C’était justement à cette question à laquelle elle ne voulait pas répondre.

Elle leva le regard paniqué.

Si sa mère savait pour la bibliothèque, elle y passerait ses journées et Patenchon ne pourrait plus se cacher. Mais elle n’avait pas le choix puisque Emma l’avait vu. Et puis sa mère aurait vite fait d’aller voir par elle-même.

- Je vous l’ai dit tout à l’heure mais vous étiez trop occupé à me crier dessus… répondit Alex.

-Alex ! Tu ne parles pas comme ça à maman, ok ? s’emporta Emma.

Et voilà ça recommence. Elle ne peut pas s’empêcher de jouer les sermonneuses, juste pour être bien vu de maman.

- Lâche-moi un peu !

-Les filles…

Marie se prit la tête entre les mains et les deux ainées se fusillèrent du regard mais ne protestèrent pas.

- Alors, cette pièce ? insista Emma.

Voyant trois paires d'yeux braquées sur elle, elle déglutit. Elle devait protéger Patenchon, et de ce fait, trouver un bon mensonge…

Courage Alex, tu vas y arriver !

- Ce n’est rien ! Juste une vieille bibliothèque toute poussiéreuse.

- Ah oui, l’ancien propriétaire m’en avait parlé ! C’est super, s’enjoua Marie. J’ai toujours voulu avoir une...

- Mais non, la coupa l’adolescente, tous les livres sont écrit en... en Russe.

« Non mais sérieusement Alex, tu ne pouvais pas trouver une meilleure excuse ?! En russe… »

Alexandra rougit de honte et pria pour que personne ne le remarque. Ce n’était pas dans ces habitudes de mentir. Elle se consola en pensant qu’elle le faisait pour Patenchon. Elle n’avait jamais eu d’amis jusqu’à maintenant et ne comptait pas perdre le petit farfadet.

À l’école, au début, elle était heureuse, jusqu’à ce que son père parte. Ensuite les élèves l’évitèrent jusqu’à oublier sa présence. On l’avait évité à cause de cette colère dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Maintenant qu’elle avait Patenchon, il était hors de question que quelqu’un les sépare. Cela ne faisait que quelques heures qu’elle avait fait la rencontre de la petite créature qu’était le farfadet mais elle se sentait bien avec lui. Il lui faisait oublier cette colère. Presque oublier…

- Dommage, s’attrista la jeune maman.

Si seulement elle savait ce qui s’y trouvait réellement… Pourtant, sa conscience, cette insupportable petite voix au fond de sa tête lui intimait que son secret ne resterait pas longtemps dissimulé, et que les conséquence en seraient abominables…

Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce chapitre vous a plu.

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