Chapitre 18 : Maugrine

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« La vie est un mystère, dont personne, jusqu'ici, n'a pu percer le secret. »

Samuel Ferdinand-Lop ; Les nouvelles pensées et maximes (1970).

« Tout le monde à un secret, sur soi, ou sur un être cher que nous nous efforçons de ne pas révéler. Mais il peut arriver, que les évènements nous dépassent, et que contre notre volonté, ce secret soit révélé. Il ne faut pourtant pas oublier que les secrets sont comme des rivières : plus ils sont silencieux et profonds, plus ils feront des ravages le jour où ils sortiront de leur lit de silence. »

« Tout le monde a des secrets. Certes, mais les miens ne sont pas des plus communs. »

- Mademoiselle Milse ! tonna une voix qui ôta toutes pensées de l’esprit d’Alexandra.

Cette dernière leva la tête et referma brusquement le livre dans lequel elle s’était perdue. Seulement, ce dernier n’était pas passé inaperçu aux yeux de la vieille Mccoy qui la toisait du regard tout en s’approchant d’elle.

- Mademoiselle Milse, je suis ravie de voir que la lecture vous intéresse mais je vous demanderais de ne pas lire ceci durant mon cours, ordonne-t-elle d’une voix rauque et stricte. Vous viendrez chercher cela dans mon bureau cette après-midi.

Alex soufflât ce qui ne parut pas plaire au professeur puisqu’elle continua de la toiser, cachée derrière ses lunettes posaient sur le bout de son nez. Sur-ce, elle prit le livre et repartit près du tableau continuer son cours.

Madame Mccoy était une vieille dame, professeur de chimie dont les cheveux grisonnants et bouclés lui arrivaient aux épaules.

Cette bonne femme avait le chic d’agacer la jeune fille. Tout en elle l’horripilait au plus haut point, à commencer par l’air supérieur qu’elle avait auprès de ses élèves. Elle ne cessait de leur montrer que, de par son âge, elle avait tous vu, tous entendu et tout vécu. Et c’était bien le genre de comportement qui énervait la jeune fille.

- Quoi, vous avez un problème ? demanda Alex aux élèves qui s’étaient tournés vers elle.

Elle négligea ceux qui répondirent et posa sa tête sur ses bras croisés sur son bureau, priant pour que la cours se termine bientôt.

Une fois le supplice terminait, Alex rejoignit Miss Davenport pour la pause déjeunée, et comme à leur habitude elles passèrent un long moment à rire.

- Qu’a-t-elle encore fait cette fois-ci ? s’amusa la jeune femme devant l’agacement de la petite brune.

- Elle m’a confisqué mon livre ! s’offusqua-t-elle.

- Alexandra, tu sais très bien que tu ne peux pas lire en classe. Il te faut écouter les cours.

- Mais je l’ai écouté le cours ! Ce n’est tout de même pas de ma faute, si elle répète sans cesse les mêmes choses !

Miss Davenport souffla un petit rire. La franchise était quelque chose qu’elle aimait beaucoup chez l’adolescente.

- Vivement qu’elle parte à la retraite, elle perd la tête.

- Voyons Alexandra, un peu de retenue je t’en prie.

- Ne me croyez pas, mais vous verrez un jour que j’avais raison !

Cette fois-ci Miss Davenport rit aux éclats, bientôt suivit d’Alex.

- Aller, tu ferais mieux d’y aller si tu veux aller chercher ton livre, lui conseilla-t-elle avec bienveillance. Et tache de plus recommencer !

- Je vais essayer ! répondit Alex alors qu’elle refermait déjà la porte.

Après avoir quitté Miss Davenport, Alex traversa une longue série de couloirs en direction de la salle des professeurs. Une fois arrivée dans un secrétariat dont la seule présence de vie se résumait à une femme pianotant sur un clavier et à quelques plantes, elle demanda :

- Excusez-moi, je voudrais voir Madame Mccoy s’il vous plait, elle doit me rendre mon livre.

La secrétaire, une petite femme blonde au regard furtif, hocha la tête. Puis, après l’avoir silencieusement invité à s’assoir sur une des chaises en les désignant du menton, elle partit dans ce qu’Alex estimait être la salle des professeurs. Elle s’assit donc, attendit patiemment et se perdit une fois de plus dans ses pensées.

C’est un mouvement entre deux feuilles d’un palmier areca qui l’en en sortit. Sa respiration s’arrêta et pendant quelques secondes, le silence. Cela n’avait rien d’un silence ordinaire. C’était le genre de silence qu’il y avait lorsque quelqu’un faisait en sorte de ne pas faire de bruits. Alex se leva, jeta un coup d’œil vers la porte ou était sortie la secrétaire et voyant que personne ne revenait, elle s’approcha lentement de la plante qui se trouvait dans le coin de la pièce. Elle ne distinguait rien d’anormale, jusqu’à ce que des bruits de mastications lui parvinrent. La petite brune osa alors un regard derrière le palmier. C’est alors qu’elle vit, bien dissimulée entre le coin du mur et la plante, une petite créature qui grignotait quelque chose.

- Qu’est-ce que tu fais ici toi ? ne pût-elle s’empêcher de demander.

A ces mots, la petite chose releva brusquement la tête et se mit à crier tout en s’élevant dans les airs. Ceci surprit la jeune fille, qui se mit à crier également. Les cris semblèrent durer une éternité et durèrent jusqu’à qu’ils n’aient plus de souffle.

- Tu me vois ? s’exclama la petite créature une fois son souffle retrouvé.

Alex ne put répondre tant elle était stupéfaite et ébahie par la situation. Elle savait qu’il existait toutes sortes de créatures, mais de là à en trouver dans son collège ! Elle prit sa tête entre ses mains et tourna le dos à la petite chose ailée.

- Attends ! reprit cette dernière. Je sais que tu me vois !

Elle se plaça au niveau du visage d’Alex qui tenta de l’ignorer.

- Ne fais pas semblant s’il te plait. Je sais très bien que tu me vois.

- Oui je te vois, c’est bon. Tu es content maintenant ?

- Pourquoi me vois-tu ? demanda-t-il innocemment.

- Je ne sais pas. Et qui es-tu, que fais-tu ici ?

- Je suis Maugrine, un diablotin et cette école est ma maison, s’exclama-t-il fièrement en faisant une pirouette dans les aires. Ne me dit pas que tu n’as jamais vu de diablotins de toute ta vie tout de même ?!

Un diablotin ? Vraiment ?! Il ne ressemblait en rien à ce qu’Alex s’était imaginé de ces créatures. Il ressemblait plus à une sorte de petite gargouille volante. Sa peau était grise comme si elle était faite de pierre et ses petites ailes étaient semblables à celles des chauves-souris.

Amaron lui en avait parlé et ces créatures figuraient dans son journal. Bien que ni Amaron, ni Patenchon ne pouvaient en faire la description, car ils n’en avaient jamais vu, ils savaient très bien comment se comportaient ses créatures. Ils n’étaient pas méchants de nature. Cependant, voulant à tout prix aider les autres, ils étaient capables de faire de mauvaises choses. Des bonnes intentions étaient toujours à l’origine de leurs méfaits.

- Si ma petite sœur est considérée comme un diablotin, alors si, j’en ai déjà vu. Je suis désolée mais je vais devoir m’en aller.

Elle tourna les talons et commença à partir. Elle ne voulait surtout pas rester avec Maugrine. Il allait à coup sûr lui attirer des ennuis. Mais à peine avait-elle fait trois pas que le diablotin se replaça au niveau de son visage.

- Que veux-tu à la fin ? commença à s’impatienter la petite brune.

Maugrine baissa honteusement la tête, et tandis qu’il torturait nerveusement ses mains, il demanda :

- Je peux rester avec toi ?

Ail…

L’adolescente se sentirait très mal si elle avait à laisser cette pauvre créature seule. Mais elle ne voulait pas prendre le risque de s’attirer des ennuis.

- Désolée, mais j’ai trop de choses à faire.

- S’il te plais, insista Maugrine. Je pourrais t’aider !

- Oui, c’est bien ce qui m’inquiète. C’est très gentil mais je n’ai pas besoin d’aide.

- Aller, acceptes ! Je pourrais te démêler les cheveux, propos a-t-il en tirant sur ces derniers. Ou bien te réveiller si un cours t’ennuies, continu a-t-il en lui donnant quelques gifles.

- Mais tu vas arrêter enfin ? C’est toi qui m’ennuies. Alors arrêtes et laisses-moi tranquille !

C’est alors qu’un grincement de porte se fit entendre. Alex tourna la tête et vit la secrétaire qui venait d’entrer et la regardait d’un air interloqué. Alex osa un petit coup d’œil où s’était tenu Maugrine quelques secondes plus tôt mais ce dernier était parti. Elle souffla, s’avança vers la femme, lui prit le livre des mains et sortit de la pièce, toujours couverte par les regards étonnés de la secrétaire.

Alors qu’elle traversait les couloirs, Alexandra se remémora sa rencontre. Elle avait eu peine de laisser Maugrine seul. Et elle savait qu’il avait réellement tenté de l’aider lorsqu’il prétextait pouvoir lui brosser les cheveux ou bien la réveiller. Mais voyant la manière dont l’aide s’était traduite, elle était heureuse d’en avoir réchappé.

Allez, Alex, plus que quelques dizaines de minutes à tenir.

En effet, il ne lui restait plus que trente minutes avant que ne sonne la fin du cours. Cela faisait déjà trente minutes qu’elle cherchait des réponses aux questions données par le professeur de biologie, sur l’ordinateur.

- Et ! coucou, je suis là !

Des voix la firent lever brusquement la tête. Cette vois, elle avait rêvé ne plus jamais l’entendre. Elle tourna lentement la tête et vit au fond de la salle, assis sur un ordinateur, Maugrine qui l’appelait.

Oh non, il ne manquait plus que ça ! se lamenta-t-elle intérieurement tandis qu’elle se replaçait droite sur sa chaise.

- Je vois bien que tu t’ennuies, fit le diablotin une fois près d’elle.

Alex l’ignora et repartit dans ses recherches.

- Tiens, c’est marrant cette machine, reprit-il en faisant allusion à l’ordinateur. J’en vois tout le temps mais je n’ai jamais pu m’en servir. Je peux essayer.

L’adolescente hocha négativement la tête.

- Aller, s’il te plait !

- Il en ait hors de question, chuchota-t-elle.

- Mais pourquoi ? En plus je pourrais t’aider à faire tes recherches !

- Je viens de te dire non, alors n’insiste pas.

- Mademoiselle Milse, silence je vous prie ! tonna le professeur.

L’intéressée, baissa la tête. Maugrine s’assit alors au-dessus de l’écran. Ses pieds se balançaient dans le vide et empêchaient la jeune fille de voir entièrement l’écran.

- Maugrine s’il te plait, sors de là.

- Non je veux rester avec toi.

- Ce n’est pas possible ! chuchota-t-elle. Ne m’oblige pas à te sortir de là, indiqua-t-elle en levant le ton.

Voyant qu’il ne bougeait pas, elle prit son cahier et chassa le diablotin comme s’il s’agissait d’un moustique.

- Allez, sors de là !

- Mademoiselle Milse, donnez-moi votre carnet je vous prie. Je vous ai déjà demandé de cesser vos bavardages.

Alex souffla mais obéit. Monsieur Douinie, un petit homme peureux à la voix fluette, prit le carnet et repartit à son bureau.

- Super, tu es content maintenant ? chuchota la jeune fille à l’intention de Maugrine qui se tenait toujours auprès d’elle. A cause de toi je vais me faire tuer par maman !

- Ce n’est pas ma faute, c’est sa faute, fit la petite gargouille en pointant son doigt vers le professeur. Ne t’en fait pas, je vais me venger pour toi. Je suis un ami fidèle tu sais !

- Oui, c’est ce qui m’inquiète d’ailleurs. C’est très gentil, mais je préfère… que tu restes à l’écart de mes affaires.

Cependant, Maugrine ne l’entendait pas ainsi et se dirigea vers Monsieur Douinie.

Ça sent mauvais… très mauvais !

Alex devait agir au plus vite ou Maugrine allait encore lui attirer des problèmes.

Voyant qu’il se rapprochait du professeur, elle prit les devants et, cahier en main, se dirigea vers le petit homme.

- Excusez-moi Monsieur, mais je n’ai pas compris certains points.

Alors que Monsieur Douinie lui expliquait ce qu’elle savait déjà, Alex persistait à chassait de sa main le diablotin. La tâche était particulièrement difficile car la créature ne cessait de revenir. De plus, il ne fallait pas trop bouger car son professeur ne devait en aucun cas la voir. Lui qui ne voyait pas la créature la prendrait pour une folle.

Une fois l’explication terminée, Alex repartit à sa place mais n’y resta pas longtemps. Prétextant avoir besoin d’explications supplémentaires, elle revint et tenta d’attraper Maugrine. Certains élèves commençaient à l’observer, intrigués de par son étrange comportement. Ceci dura un moment.

- Alexandra, est-ce que vous m’écoutez seulement ? demanda le professeur qui commençait à voir qu’elle n’avait pas réellement besoin d’aide.

- Elle chasse les fantômes ! cria un des élèves.

Alex resta interdite et fut renvoyée à sa place. Mais quand elle vit Maugrine, bouteille en main qui se diriger vers le petit homme… Elle attrapa son cahier et courut vers la créature. Elle lui attribua un coup de cahier qui en plus d’avoir atteint le diablotin avait également touché la tête du professeur ainsi que son ordinateur. Les élèves s’esclaffèrent, Douinie gémit, l’ordinateur se brisa sur le sol et Maugrine, déséquilibré, lâcha la bouteille d’eau qui vint se renverser sur une prise électrique.

Puis tout devint noir pour cause de coupure de courant.

- Oups, fit Maugrine.

- En retenu ! fit Doinie.

« Oh non ! » fit Alex.

Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce chapitre vous a plu.

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