Chapitre 6 1/2

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Depuis l'attaque, Ash était retourné aux Enfers, le lieutenant démon avait dû s'entretenir avec son Roi. Quelle fut son incapacité quand il dut expliquer, pourquoi il avait abandonné la princesse.

—Lieutenant, votre seule mission était de garder ma fille dans son tipi et non en dehors ! Vous l'avez exposée à des risques énormes et pour cela, vous serez puni. Par les pouvoirs qui me sont conférés, vous subirez dix coups de fouets pour avoir échoué à votre devoir.

Ash dut serrer les dents. Si Kolaris savait ce qu'il s'était passé dans ce tipi, il aurait peut-être pu comprendre que son lieutenant ne voulait pas perdre la vie. Cette jeune femme hantait ces nuits, allait-elle bien ? Le poison l'avait-il contaminée ? Le démon n'en savait rien et cela lui serrait le cœur.

Quelques heures après, Ash se trouvait à genoux sur une estrade devant tous le peuple des Enfers. Les enfants, femmes et hommes l'observaient d'un mauvais œil. Seule Anya le regardait avec douceur et reconnaissance. Les gardiens des Enfers encadraient l'estrade de part et d'autre. Le capitaine de l'armée démoniaque, Balmock, monta se positionner derrière Ash avec un fouet et annonça :

—Tu diras à haute voix à combien de coups de fouets nous en sommes ! Est-ce clair, traître ?!

Ash grimaça, mais acquiesça. Dans son enfance, il avait reçu de bien pires punitions de la part de Kolaris, de nombreuses cicatrices marquaient tout son corps. Il se souvenait d'un moment, qui le hanterait toute de sa vie.

Ce jour-là, Ash se promenait dans un des multiples villages des Enfers. Il devait apporter quelques ingrédients à sa mère, une grande cuisinière du royaume des Enfers exerçant dans le château de Kolaris. Il avait presque fini quand il aperçut une fillette d'environ dix ans courir avec une pomme dans la main. Elle avait sûrement volé. Cependant, il vit des gardiens se mettre à poursuivre l'enfant.

Ash décida qu'il devait agir et aider la demoiselle, c'était comme cela qu'il avait été éduqué : « Aide ton prochain mon fils et il te le rendra. ». Les géniteurs du démon étaient uniques en leurs genres, dotés d'une gentillesse qui manquait chez beaucoup de leurs congénères.

Le jeune homme se lança à la suite de la fillette, finit par la rattraper plusieurs kilomètres plus loin. Où il la tira dans une ruelle obscure et plaça sa main sur sa bouche pour ne pas qu'elle hurle. Il murmura:

—Chut, je veux t'aider.

Quelques minutes après, plusieurs gardiens passèrent, continuant leur chemin en pensant encore poursuivre l'enfant. Ash lâcha la petite démone et l'observa. Elle possédait des cheveux noirs corbeaux, un nez fin et des yeux en formes d'amandes qui avaient la couleur d'un saphir, sa peau était pâle et plusieurs taches de rousseurs marquaient son visage fin. Elle était de toute beauté mais on ne pouvait pas en dire autant de sa tenue : une vieille robe déchirée aux niveaux de ses jambes et bras.

—Pourquoi m'aides-tu ?

—Euh.. Je..

Ash ne savait pas quoi répondre à cette question. Il avait voulu l'aider sur un coup de tête. Il souhaitait comprendre pourquoi elle s'était mise à voler, si elle savait les conséquences auxquels pouvaient amener ses actes car les Enfers possédaient leurs propres lois. Le vol était justement puni d'une peine de mort.

—Pourquoi as-tu volé ?

—Parce que j'ai besoin de me nourrir, sombre crétin ! Tu vois bien dans quel état, je suis. Je viens des zones pauvres du royaume.

—Il faut alors que tu quittes vite cet endroit. Suis-moi.

La jeune fille hésita, mais quelque chose en elle lui murmurait qu'elle pouvait lui faire confiance. Elle lui prit la main et ils se mirent à courir en slalomant dans des petites rues aussi étroites les unes que les autres. Ils se rapprochaient rapidement des mûrs du royaume. La sortie se trouvait à quelques mètres devant eux quand d'un coup, un gardien s'interposa entre eux et leurs échappatoires, pointant sa lance sur le torse de Ash. Il maintenait la jeune fille contre son dos voulant la protéger à tout prix.

—Vous êtes en état d'arrestation, éloignez-vous de la fillette tout de suite.

Ash refusa d'un mouvement de la tête et se prépara à attaquer quand le gardien avança sa lance pour l'embrocher. Il eut le temps de pousser la jeune fille d'un côté et d'esquiver la lance.

Le jeune démon riposta en sortant un couteau de sa poche, qu'il planta d'un coup vif dans la jambe du gardien. L'assaillant tomba un genou au sol. Ash profita de ce moment de faiblesse pour s'emparer de l'arme du guerrier. Il lui transperça le poitrail d'un unique coup de lance, tuant rapidement le gardien.

Le démon venait d'assassiner un homme. L'enfant démon qu'il était, du haut de ses douze printemps, venait de briser les règles. Il observait ses mains souillées par le sang du gardien, plusieurs émotions le traversaient tel que la colère et la peur. Il prit quelques secondes à se remettre de ce qu'il venait de faire, ainsi qu'à comprendre pourquoi il avait agi comme ça.

Quand cela fut fait, il guida la fillette jusqu'à la sortie.

—Nos chemins se séparent ici, j'ai tenu ma promesse.

La jeune fille observa le brave garçon qui venait de combattre pour qu'elle puisse rester en vie. Elle vint lui déposer un tendre baiser sur la joue en le remerciant. Cela fit rougir Ash. Elle lui tourna le dos traversant la grande porte du royaume des Enfers quand d'un coup, un sifflement se fit entendre. Le jeune homme comprit trop tard ce qu'était ce bruit. Il eut juste le temps de voir une flèche passer à côté de lui pour atteindre sa cible en plein cœur. Elle tomba lourdement au sol.

Ash restait stupéfié devant cette scène. Il avait fait son possible pour sauver cette jeune fille et d'un claquement de doigt, elle venait d'être tuée par le meilleur archer des enfers. Xocarès. Aux côtés de cet archer il y avait le roi des Enfers qui resta de marbre devant une telle scène, avant de prendre la parole :

—Je te conseille, jeune homme, de rester où tu es sinon Xocarès ne te ratera pas, compte sur cela.

Ash écouta le conseil de Kolaris et fut mis au sol en peu de temps par des gardiens, sortit des ruelles voisines. Ils lui empoignèrent les deux bras lui passant les menottes avant de l'amener devant le roi.

—Que faisons-nous de lui, mon seigneur ?

Il reconnut cette voix, venant de son frère, Cosalys.

—Amenez-le dans mon château, ordonna Kolaris avant d'ajouter. Mettez le dans un des cachots, je pense que ce jeune homme nous sera utile.

Ce furent les années les plus sombres pour Ash. Son propre frère, Cosalys, était devenu son geôlier. Les coups de fouets, lui avaient laissé des marques sur tout son corps. Il recevait aussi de nombreux coups de lance, d'épée et même de poignard, qui faisaient couler son sang à flot. Dans ce cachot, le démon avait vécu les pires tortures. Qu'elles soient physiques ou psychologiques. On lui avait appris que toutes les espèces peuplant Kindénia étaient des monstres assoiffés de sang, que c'était eux qui avaient tué ses parents. Quelques temps après l'arrestation du jeune homme, Kolaris les fit exécuter

Il fut sorti de ses souvenirs lorsque le premier coup de fouet l'atteignit.

—Un.

Ash fit une grimace, puis un second coup s'en suivit.

—Deux.

Le démon leva la tête pour montrer sa détermination et qu'il ne flancherait en aucun cas. Il tomba sur un regard dans la foule, qui serra son cœur. La jeune femme pour qui il prenait ses coups, était là au-devant de la scène en train de l'observer en silence. Une certaine douceur dans le regard réchauffait le bas ventre du démon sans qu'il ne comprenne cette nouvelle sensation. Un troisième coup s'en suivit puis ainsi de suite. Quand le sixième coup était prêt à s'abattre, Balmock fut arrêté d'un coup par une main qui intercepta l'arme.

—Cela suffit, Balmock. Il a suffisamment eu de coups pour aujourd'hui et il ne devrait en aucun cas être humilié comme cela, alors qu'il a réussi sa mission.

Ash observa du coin de l’œil la jeune femme aux cheveux d'un roux flamboyant qui flottaient aux vents. Il put apercevoir le regard émeraude de la démone, dotée de cette brillance de malice qu'il avait entendu parler, telle une légende. Il ne put détacher son regard du sien, il sentait en lui un nouveau sentiment prendre vie dans tout son corps, le faisant tressaillir. Il ne comprenait pas exactement ce qu'il ressentait mais une certaine force l'attirait vers elle.

—Princesse, je n'ai aucun ordre à recevoir de votre part.

Les dires de Balmock ne firent qu'énerver Pheone, qui sentit des crépitements dans ses poings serrés.

—Je me moque de qui vous recevez vos ordres. Je vous ordonne d'arrêter de toucher à ce démon, où je vous trancherai la tête moi-même !

Des exclamations de la foule se firent entendre et les gardiens se rapprochèrent du capitaine. Balmock observait la jeune princesse d'un regard méprisant. Il était hors de question qu'il n'exécute pas les ordres du roi. Quand il sentit une puissance remonter le long de son corps dégageant une chaleur étouffante, il sut en observant autour de lui que la princesse perdait le contrôle sur ses pouvoirs. Ainsi il finit par lâcher Ash, qui se releva difficilement pour empêcher Pheone d'agir.

—Princesse, calmez-vous, lui souffla-t-il.

La jeune femme n'entendait déjà plus les paroles du démon, sa colère continuait de la consumer de l'intérieur et elle entendit une voix lui dire : « Bientôt, nous serons réunis, ta puissance et ma folie ne feront plus qu'un et nous détruirons tout ceux qui s'interposeront. ».

Cette voix l'appelait et la guidait doucement vers elle. Quand d'un coup, elle fut ramenée à la réalité par une sensation bien particulière, qu'elle n'avait jamais connue. Les lèvres du démon se posèrent sur la joue de la démone, en espérant faire revenir Pheone. Il avait vu ses yeux devenir totalement noirs, comprenant par ce signe que la jeune femme était plongée dans son esprit. Il se rappela que la magie changeait la couleur des yeux, quand le porteur perdait le contrôle. Ash avait agi sur un coup de tête comme il le faisait régulièrement dans son enfance. Il avait toujours eu un léger faible pour la démone, cependant il ne pouvait pas se permettre ce genre de sentiment envers elle. Leurs classes sociales étaient bien trop différentes l'une de l'autre, pour qu'une quelconque relation soit acceptée par le peuple des Enfers. À travers ce tendre baiser sur la joue de la démone, il ressentit à nouveau ce feu brûlant en lui, cependant il n'était pas sûr de ses sentiments. La colère de Pheone était palpable, elle paraissait même sans limite. Il se demandait envers qui elle pouvait être aussi furieuse. Par la suite, il aperçut les yeux de la démone, ils revenaient à leur couleur naturelle.

Après quelques minutes, Pheone reprenait le contrôle sur sa magie. Balmock attrapa la princesse des Enfers et souligna :

—N'êtes vous pas censée rester sur Terre pour continuer à infiltrer nos ennemis ?

Pheone s'éclaircit la voix et se mit à se demander, pourquoi elle était là.

—Je devais venir parler à mon père en personne pour discuter de l'attaque des démons sur la tribu. Il sera heureux d'apprendre que nos ennemis ont perdu un pilier très important de leur village.

—Alors je vous y amène de ce pas, annonça Balmock, avant de se tourner vers les gardiens pour rajouter, amenez-le au cachot, qu'il y passe quelques nuits.

Les gardiens obéirent et emportèrent Ash avec eux tandis que la démone fut conduite par Balmock jusqu'au Roi.

Kolaris demeura assis sur son trône, portant sur sa tête une couronne aussi noire que le ciel des Enfers où de petites particules s'échappaient des pointes. Sa tenue, quant à elle, était d'une obscurité digne de son âme. Il observa sa fille passer les portes de la salle du trône d'une démarche assurée qui ne fit que le mettre encore plus en colère. La jeune femme le désespérait, elle se pensait plus forte que lui. Ce qu'il avait aperçu la dernière fois ne l'avait pas laissé de marbre, mettant un doute à Kolaris sur la puissance de sa fille. La princesse était habitée d'une force bien particulière qui ne présageait rien de bon pour lui. Il observa bien plus en détail. La gifle, qu'il lui avait infligée, marquait son visage d'une cicatrice légère à cause des griffes du roi. Pheone ressemblait énormément à sa mère. Ces détails serrèrent le cœur de Kolaris, cela réveillait une vieille douleur.

La reine était morte d'un fléau, qui avait frappé les Enfers avant d'être éradiqué, le « démacis ». La fièvre n'avait cessé d'augmenter, détruisant les muscles du malade, le tuant lentement. Leona n'était pas arrivée aux derniers stades de cette maladie, mais l'accouchement lui avait coûté bien trop d'énergie pour continuer à résister. Cette année là, les Enfers avaient été en deuil pendant de nombreux mois puisque ce fléau avait emporté hommes, femmes et enfants sans exception. Les guerriers démons avaient tué chacun des malades, tout cela à cause d'un vieux démon fou. Il devait créer un soi-disant « antidote » à de plus petites maladies pour être immunisés. Il avait injecté dans le corps d'un démon une petite bactérie , le démacis. Il y a quelques milliers d'années, une planète entière s'était éteinte à cause de la bactérie.

La tête du vieux fou était empalée sur la porte principale du château, car Kolaris était envahi d'une colère noire lorsque la reine avait lâché son dernier souffle. La vengeance était devenu une nécessité pour lui, le démon était torturé pendant des mois puis à la fin, il avait demandé à Balmock de le décapiter pour exposer aux yeux de tous, celui qui avait tué des milliers de démons.

Le roi revint à ses esprits quand Balmock l'appela ;

—Mon roi, la princesse vient pour vous parler.

Kolaris fit un signe de la main et le démon acquiesça en sortant de la pièce.

—Que me vaut ta visite ? Comment as-tu fait pour revenir sans que je ne t'appelle ?

Cela était normalement impossible de revenir aux Enfers sans que ça ne soit Kolaris qui les téléportent en ces lieux. La démone avait trouvé une autre solution grâce à sa magie ainsi qu'à sa mère adoptive, Anya.

—Père, depuis peu ma magie s'est réveillée, me permettant de créer par moi-même un portail pour venir ici. Je suis passée par un simple miroir comme Mère le faisait fut un temps pour se promener dans les villes des Enfers. Vous en rappelez vous ?

Oh que oui, il s'en rappelait si bien... Cela avait valu de nombreuses disputes ainsi que des nuits douces, où Leona le rejoignait par le miroir, dans sa chambre. Le Roi observait l'objet, en attendant son arrivée. Son regard s'obscurcit, mais il reprit le dessus sur les émotions qui l'envahissaient.

—Pourquoi es-tu ici ?

Pheone croisa le regard de son père et fut décontenancée devant les flammes qui habitaient ses yeux.

—Je suis ici pour te dire que ton attaque fut un grand succès. La meute de loup que tu as empoisonné est presque morte. Le clan d'Adonis a perdu un de leurs plus hauts membres, Makoïs, ancien et dernier mage de sa lignée. Leur clan est plongé dans la terreur et affaibli. Si tu comptes prévoir une nouvelle attaque ne tarde pas alors.

Il vit dans le regard de sa fille un certain trouble qui ne présentait rien de bon. Depuis toujours lui et elle n'avaient jamais eu les mêmes idées d'avenir. Pheone avait toujours été plus voyageuse, voulant découvrir les autres espèces alors que Kolaris préférait largement décimer des peuples et prendre le pouvoir sur des royaumes entiers.

—Ce cher Makoïs, il ne nous manquera pas celui-là, son espèce va enfin bientôt pouvoir s'éteindre à tout jamais. Les mages sont les plus forts ennemis des démons, c'est bien pour cela que le cachot des Enfers en contient quelques-uns qui finiront bien par nous servir. Qu'as-tu appris d'autre ?

—Ils ont enfermé quelques loups de la meute les ayant attaqués et Sakina, la phœnix, a réussi à les soigner.

—Cette Sakina est une sorte de guérisseuse.. Tout cela est intéressant. Il faudrait juste que je tue cette femme pour mettre à genoux ce clan.

Kolaris s'était levé de son trône et marchait devant celui-ci en faisant des aller-retours, les mains croisées dans le dos en réfléchissant.

—Ils sont déjà suffisamment affaiblis actuellement. Il vaut mieux attendre qu'ils ne soient plus sur la défensive pour reproduire une attaque surprise comme celle-ci.

Pheone se dégoûtait elle-même de devoir donner de telles informations, mais elle voyait dans le regard de son géniteur, une méfiance face à ses révélations. Il fallait qu'elle conserve sa confiance pour être au courant des risques que couraient le clan d'Adonis.

—Tu as raison. Tu peux retourner dans ce clan, continue à récolter des informations et prépare toi à une prochaine attaque de laquelle je ne te protégerai pas.

Kolaris claqua des doigts, Pheone disparut d'un coup.

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