Chapitre 9

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Plusieurs jours s'étaient déjà écoulés. Pheone s'était réveillée dans une chambre d'hôpital avec un inconnu endormi sur une chaise juste à côté de son lit. Elle se souvenait avoir fui dans une autre direction que la tribu pour leur permettre de fuir. Les démons avaient la capacité de sentir de loin l'odeur du sang. Elle ne pouvait être totalement sûr qu'ils en soient sorti. Elle observait la pièce qui était toute blanche avec quelques meubles. La jeune femme avait du mal à se souvenir de comment elle était arrivée ici. Elle se tourna vers le jeune homme qui devait lui avoir sauvé la vie. était-ce une véritable raison pour lui faire confiance ? Il pourrait très bien être envoyé par son géniteur pour une quelconque raison ! Elle entendit un couinement provenir d'à coté d'elle avant de remarquer qu'un inconnu se réveillait doucement. Quand il ouvrit les yeux, elle fut étonnée par la couleur de ses yeux vairons, l'un était bleu tandis que le second était marron. Il ne paraissait pas particulièrement grand avec des cheveux bleu clair plutôt courts, une peau assez pâle. Il était d'une corpulence mince.

—Salut, ça fait un moment que tu es réveillée ?

Sa voix était grave et enrouée.

—Hum.. Qu'est-ce que je fais ici ?!

L'inconnu se mit à se gratter l'arrière de la nuque, gêné.

—J'ai appelé les secours qui sont venus te récupérer pour t'amener ici. Tu t'es écroulée sur un trottoir de la ville avec une flèche dans le dos. Je suis resté pour m'assurer que tu vas bien car ça fait plusieurs jours que tu es ici.

La démone écarquilla les yeux, les lèvres tremblantes. Elle avait passé autant de temps ici ? Où étaient ses amis ? Avaient-ils survécu ? Savaient-ils où elle était ? Pleins de questions sans réponses défilaient dans son esprit..

—Quand est-ce que je pourrais sortir ? Demanda la jeune femme.

—Normalement ce soir, l'infirmière est passé dans la journée pour vérifier tes constantes.

La réponse ne plaisait guère à Pheone. Il était environ neuf heure du matin. Elle perdait un temps précieux.

Elle se releva sur le lit d'hôpital et débrancha chacun des tuyaux accrochés à sa peau avant de se lever du lit rapidement. Sa vision se troubla, elle se sentit tanguer légèrement. Elle attrapa la barre de perfusion pour se stabiliser.

—Je n'attendrai pas une minute de plus ici ! Mes amis ont besoin de moi.

Le jeune homme se leva et attrapa doucement la démone par la taille pour la maintenir en disant :

—Tu dois te reposer ! Sois raisonnable.

Pheone le fusilla du regard en murmurant : « Raisonnable ? Même pas en rêve. » Alors ils sortirent de la chambre et se dirigèrent vers la sortie malgré les plusieurs interpellations des infirmières que la démone avait ignoré. Au bout d'un certain temps, ils furent devant la forêt abritant la tribu, mais la jeune femme n'entendit rien du tout, il régnait un silence improbable. Pheone gardait un brin d'espoir de les revoir un jour.

Elle se résigna en se retournant. L'inconnu lui avait proposé de l'héberger et de l'aider à retrouver les siens. Il s'était présenté, se nommant Néphélis.


Les jours avaient défilé depuis la lourde attaque démoniaque.. Les membres de la tribu ayant survécu avaient réussi à rejoindre Vénusis où le peuple Sylphes les avaient accueilli. Sakina avait rejoint le royaume Elfagos où le peuple ne crut pas en ses dires, mais ils avaient acquiescé quand leur roi avait donné l'ordre de laisser la phœnix se reposer entre leurs murs. Adonis, Chad et Xoka avaient été rejoints par Dragïos et Moukaï lors des heures qui avaient suivi l'attaque. Ils étaient tous mis en direction de Lunatios malheureusement le chef du clan avait du mal à rester de marbre. Il s'écroulait régulièrement perdant connaissance quelques minutes. Le loup avait le cœur meurtri, en n'ayant pas pu empêcher le massacre de son peuple.

Adonis ressentait une culpabilité écrasante, il se rendait compte qu'il n'avait pas réussi à tenir sa promesse. Chaque nuit avant de s'endormir, il revoyait le sang couler dans l'herbe habituellement verdoyante et pleine de vie. Tout c'était assombri à la vue des démons, il avait réalisé qu'il serait incapable de les protéger contre eux sans l'aide du dragon et de Makoïs.

Il ferma à nouveau les yeux en soupirant. Son cœur se serrait en continue, il entendait à nouveau les cris des enfants tandis que Chad et Xoka l'éloignaient de la tribu. Il se rappelait les avoir supplier maintes et maintes fois de le lâcher, qu'il devait aider les siens cependant c'était sans espoir. Il se mordilla la lèvre avant de se lever et de regarder les étoiles.

—J'ai failli à ma mission... murmura-t-il d'une voix brisée. Pardonne-moi de ne pas avoir su veiller sur eux...

~~~~~~~~~~~

Quant à la démone, depuis, sa sortie de l'hôpital, la jeune femme avait aménagé et construit des liens solides avec l'homme qui lui avait sauvé la vie.

Pheone avait tout perdu depuis l'attaque. Toutes ses affaires étaient restées là-bas, il lui était donc impossible de continuer à faire semblant d'être une espionne pour son père. Cependant, la démone se questionna sur la tentative de Xocarès, son géniteur avait-il ordonné de l'exécuter ?

L'homme avec qui elle vivait était quelqu'un d'attachant et de sensible à la cause des surnaturels. Il n'avait pas de don particulier, pourtant il souhaitait se battre avec eux. Il ne comprenait pas la haine que vouer le gouvernement à toutes leurs espèces, il supposait justement une sorte de peur face à des êtres différents et dotés de magie.

Ce soir de pleine lune, Pheone attendait assise dans le canapé du salon de l'appartement de Néphélis. Elle le regarda arriver avec un pyjama tigre et brusquement, elle éclata de rire.

—Qu'est-ce que c'est que cette tenue ? ria-t-elle.

Le jeune homme rougissait en avançant avec un jeu de société dans les mains, Ankilotis. Ils s'étaient beaucoup rapprochés depuis sa sortie de l'hôpital, elle aimait bien la douceur et la gentillesse de Néphélis, il cuisinait divinement bien en plus !

—C'est mon fidèle pyjama, déclara-t-il. Quoi ? Tu me trouves pas sexy comme ça ?

Il finissait sa phrase par un clin d’œil, qui fit éclater de rire Pheone. Elle était essoufflée car elle n'arrivait pas à s'arrêter, au point que quelques larmes s'échappaient de ses yeux.

—Oh mon dieu que non ! Ce n'est pas comme ça que tu pourras draguer un autre tigre, je te l'annonce !

Il lui tapa l'épaule en disant « hé » et ça amplifia le rire de la démone face au regard de chiot de Néphélis.

—Je te permets pas ! Je suis sûr que si un tigre me voyait, il voudrait directement de moi car je suis trop grrr, grogna-t-il en faisant un mouvement de griffes avec ses mains.

—Il prendrait sans doute la fuite mais ne t'inquiète pas, je serai là pour te faire un gros câlin, mon petit nounours, annonça-t-elle en déposant sa tête sur l'épaule de l'humain.

Ils reprirent leurs sérieux, en plaçant le jeu de société sur la table basse. Pheone remarquait que pendant qu'ils jouaient, Néphélis lui jetait parfois quelques regards.

—Tu sais Pheone... ça me fait bizarre de voir quelqu'un qui m'accepte comme je suis, annonça-t-il d'une voix vibrante. Au début, je pensais que tu allais réagir comme tout le monde mais non...

La jeune femme lui souriait, en passant son bras derrière la nuque de son ami et elle l'attira contre elle. Elle embrassa délicatement sa joue.

—Néphélis, tu es quelqu'un de formidable, déclara-t-elle. J'apprécie la personne que tu es.

Le jeune homme soupira alors qu'une larme coulait le long de sa joue.

—Oh mon petit nounours, murmura-t-elle en le câlinant. Un jour, les gens comprendront que ce n'est pas une orientation sexuelle qui fait la personne que nous sommes.

—Tu n'imagines pas comme ça me fait du bien d'entendre ça, avoua-t-il d'une voix tremblante. Mes parents m'avaient rejeté et insulté lorsque je leurs avais annoncé. Je me suis retrouvé seul et trahi par les personnes dont j'étais le plus proche.

Il sanglot dans les bras de la démone. Ses yeux brillaient de chagrin mais aussi de soulagement. Il se sentait enfin libre malgré le faite qu'il ne pourrait pas montrer son homosexualité dans la rue, car c'était mal vu d'être différent des autres même dans sa propre espèce. Rien que ses cheveux bleus lui avaient apporté énormément de moqueries, sans compter son physique très fin, où on lui disait qu'il était « squelettique », « un mort ambulant ».

—Merci Pheone, vraiment... merci.

—Chut, Néphélis. Tu n'as pas à me remercier, tu es libre d'être qui tu veux être, le réconforta-t-elle.

Les jours suivants, le jeune homme chantait dans tout l'appartement, en dansant parfois. Pheone venait souvent le rejoindre et ils finissaient par mettre l'appartement sans dessus-dessous.

Au bord d'un café sur le petit bar de la cuisine, la démone le questionnait sur son espèce.

—C'est dommage que certains humains ne nous aiment pas, soupira-t-elle en buvant sa boisson.

—Notre espèce est très difficile à comprendre. Nous faisons attention à l'environnement mais la majorité préfère continuer leurs vies quotidiennes en détruisant notre ville, déclara-t-il. Avant Névésias ressemblait plus à un petit village jusqu'à qu'elle se modernise et devienne entièrement technologique.

Pheone écoutait attentivement son ami, il lui racontait l'évolution de sa ville, le comportement des humains, où un jour ils pouvaient vous faire croire qu'ils étaient vos alliés, puis le lendemain vous trahir. Pheone se trouvait captivée par les connaissances qu'il lui apportait, cependant elle était déçu de leur façon de vivre et d'être. La démone avait entendu de nombreux récits sur eux par Anya mais à aucun moment, elle ne les avait décrit ainsi. Pourtant, elle garda espoir en voyant le sourire de Néphélis.

—Au moins, quelques personnes tentent de changer les choses, souffla-t-elle.


Dans l'après-midi, la démone était assise à table face au jeune homme, tous les deux observaient en détails une carte des environs pour découvrir où avaient pu partir ses amis. Elfagos était à environ 5km à l'Ouest. Vénusis se situait au Sud de la tribu et à l'opposé se tenait Névésias, tandis que Lunatios se positionnait à l'Est mais d'après les rumeurs, la prêtresse de ce royaume était une femme sans aucune pitié. Il était inconcevable pour Pheone que certains de ses amis se soient dirigés vers ce royaume des plus dangereux.. Après, il ne restait qu'au Nord, Névésias, une des nombreuses villes de l'espèce humaine où était Pheone depuis... Les visions de cette nuit d'horreur hantaient encore la démone. Elle voyait à nouveau le sang, son peuple massacrer des enfants sans aucune once de regret. Elle courrait pour sauver le moindre petit qu'elle pouvait... Ce qui lui avait permis d'en sauvé six ainsi que quelques adultes à qui elle avait conseillé d'aller à Vénusis, la jeune femme espérait de tout cœur que ses âmes innocentes étaient arrivées là-bas et qu'ils étaient maintenant en sécurité entourés d'un des peuples les plus pacifiques. Il ne manquait plus qu'elle retrouve la trace d'Adonis et ses amis. Il ne restait qu'une possibilité d'endroit où ils avaient pu se réfugier, Lunatios. Alors c'est là-bas que Pheone se rendra dans quelques jours...

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Ash était appuyé contre son lit face aux barreaux qui le maintenaient prisonnier. Ses pensées se dirigèrent vers la princesse démone, se demandant si elle était toujours avec le clan de la tribu ? Comment allait-elle ? Était-elle toujours aussi rayonnante ?

Le jeune homme s'imaginait parfois Pheone dans la même cellule que lui. Elle lui souriait et parlait de ses journées, faisant chaviré le cœur du démon.

Il essayait de garder l'esprit clair mais ce n'était pas toujours simple. Il trouvait du réconfort au travers de ses illusions. Chaque jour, les gardes venaient le chercher pour l'amener dans une salle sombre et à l'odeur nauséabonde. Il recevait de nombreux coups jusqu'à qu'il succombe à la douleur.

Pendant que le jeune homme se triturait les doigts, la prêtresse avançait à grand pas en direction de cette cage. Quant elle fut devant les barreaux la séparant de son prisonnier, elle lâcha un souffle lassé de cette situation incessante... Les jours défilaient, cette « Pheone » ne s'était toujours pas présentée, mais la jeune femme sentait qu'elle devait garder le démon avec elle quoi que cela lui en coûte. Ensuite, Azuria ouvrit la porte en disant :

—Viens, au lieu de te laisser pourrir en prison, je vais te faire découvrir notre royaume en attendant que ta « princesse » vienne.

Ash resta un moment perplexe mais finit par se relever totalement courbaturé, il suivit la femme aux longs cheveux blancs. Le fait qu'elle ait une épée constamment sur son épaule faisait froid dans le dos du démon. Sortie des prisons, Azuria le guidait vers l'immense cité du royaume de Lunatios. Le démon remarquait que les hommes jetaient des regards lubriques, envieux voir fourbes à la prêtresse tandis que les femmes l'observaient avec haine, jalousie et férocité. Alors qu'ils avançaient, une ange morte se tenait droite, fixant avec détermination Azuria. Elle défiait ouvertement la guerrière à un combat à mort.

Ash avait été tiré en arrière par les gardes, devenant spectateur du combat à mort. I l observait la jeune femme dégainée son épée tandis que l'adversaire tenait une hache dans ses mains, elle était bien plus grande et plus robuste que la prêtresse. Cependant l'ange morte n'était pas assez rapide face à Azuria, au point que la guerrière mit un premier coup dans l'arrière du genou de son adversaire. Elle chuta dès le début avant de se relever quelques secondes après. Une danse d'armes se mouvait devant les yeux admiratifs du public, la prêtresse paraît n'importe quel coup de son adversaire tout en essayant de placer quelques attaques, affaiblissant petit à petit l'ange morte sauf qu' Azuria fut blessée. Elle reçut un coup de hache sur le coté droit de sa jambe droite qui la fit défaillir sous la cicatrice profonde qu'avait laissée l'arme. La prêtresse força sur sa jambe, ne se laissant pas submerger par la douleur et fendit d'un coup rapide pour atteindre sa cible, traversant la chair jusqu'à atteindre le poumon de son adversaire. Elle s'écroula au sol emportant la lame de la guerrière dans sa chute. La prêtresse se mit à genoux à coté de l'ange morte qui respirait difficilement, les nombreuses blessures avaient déjà affaibli la femme et la dernière lui fût fatale... Azuria lui attrapa la main en la serrant fort puis en la regardant dans les yeux lui dit :

—Toi, ange morte, guerrière du peuple de Lunatios, tu as combattu pour les tiens jusqu'à ton dernier souffle. Tu t'en vas rejoindre les cieux avec tous nos autres guerriers tombés au combat. Je te remercie pour tes années passées à mes côtés, à combattre entre sœurs d'armes. Ta famille sera en sécurité, je te le promets maintenant, tu peux t'en aller en paix, mon amie.

L'ange morte lui serra la main puis en faisant un dernier signe de la tête, elle lâcha son dernier souffle lorsqu'une voix fluette se fit entendre dans la foule. Ils virent tous une petite ange morte d'environ cinq ans approcher en répétant « maman ? ». Elle tenait un ours aussi blanc que la neige où était accrochée une sucette que la petite avait dans la bouche. La petite fille s'arrêta et ouvrit grands les yeux avant de s'approcher lentement de là où reposait le corps de sa mère sans aucun doute... Azuria fut attendrie par le regard innocent de la petite, la prêtresse sentit de nouveaux remords se poser sur ses épaules déjà bien chargées . La guerrière venait d'enlever la vie à une adversaire, à une sœur d'arme, mais aussi à une mère de famille.

Le démon en retrait de la scène vit les bras d'Azuria s'affaisser. Ash comprenait la difficulté d'être la prêtresse de Lunatios, le fait de de combattre jusqu'à la mort sans cesse. Il pensa que la jeune femme avait sans doute de nombreux regrets. La petite fille se mit à genoux à côté d'Azuria puis se mit à pleurer en s'appuyant sur le corps de sa défunte mère tout en répétant : « Maman... » . Azuria revenait doucement vers eux pour quitter cet endroit. Elle laissait derrière elle, une femme en deuil ainsi qu'une fillette perdue. Lorsque la prêtresse fit quelques pas pour s'éloigner, elle fut arrêtée par cette même voix fluette, qui l'observait d'un regard empli de tristesse avant de dire :

« Pourquoi vous avez fait bobo à ma maman... Maman est gentille. »

La petite avait du mal à bien prononcer chacun des mots qui sortaient de sa bouche. Elle devait voir sa mère comme une véritable héroïne et ne comprenait pas pourquoi la prêtresse avait dû la tuer.

Azuria souffla un grand coup ramenant toute son assurance et sa froideur avant de se retourner vers la petite fille qui serrait maintenant très fort son ours en peluche contre son visage tout en essuyant de la main libre les larmes qui coulaient le long de ses petites joues dodues. Elle avança doucement et s'accroupit face à l'ange morte en prenant la parole d'une voix douce mais tranchante.

—Je le devais, ma petite. Ta mère m'a défiée dans un combat à mort. Tu dois savoir mon enfant, que tu es née dans un des peuples les plus cruels existants sur cette Terre. N'aies crainte, ma petite. Tu es maintenant sous ma protection, va retrouver ton père puis dirigez-vous vers le château dans lequel je vous rejoindrai plus tard.

—Mais maman..

Azuria attira l'enfant dans ses bras, faisant pour la première fois depuis des années un câlin à un enfant... Le nez de la jeune femme reposait dans les cheveux couleurs cendres de la petite, une odeur délicieuse de vanille s'en échappait. La guerrière s'autorisa à respirer un grand coup avant de se reculer et d'annoncer à l'enfant que sa mère ne reviendra pas.

—Mon ange, ta mère est morte en guerrière. Je suis sûre que actuellement elle doit être en train de fêter son arrivée dans les cieux avec tous nos autres guerriers tombés au combat.

La petite pleurnicha encore un peu en acceptant de la tête ce que lui disait la prêtresse puis vint le moment où un homme plutôt grand et imposant attrapa la main de l'enfant la tirant pour l'éloigner de Azuria. La jeune femme releva la tête pour croiser des yeux couleurs acier avec un regard brûlant de colère. L'homme avait une mâchoire carrée dotée d'une fine barbe châtain avec une chevelure courte blond platine, une peau légèrement bronzée. Il avait un corps robuste, costaud même, un bûcheron peut-être ? Un forgeron ? La jeune femme n'en savait rien, elle ne le connaissait pas particulièrement.. Et elle en fut fort déçue vu sa prestance et sa beauté puis ce regard brûlant qui fit frissonner la prêtresse. Une voix grave sortit de la bouche de l'inconnu :

—Vous n'avez pas honte de dire ça à mon enfant ? D'avoir tué une femme innocente qui vous pensiez juste dangereuse pour notre peuple. Vous êtes aussi froide que la glace ! Tout le monde sait que vous n'avez pas de cœur, mais à ce point-là ? Au point de regarder un enfant dans les yeux en lui disant qu'il ne reverrait plus jamais sa mère ?!

Cet homme hurlait sur Azuria qui perdit l'équilibre. En étant accroupie, elle s'écroula sur les fesses tout en gardant son regard fixait dans celui de l'inconnu. Pourquoi ce que disait l'inconnu lui faisait si mal ? Pourquoi cela la touchait-il autant ? L'homme reprit la parole en finissant d'achever verbalement la guerrière :

—Nous viendrons avec vous dans votre château pour que ma fille ait accès à tout ce qu'elle a besoin. Ne comptez pas sur nous pour vous adresser la parole ou même vous regarder. Vous ne valez rien !

Les gardes se pressèrent pour attraper l'homme et le mettre à genoux. Un des soldats prépara sa lame pour exécuter l'inconnu sauf qu'Azuria se remît debout, s’époussetant avant d'ordonner.

—Ne le tuez pas ! Amenez-les directement dans leur nouveau domicile, je m'occuperai de cet énergumène, elle se tourna vers le démon en continuant. Vous, suivez-moi, nous allons continuer.

Ash regarda la guerrière, ébahi devant une attitude aussi distante et glaciale, il comprenait d'où elle tenait une telle réputation. Quand il vit une des maisons en bois sombre et en pierre, avec souvent une porte présentant une petite fenêtre. Il put lire plusieurs pancartes disant « auberge » , « bibliothèque » , « marché » et tellement d'autres qu'il n'arrivait pas toujours à traduire, certains étaient écrits dans l'ancienne langue des anges morts. Puis Azuria le fit rentrer dans un bâtiment où il y avait des écriteaux étranges. Quand il vit un grand bain devant-lui et plusieurs personnes ne portant pas le moindre tissus sur eux. Il avait l'impression d'être dans un « bordel » et Azuria lui fit un signe de tête, lui faisant comprendre que c'était bien le cas. Le démon se mit sur la défensive en disant à la prêtresse qu'il souhaitait sortir.

—Nous venons à peine de rentrer, je vous permets de profiter de la maison.

Ash refusa de la tête détournant le regard sauf qu'il fût trop tard, la guerrière avait vu sur quoi les pensées de l'homme était focalisée. Cette démone unique avec une longue chevelure d'une jolie couleur rousse avec des yeux émeraude.

—Quand cesserez-vous de penser à elle ?

Il répondit :

—Peut-être un jour mais il n'est pas encore arrivé. Pheone et moi, sommes liés depuis notre enfance. Elle me permettait de tenir le coup malgré la torture qu'on m'infligeait.

Il se souvint d'un moment, où ils s'étaient disputés sur ses obligations.


Ash se tenait dans une immense salle, où trônait une table au centre. Il devait rester droit, sans bouger le moindre petit doigt. C'est à ce moment-là, qu'il la vit rentrer dans la pièce. Elle était éblouissante malgré la colère qui faisait ressortir quelques rides. Elle avançait rapidement, les poings serraient. Pheone posa son regard sur l'adolescent, qui tressaillit à la vue de ses pupilles de feu.

—Toi ! cria-t-elle en se rapprochant. Quand est-ce que tu vas désobéir à mon abruti de père ?

Il comprenait pourquoi elle lui en voulait. Il avait dû la séparer de Xoka, son familier.

—Je croyais qu'on était ami ? cracha-t-elle, en frappant son doigt sur le torse du garçon.

—Je n'avais pas le choix, murmura-t-il d'une voix lasse.

—Pas le choix ? grogna-t-elle, en fronçant les sourcils. On a toujours le choix !

—Non, pas quand on est sous les ordres de ton père.

Il attrapa la main de Pheone, elle tenta de la retirer mais il resserra sa prise dessus. Il entendait son cœur battre dans sa poitrine, à la vue des larmes de colère se logeant dans le regard de la démone.

—Je ne voulais pas faire ça, crois-moi, la supplia-t-il, désemparé.

Il ne devait pas bouger mais il ressentait le besoin de serrer la jeune fille contre lui. Il l'enlaça, lui murmurant à quel point il était désolé d'avoir fait ça. L'adolescente était statique, sa colère diminuant face à la détresse de son ami.

—Qu'est-ce qu'il ta fait ? demanda Pheone, les yeux larmoyants.

—Rien, gronda-t-il, en détournant le regard.

Elle attrapa l'armure du démon mais il l'empêcha d'aller plus loin. Il la suppliait du regard de ne pas chercher à continuer.

—Pourquoi tu ne veux rien me dire ? demanda-t-elle d'une voix tremblante. Je peux t'aider !

—Car tu souffres déjà suffisamment, murmura-t-il en déposant sa main sur la joue de l'adolescente.

Elle baissa le regard, caressant délicatement la main du garçon.

—Je t'en prie, laisse-moi t'aider, murmura-t-elle.

Ash l'observa un instant. Puis il prit l'initiative de détacher son armure. Le plastron s'écroula au sol dans un bruit assourdissant. Il souleva son vêtement.

Pheone cria d'horreur, en appuyant ses mains sur sa bouche tandis que les larmes roulaient sur ses joues.. Le dos de l'adolescent était marqué de multiples plaies plus ou moins profondes. Certaines commençaient même à s'infecter, la peau autour devenait boursouflée.

—Pourquoi ? chuchota-t-elle d'une voix faible.

—J'ai tenté de désobéir, répondit-il en se rhabillant. Je ne voulais pas te séparer de Xoka. Je sais à quel point, tu as besoin d'elle à tes côtés.

—Merci pour ce que tu as fait mais tu ne dois pas te mettre en danger pour moi, déclara-t-elle en touchant son bras crispé.

Il hocha la tête, même s'il ne le fera jamais. Ash souhaitait protéger l'adolescente de son géniteur. Ses sentiments commençaient à évoluer au fil du temps. Au début, il n'avait vu que de l'amitié entre eux sauf que petit à petit, l'amour se fit une place dans son cœur.


Il se souvenait que leur relation avait changé. Qu'il continuait de l'aimer malgré les années qui s'écoulaient. Ash se rappelait chaque instant passé au côté de Pheone, les moments de rire comme ceux de pleurs. Toutes ces fois où leurs mains s'étaient touchées, où ils se regardaient...

Le démon se dirigea vers la sortie suivi de près par la prêtresse qui trouvait cet homme de plus en plus intriguant, mais stupide, dépendre de quelqu'un ? Oh non, surtout que la prêtresse avait l'interdiction formelle d'avoir un mari, ce qui parfois devenait parfois difficile. Une certaine solitude se sentait dans le château mais maintenant il y avait le démon, l'ange mort et la petite. Il deviendrait bien plus animé et donnerait plus envie de s'aventurer dans les vastes couloirs. Elle ordonna à Ash de la suivre jusqu'à son domicile.

Quand ils arrivèrent, le démon vit un immense château. Son architecture et sa façade montraient qu'il était entrenu depuis plusieurs siècles. Azuria le fit entrer l'amenant dans une des nombreuses chambres avant de lui dire :

—Je vous libère de votre prison, mais tant que votre princesse des Enfers ne sera pas venue, vous ne sortirez pas de ce fort sans garde.

Le démon hocha la tête, au lieu d'être enfermé dans une prison.

Azuria avait demandé à ses gardes où elles avaient placé l'homme et l'enfant. Elles lui répondirent qu'ils venaient d'être installés dans la chambre à côté de la sienne. Elle ouvrit doucement la porte qui était à quelques pas de la sienne, elle tomba sur une scène qui attendrit son cœur. Un père jouant avec sa petite au coin du feu, mais malheureusement pour la prêtresse le charme fut vite brisé quand l'inconnu la vit. Un froid glacial s'installa dans la pièce.

—Ne vous avais-je pas dit qu'on ne souhaitait pas vous voir et encore moins vous parler ? Allez vous-en !

La jeune femme resta de marbre et avança dans la pièce, réduisant la distance entre eux à quelques vulgaires carreaux les séparant.

—Je vous en prie... Comprenez moi ! Votre femme m'a défiée dans un combat à mort, comment aurais-je dû réagir à votre avis ?

—Vous avez tué une innocente !

—Une innocente qui a voulu me tuer ! Vous m'accusez alors que vous savez très bien que je n'ai pas pris cette décision, que si j'avais refusé le peuple se serait retourné contre moi, c'est ça que vous vouliez ?

—Oui, combien de vie avez-vous enlevé depuis que vous êtes au pouvoir ? Bien trop, cracha-t-il. Vous êtes froide, vous tuez sans la moindre pitié. Vous ne devriez pas diriger Lunatios.

La jeune femme alla s'asseoir sur le lit de la chambre tandis que l'homme posait délicatement sa fille sur le canapé, face à la cheminée alors qu'il prenait appui sur le dos de ce même meuble.

—Il le faut bien sinon chacune des femmes tenterait de me tuer.. J'affronte ce genre de défi presque chaque jour. Si je venais à mourir, une femme bien plus terrible pourrait prendre ma place et vous repartiriez peut-être en guerre contre d'autres royaumes ! Je suis froide, mais j'ai des émotions, des faiblesses, j'ai une part d'humanité. Vous me blâmez sans même voir la difficulté d'être « prêtresse », ni en question votre défunte femme.

La guerrière se leva se dirigeant d'un pas assure vers la porte qu'elle entreprit d'ouvrir avant d'être stoppé.

—Vous avez tort. Ma femme vous a sans aucun doute défiée puisqu'elle me l'avait dit, il y a de cela plusieurs jours qu'elle souhaitait prendre votre place. Ce que je désapprouve « prêtresse » est votre façon de parler à une enfant qui est innocente dans cette histoire. Une petite qui n'a pas demandé de grandir dans ce monde et encore moins dans ce peuple. Alors respectez-la au moins. Puis vous avez une faiblesse que le peuple connaît bien d'après ce qu'on dit, vous ne résistez pas à l'appel du corps d'un homme.

La guerrière prit cela comme une gifle, il venait de l'insulter de « pute » ? Elle fut abasourdie par cet inconnu présent derrière elle.

—Vous dîtes de moi que je suis un être sans cœur, mais vous-même en ce moment vous parlez de rumeur sans savoir la vérité. J'ai récemment couché avec un voleur que j'ai exécuté après nos ébats, et alors ? Dois-je vous rappeler que je n'ai pas le droit d'avoir un époux ? Que je suis vouée à rester seule ? Veuillez me lâcher maintenant avant que je hurle pour alerter les gardes.

L'homme lâcha Azuria en reculant de plusieurs pas, il avait oublié la présence d'ancienne loi qui interdisait d'être en couple. Comment pouvait-on obliger quelqu'un à une vie entière de solitude ?

La colère régnait en lui. Il ressentait l'envie de serrer ses poings, de frapper dans le mur. Elle avait tué sa femme, il connaissait les enjeux du choix de Payna. Son épouse lui parlait régulièrement du fait qu'elle voulait devenir prêtresse. Qu'elle méritait ce rang après toutes les années, où elle avait combattu pour son royaume. Il savait que sa femme avait soif de pouvoir mais il pensait pouvoir l'aider à la contrôler, en discutant avec elle à chaque instant où elle mettait ce sujet sur la table. Pourtant, elle avait fini par agir. Payna était morte et il ne pouvait pas en vouloir à Azuria, elle n'était pas la seule coupable.

Il sentait la tristesse se frayer un passage jusqu'à son coeur. Il avait aimé Payna comme un fou. Il adorait le rire de sa femme. La seule chose qu'il détestait, ce fut le moment où ils eurent un enfant. Payna n'était pas faite pour être mère, préférant lui déléguer ce rôle.

Il comprenait la difficulté d'être prêtresse après avoir vu de nombreuses fois des guerrières la défiaient. Il avait à chaque fois aperçu le regard éteint de Azuria. Il se demandait si elle était vraiment la femme qu'elle montrait.

Il se sentait perdu dans ce tourbillon de tristesse. Sa colère s'atténuant lentement. L'ange morte éprouvait un sentiment de culpabilité. Peut-être que s'il avait été là, Payna serait resté chez eux.

—Je... Je suis désolé, j'avais totalement oublié nos anciennes lois. Je me nomme Xyféris et ma fille s'appelle Sinélia.

La guerrière le remercia d'un mouvement de tête fluide avant de dire :

—Je suis Azuria

Elle ouvrit la porte, la traversant avant de la refermer derrière elle. Elle s'appuya dessus pour reprendre son souffle mais de l'autre coté, elle entendit un murmure prononçant son nom d'une voix grave et chaude, faisant frissonner la jeune femme avant d'entendre une petite voix s’esclaffer :

—Papa ! Papa ! evient joue avec moi.

La petite ange n'arrivait pas à prononcer les « R » … Cette douce enfant qui avait touché le cœur de la guerrière au sang-froid inébranlable pourtant aujourd'hui, quelqu'un venait de réussir à lui faire perdre en quelques secondes. Elle se disait qu'il faudra qu'elle règle ce problème très rapidement, avant que son cœur ne réapparaisse pas.

La journée s'était écoulée rapidement. Ash dormait paisiblement alors qu'à quelques portes plus loin, l'ange morte cogitait sur ce qu'il s'était passé plusieurs heures auparavant.. Elle avait accepté un défi qui avait amené une guerrière jusqu'à la mort.. Cela la tourmentait malgré que depuis plusieurs années du sang soit venu tâcher ses mains si fines et douces. Son peuple la défiait régulièrement la pensant faible dû à son jeune âge sauf qu'à chaque fois, la prêtresse en ressortait victorieuse mais blessée puisque après tout, elle n'est pas un être immortel. La guerrière se leva de son lit, grimaçant sous la douleur de sa blessure. Elle alla dans sa salle de bain pour désinfecter sa plaie. Cette blessure serait une faiblesse pour les prochains jours à venir.

Pendant que la jeune femme s'occupait de panser sa plaie, un homme pénétrait sa chambre faisant le moins de bruit possible...

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