Chapitre 16

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Pheone tournait sur elle-même, elle ne comprenait pas où elle se trouvait. Elle était encore une fois au milieu d'une immense forêt mais tout paraissait majestueux, des rayons de soleil traversaient les feuillages des arbres tandis qu'on entendait les chants des oiseaux et qu'on voyait l'herbe danser sous les légères rafales de vent.

Elle vit un hibou se poser sur les branches d'un chêne, un renard polaire qui ressemblait à Xoka sortit des buissons et se rapprochait de Pheone, puis un immense dragon bleu clair avançait gracieusement à travers les arbres.

—Où suis-je ?

Le dragon bleu l'observa attentivement alors que sa queue remuait lentement dans son dos.

—Dans l'autre monde. Tu es entre la vie et la mort, petite étoile.

Cette voix était douce et paraissait si tendre, elle reconnaissait là-dedans une mère dragonne.

—L'autre monde ? Qu'est-ce que c'est ?

Dans sa mémoire, tout était assez flou. Elle ne se rappelait pas des derniers événements qui l'avaient mené ici. Le dragon souffla par ses narines d'où une légère fumée sortait.

—Tu es gravement blessée, entre la vie et la mort.

C'était la renarde polaire qui venait de prendre la parole et à l'intonation de voix, elle sut que c'était bel et bien Xoka alors elle tenta de la serrer dans ses bras. Toutefois, elle traversa le corps de l'animal. Une larme se nicha dans le coin de son œil avant de dévaler le long de sa joue.

—Xoka.

—Leona, plutôt.

Pheone resta hébétée face à cette révélation, elle ressentit d'abord une certaine forme de joie avant d'avoir la sensation d'avoir été trahi, elle ne lui avait jamais dit qu'elle était sa mère depuis le début ! Cependant, elle se remémora les vieilles histoires qu'on lui avait raconté, comme quoi une âme pure pouvait devenir un animal.

—Qui sont le hibou et le dragon ?

—Makoïs est le hibou et la dragonne, c'est Nikaya, la mère de Dragïos, présenta Leona. Nous veillons sur toi depuis le début.

—Pourquoi suis-je ici alors ?

Leona s'approcha agilement de la démone pendant que Makoïs venait se poser sur son épaule et que la dragonne s'enroulait à ses pieds.

—Car c'est ton destin, il faut que tu libères la magie que tu as en toi et que tu apprennes à t'en servir avec aisance. Néanmoins, tu dois te méfier du mage noir, il vit en toi depuis ta naissance. Il n'est et ne sera jamais ton allié, tu ne dois pas compter sur lui.

Une lueur blanche s'enroula autour des jambes de la jeune femme ainsi qu'une autre lueur bleu clair qui remontait jusqu'à son buste.

—Reste au côté de mon enfant, il sera là pour te protéger car telle est sa mission.

Puis une lueur verte tournait autour de son visage, la démone était émerveillée par ces mélanges de couleurs qu'elle chercha à les toucher mais ce fut en vain.

—N'oublie jamais qui tu es. Méfie toi des apparences, ceux sont souvent les plus trompeuses, conseilla Makoïs alors que la jeune femme disparaissait.

—La magie s'envolera... Tout repose sur ses épaules maintenant. Elle devra libérer son pouvoir et affronter les obstacles qui l'attendent, ajouta Leona d'une voix chevrotante.

—Le mal est à leur porte. La phoenix s'éteint tandis que l'elfe de la nuit devient un ennemi de plus, murmura Nikaya.

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La démone revint à elle dans un lit des plus étranges, il était totalement en bois avec un matelas peu confortable. Elle se mit à observer autour d'elle et remarqua Ash, il dormait sur une chaise à sa droite, les bras croisés avec une légère mèche de cheveux tombant sur son visage. Néphélis était accoudé à la porte de la pièce, en tournant le dos à Pheone. Elle put voir aussi des étagères remplies de potions, elles portaient toutes des noms dans une ancienne langue disparu.

—Petite étoile, mon souffle de dragon te protégera lorsque tu en auras le plus besoin.

La voix de la dragonne résonna en elle, le souffle du dragon... Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Il lui faudrait trouver des livres anciens, ils en parleraient sans doute de l'espèce ou du clan des dragons.

Elle tenta de se lever, mais grimaça en faisant cette action. Elle dut se rattraper à l'un des barreaux du lit lorsqu'elle se mit assise.

Ash se réveilla doucement en entendant de légers grognements de douleur à côté de lui. Il sursauta lorsqu'il vit Pheone tentait de se lever, il se releva brusquement et l'attrapa par les hanches pour l'aider à se mettre droite.

—Tu ne devrais pas te lever maintenant, ta plaie est encore...

Il remarqua que la blessure avait totalement disparu remplacée par un immense tatouage d'un dragon bleu clair qui dormait sur son sein avec la queue enroulée autour.

—Comment cela est-il possible...

Ash observait l'endroit où la plaie avait reposé sans réussir à trouver la moindre raison logique, à ce qu'il venait d'arriver.

—Ah, vous êtes enfin réveillée !

Elle vit un homme plutôt âgé se rapprocher avec sa canne tandis que Néphélis restait en retrait à regarder. Le vieil homme détailla le tatouage et murmura :

—Par ma barbe ! Le souffle du dragon !

Il alla prendre un livre dans l'autre pièce avant de revenir et de le poser sur une petite table où il souffla dessus en faisant voler la poussière autour. Il tourna les pages et s'arrêta sur l'une d'elle, il mit ses lunettes puis fit glisser son doigt sur la page en lisant rapidement.

—Le dragon bleu est particulier, c'est un dragon rare emplie de sagesse et de compassion. Lorsqu'un dragon vous offre son souffle, il vous promet une protection. Lorsque vous serez aux portes de la mort, il viendra vous sauver.

—Me sauver ? Le souffle du dragon mais comment ?

—Ce souffle est unique, il est même très rare. Ils ne donnent pas leur souffle sans raison, mais quand ils le font, on peut être sûr qu'ils l'offrent à quelqu'un de confiance, annonça-t-il. Vous êtes maintenant protégée par ce dragon bleu qui repose sur votre corps, vous pourrez peut-être même entendre sa voix en vous.

La démone laissait courir ses doigts sur cette marque, quelqu'un veillait maintenant sur elle d'une toute autre façon, mais cette personne n'était pas n'importe qui. La mère de Dragïos, le dragon bleu, un être unique.

—Comme quoi, Pheone. Tu deviens vraiment un être étrange, que vont dire les hommes en voyant ton sein bleu, maintenant ?

Néphélis rigolait tandis que la démone l'observait d'un regard assassin. Ash faisait des détours avec son regard entre les deux car il ne comprenait pas la relation qu'ils entretenaient.

Il entendit des bruits puis la porte dans l'autre pièce s'ouvra avec fracas. Il se précipita entre les deux pièces en tenant son épée devant-lui, quand il remarqua...

Xyféris portait Azuria tandis que Chad les suivait derrière. Le médecin les rejoignit pour mettre en place un lit de camp, il fallait allonger la blessée sur le ventre, le diagnostic serait s'en doute sans retour. L'ange mort tira une chaise et s'assit juste à côté, il serra la main de la prêtresse pendant que Chad s'appuyait contre le mur, la tête basse.

Ash avait approché, Néphélis restait dans l'autre pièce avec Pheone. Il posa sa main sur l'épaule de Chad avant de prendre la parole.

—Où sont les autres ? Où sont Adonis, Lidéos et Sinélia ?

Brusquement, Chad frappa dans le mur d'un coup de pied. Il sortit en trombe de la maison sous les regards étonnés.

—Adonis est mort, déclara Xyféris en resserrant sa prise sur la main d'Azuria. Il s'est sacrifié pour me protéger du piège dans lequel nous étions tombés. Sinélia et Lidéos ont disparu mais nous ne savons pas où ils sont...

Les traits de Xyféris étaient tirés, il mordillait sa lèvre inférieur, il devait être inquiet pour sa fille mais aussi frustré de ne pas pouvoir partir à sa recherche tout de suite. Son pied tapotait le sol, Ash lui vouait une certaine admiration pour le sang-froid qu'il possédait, d'être si calme dans une telle situation.

Soudainement, un vase s'écrasa au sol alors qu'un corps chutait à la suite contre le plancher. Le démon se retourna et vit Pheone au milieu des débris, elle fixait un point invisble devant-elle tandis que les larmes roulaient le long de ses joues. Un hurlement franchisa ses lèvres, si fort que les fenêtres tremblèrent avant de se briser pendant que la jeune femme tombait d'épuisement dans les bras de Néphélis.

—Cette femme... Elle est...

Le médecin ne trouvait pas les mots pour expliquer le pouvoir que venait d'utiliser Pheone, elle possédait un don plutôt rare, peut-être dû à son hybridation.

—Que s'est-il passé exactement ? Dans quel piège êtes-vous tombé ? Demanda Ash calmement.

Le démon observait Pheone évanouie au sol, elle paraissait agitée, ses yeux ne cessaient de bouger sous ses paupières. Il était inquiet pour elle, pour ce qu'elle allait devoir affronter avant de pouvoir faire le deuil d'Adonis, peut-être ne serait-il pas le dernier en plus. Combien de vie prendra encore cette guerre ?

—On est tombé dans un piège tendue par une guerrière, il m'a protégé d'une pluie de flèches, annonça Xyféris en regardant ses chaussures. À la teinte de sa peau livide, je pense qu'elles étaient empoisonnés et qu'il se répandait vite.

L'ange mort ferma les yeux, il tentait de cacher la douleur que lui apportait ce souvenir encore chaud. Son poing se serrait et se desserrait sans arrêt contre son genou. Ses mains tremblaient tout comme ses lèvres, il culpabilisait de ne pas avoir pu agir, de ne pas avoir trouvé une autre solution ! Il était médecin ! Il aurait dû faire quelque chose...

—Il m'a regardé et j'ai lu dans son regard, qu'il me demandait d'abréger ses souffrances, ajouta-t-il d'une voix fébrile. Je l'ai fait. Mon épée a transpercé sa poitrine et j'ai entendu son dernier murmure, son dernier souffle.

Il mordit sa lèvre inférieur jusqu'au sang. Ses épaules furent secouer par un sanglot, il sentit une main réconfortante se poser sur son épaule. Son regard voilé croisa celui du démon, il le comprenait.

—Il a murmuré qu'il rejoignait enfin son aimée...

—Leona, annonça Néphélis. Pheone m'en a beaucoup parlé. Sa mère était une femme exemplaire, bienveillante qui a passé de nombreuses années aux côtés d'Adonis, néanmoins ils devaient d'abord veiller sur la tribu avant leur relation.

Il caressait tendrement les cheveux de la démone, il l'observa avec attention. Elle lui avait tant de fois parlé de cet homme et de sa mère, de la relation qui les liait, au point que Leona regrettait de ne pas avoir pu rester vivre avec lui. C'était un amour qui malgré la distance n'avait jamais cessé d'exister, ils continuaient de penser l'un à l'autre.

—Cet homme était un véritable guerrier, un grand chef. Il est mort de la main d'un allié, déclara Xyféris en déposant sa main sur celle du démon.

Le médecin nettoyait et pansait les plaies d'Azuria. Pheone reprenait conscience en se tenant la tête où une légère douleur persistait. Ash s'était appuyé à nouveau contre le mur, les bras croisés sur son torse. L'ange mort gardait la tête baissée, il préférait observer les doigts fins de la blessée pendant que Néphélis aidait la démone à se relever.

—Sinélia et Lidéos... Tu as dit que tu ne savais pas où ils étaient, qu'est-ce que ça veut dire exactement ? Questionna l'humain Ils se sont volatilisés ?

—Chad nous a dit avoir vu un homme au physique bien particulier. Une peau bleutée avec une étoile sur le front et des oreilles pointues, répéta l'ange mort. Il aurait d'abord kidnappé Lidéos et la guerrière à la hache puis Chad a seulement eu le temps de croiser Sinélia dans un couloir du château avant qu'elle ne disparaisse sous ses yeux.

Ses poings se serrèrent à nouveau. Il ressentait une certaine forme de colère de ne pas avoir su protéger sa fille. Il aurait dû la retenir avec eux, au lieu de la laisser repartir au château.

—J'aimerai bien savoir qui il est et ce qu'il veut à mon enfant, gronda-t-il.

Pheone posa une main rassurante sur l'épaule de Xyféris et lui murmura :

—On les retrouvera, je te le promets.

—Vous parlez bien d'un homme au teint bleuté et à l'étoile sur le front ? Murmura le médecin.

L'ange mort répondit d'un hochement de tête. Tout à coup, le teint du médecin devint livide. Il baissa la tête en faisant tomber ses cheveux devant son visage.

—Alors vos amis sont sans doute morts, déclara-t-il d'une voix franche et froide.

—Pourquoi ça ? Murmura Pheone, étonnée.

—Ils sont entre les mains de Zayos, un elfe de la nuit, qui traîne une réputation bien plus sombre que les anges morts, rétorqua le médecin. On le décrit comme un être sans cœur, il se le serait arraché et l'aurait donné au roi des Enfers de ce qu'on raconte.

Pheone resta bouche bée devant une telle révélation, cette histoire était-elle vrai ? Avait-il vraiment pu vendre son cœur à Kolaris ? L'inquiétude se lisait sur chacun des visages, la peur et la terreur s’immisçaient aussi dans leurs pensées. Néphélis était terrifié au point d'avoir un haut-le-cœur. Quant à Xyféris, il venait de se figer, pétrifié par la perte de sa fille. Ash préféra observer ses chaussures sans sourciller, il connaissait la réputation de cet elfe de la nuit. Aux Enfers, on racontait souvent son histoire et la légende autour de lui.

À ce moment-là, le jeune loup refit son apparition. Ses vêtements étaient couverts de sang et il titubait alors qu'il avançait vers eux. Ash tendit le bras pour l'aider à garder l'équilibre.

—Qu'est-ce qu'il s'est passé, Chad ?

—Je... J'ai senti une odeur et...

Il s'écroula dans les bras du démon, en le faisant basculer légèrement mais il réussit à reprendre ses appuis. Le loup avait une flèche plantée dans le dos où un papier se trouvait accroché avec écrit dessus : « La bataille approche, êtes-vous prêts à perdre certains d'entre vous ? Quelle douce enfant, cette peau si blanche... Nous nous retrouverons bientôt. »

—Cette flèche n'est pas dangereuse pour l'organisme du loup, diagnostiqua le médecin en retirant la flèche. Il devrait aller mieux d'ici ce soir. Allongez-le sur le lit où était Pheone.

Ash porta le corps du loup vers la seconde pièce, il le déposa délicatement sur le lit.

—Ash, qu'a-t-on à craindre de ce Zayos ?

L'inquiétude s'entendait dans la voix de la démone, elle paraissait bien moins sûr d'elle face à cette nouvelle menace et après la perte d'Adonis. Il comprenait qu'elle avait peur pour chacun des siens, qu'ils risquaient tous leurs vies à chaque instant.

—Tout, il y a de nombreuses histoires qui courent sur lui, qu'on peut craindre le pire.

Elle attrapa la main du démon et regarda son ami endormi derrière. Ash sentait les tremblements de la jeune femme ainsi que la froideur de ses mains. Son regard scintillait de détresse qu'elle essayait de camoufler.

—Qu'allons-nous faire ? Il faut qu'on les protège, qu'on prévienne les autres s'ils sont encore envie.

Ash serra la main de Pheone dans la sienne. Son cœur s'accéléra alors que leurs regards se croisaient mais il savait pourquoi. Il se perdait à l'intérieur de ses yeux émeraudes, cependant ce n'était toujours pas le moment pour tenter la moindre approche. Il devait se résoudre à cette idée, peut-être même que ce moment n'arriverait jamais mais au moins, il aura toujours été à ses côtés.

—J'entendais des anges morts dire qu'un dragon était à Vénusis avec une femme, annonça-t-il. Il y aurait eu un massacre là-bas.

Pheone fut surprise mais à la fois rassurée, Dragïos était toujours en vie et quelqu'un l'accompagnait, elle espérait que cette femme soit une alliée, une personne qui pourrait aider le dragon. Toutefois, Pheone se reprit quand elle vit Ash baisser la tête, en se balançant d'un pied à l'autre. Ses sourcils se froncèrent, qu'allait-il lui annoncer ?

—Je dois t'avouer quelque chose.

—Qui a-t-il ?

—Xoka, elle est décédé en rejoignant Lunatios. Elle a tenté de me sauver mais...

Soudainement, la jeune femme recula. Elle sentit son cœur éclatait dans sa poitrine et son souffle se coupa brutalement. Ses jambes et ses mains tremblaient mais à la fois, sa conscience lui murmurait qu'elle savait déjà car elle l'avait vu dans l'autre monde. Pourtant, elle n'arrivait pas à accepter cette fatalité, comment pouvait-elle encaisser deux pertes à la fois ? Son monde se dérobait sous ses pieds sans qu'elle ne puisse l'en empêcher. Tout à coup, elle ne contrôla plus sa magie, ni qui elle était.

Il vit le regard de la démone s'éteindre tandis qu'une larme glissait le long de sa joue. Il devait lui dire malgré le décès d'Adonis, il ne pouvait pas lui cacher plus longtemps, même s'il gardait encore celui d'Anya. Elle ne pourrait pas encaisser de perdre sa famille d'un coup.

La main de Pheone se mit à brûler dans la sienne, il la lâcha d'un coup et vit celles de la démone devenir rouge de l'intérieur, comme si sa chair se consumait. Lorsqu'il croisa son regard, une flamme dansait à l'intérieur, elle brûlait tel un feu ardent. Pheone se releva et sortit en trombe de la maison, en laissant le froid de la saison entrer avant que la porte ne soit fermée à nouveau.


Tout le corps de Pheone hurlait, elle courrait sur les dalles de Lunatios sans avoir où aller quand une brusque rafale de vent la souleva et la fit voltiger à quelques mètres du sol. Ses pouvoirs apparaissaient petit à petit, en laissant la place à une magie élémentaire. Les flammes dansaient au bout de ses doigts, ses jambes étaient entourées de rafales de vents, elle entendait et ressentait la forêt puis s'en suivit une forte pluie. Les éléments se déchaînaient au gré de ses émotions, ils s'alimentaient de sa colère, de sa tristesse et de son envie de vengeance.

Elle cria lorsque son corps s'envola au-dessus des toits du royaume, que les flammes crépitaient, que ses yeux verts brillaient intensément pendant que la pluie la suivit. Elle se dirigeait vers la grotte où ils avaient été, il y a peu.

Lorsqu'elle fut arrivé, elle tomba lourdement sur le sol, autour de ses yeux se formaient à l'encre noir des lianes avec des roses qui se dessinaient sur ses tempes. Sur ses bras apparaissaient des flammes, elles dévoraient tout son avant-bras de chaque côté en marquant sa peau. Le vent faisait apparaître sur ses jambes des nuages, des tornades et de puissants ouragans le long de ses cuisses. Pendant que l'eau marquait son ventre de quelques gouttes fines.

La grotte s'éclaira à son entrée, la jeune femme marcha jusqu'au fond où elle s'appuya contre une paroi, en se laissant glisser sur le sol humide du lieu. Elle la trouvait bien plus brillante qu'auparavant, comme si quelque chose avait changé en ce lieu.

—Qu'est-ce que je dois faire pour les empêcher de mourir ? Comment je peux tous les protéger ?

Pendant qu'une larme entrait en contact avec le sol, la grotte s'illumina de multiples couleurs. Une voix gronda : « L'élémentaire. »

—Tu ne pourras pas protéger tout le monde, cette guerre s'annonce sanglante. Rassemble ton armée, prépare-les à leurs destinées mais ça n'empêchera pas le cours de l'histoire de continuer ainsi.

Pheone se prit la tête entre les mains en pleurant. Elle avait déjà suffisamment perdu et ça ne s'arrêterait pas là. Elle envoyait peut-être tout les siens à une mort certaine sans le savoir.

—Deux cœurs liés mourront, le guerrier tombera, la prophétie se réalisera. Méfie-toi de l'homme au cœur de pierre mais fait un choix, seul ton cœur connaît la vérité, déclara la voix grave de la grotte. N'oublie pas élémentaire « Les loups hurleront, le dragon veillera, la phoenix s'éteindra tandis que la magie s'envolera... ».

Elle comprenait par ces paroles que certains de ses amis périront quoi qu'elle fasse. Elle ne pourrait pas empêcher leurs morts, comme elle lui avait expliqué. Il fallait qu'elle accepte que l'histoire se finirait ainsi car chacun de leurs destins étaient entièrement tracés. Pourtant, ça la rongeait de l'intérieur, comment pouvait-elle leurs demander de se battre en sachant qu'ils risquaient de mourir ?

—Je ne peux pas les laisser mourir pour cette cause ! Qu'est-ce que je peux faire ?

Elle releva la tête et crisa dans cette grotte où aucun son ne résonnait, ni ne s'entendait de l'extérieur. Les larmes continuaient de couler, ses lèvres se serraient tandis que ses sourcils restaient froncés. Les marques de l'élément de la terre finissait de se former autour de ses yeux, quand la voix gronda à nouveau.

—Tu es particulière, élémentaire. Je sens ta magie se répandre dans ton corps mais je ne peux pas t'aider, tu dois accepter et laisser partir ceux qui mourront lors de cet affrontement. Quoi que tu fasses, tu ne feras que retarder leur mort.

La démone hurla, des flammes jaillissaient de ses mains pour recouvrir tout l'intérieur de l'antre, elles étaient immenses au point d'atteindre l'entrée de la grotte. La jeune femme gardait les mains tendues devant-elle, elle relâcha toute la colère contre cet endroit, qui lui annonçait de mauvais présages. Ses yeux prirent une teinte orangé, elle perdait le contrôle sur sa magie, elle la consumait de l'intérieur à petit feu.

Elle finit par laisser retomber ses mains le long de son corps, les flammes s'éteignirent d'un coup, en atterrissant sur le sol humide de la grotte.

—Ta magie est puissante, élémentaire. Tu dois la cacher sinon ils viendront pour toi... Attention, il arrive !

Soudainement, la voix se tut alors que l'obscurité se propageait dans le lieu, elle entoura la jeune femme qui préféra ne pas bouger lorsqu'elle aperçut une ombre, elle approchait vers elle.

—Bonjour très chère, je vous prie de m'excuser pour cette entrée théâtrale mais je vous cherchais.

Les ténèbres s'éloignèrent de cette personne, ils dévoilèrent un homme dont ses amis avaient parlé, auparavant. Elle fut terrifié, elle tenta de se relever pour pouvoir fuir cet endroit mais par-dessus tout, Zayos.

—Aurais-tu peur de moi ? Ça me déçoit de toi. Après tout ce qu'on entend sur la grande « Pheone, fille de Kolaris, princesse des Enfers », ricana-t-il. Je dois avouer que je m'attendais à mieux.

—Que me veux-tu, Zayos ?

Il éclata d'un rire franc en s'approchant de Pheone, il se pencha en avant pour croiser son regard. Les yeux de l'elfe étaient d'un rouge sang, où aucune émotion n'était perspective, ils paraissaient si vide.

—Alors comme ça, tu connais mon nom ? Je suis flatté, déclara-t-il en applaudissant. J'imagine qu'on ta déjà dit que tu as de très beaux yeux ?

Il attrapa son visage pour le rapprocher du sien alors qu'elle grimaçait et tentait de se soustraire de sa poigne. Le regard de l'elfe se faisait mesquin, même rieur. Pheone ne savait pas sur quel pied dansait pour ne pas l'offenser et pour pouvoir s'échapper d'ici.

—Tu es vraiment de toute beauté. Ses marques sur ton visage sont plutôt récentes, remarqua-t-il.

Il caressa lentement les lianes et roses dessinaient sur son visage alors qu'elle tentait de tourner la tête, dégoûtée par un tel touché.

—Ne tourne pas autour du pot, dis-moi ce que tu veux !

Il ricana à nouveau, en caressant tendrement les joues de la démone, qui bien malgré elle, rougissaient sous ce geste tendre.

—Tu sais ce que je veux. Ton père m'a demandé de te récupérer et de te garder en prison avec les autres, le temps qu'il finisse les préparatifs de la mission que tu as échouée.

Elle releva doucement la tête et il en fit tout autant. Ils se jaugèrent l'un et l'autre d'un regard brûlant de tension. Le feu recommençait dans ses mains tandis que face à elle, des filaments noirs s'enroulaient autour des bras de l'elfe.

—Mon père ? Tu parles de celui qui veut détruire ce monde ! Cracha-t-elle haineuse. Je ne compte pas te laisser faire.

Elle tendit les bras vers lui, il recula de quelques pas lentement. Les flammes sortirent de ses paumes pour se diriger vers leur cible, qui de son côté, leva son bras droit devant son visage pour se protéger. Le feu heurta un mur d'obscurité, pourtant il blessa légèrement l'elfe de la nuit, en laissant une trace de brûlure sur son bras.

—Joli tour de magie, petite démone.

Elle tenta d'invoquer l'élément du vent mais il resta bloqué en dehors de la grotte, comme la terre. Seuls la pluie et le feu lui répondaient. Elle fit apparaître une vague d'eau sur lui, ça le bouscula sauf que ce ne fut pas assez pour le déstabiliser. Un filament noir venait dans sa direction, cette chose approchait vraiment vite. Elle tenta de l'arrêter avec des boules de feu et d'eau mais rien n'y faisait, cette magie ténébreuse arrivait à éviter chacune de ses attaques.

Brusquement, elle fut projetée contre la paroi. Le filment entrait en elle, lorsqu'il l'avait heurté, il s'était accroché à son bras. Un nouveau marquage apparaissait autour de son cou, plusieurs étoiles avec une lune se dessinaient.

—Qu'est-ce que c'est ? Cria-t-elle paniqué, en se frottant le cou.

—C'est étrange, d'habitude il endort ou tue la personne qu'il touche, cela dépend surtout de ma volonté. Pourtant, il a décidé de faire autrement, il est devenu une partie de toi, rétorqua-t-il. Que me caches-tu encore, petite démone ?

Une douleur fulgurante arriva dans sa tête, en même temps que cette voix qu'elle reconnaissait.

« Cet elfe de la nuit n'est qu'un ridicule pion que je pourrais exterminer d'un claquement de doigt. Son pauvre filament a dû sentir une part obscure en toi, petite. »

« Laisse-moi prendre le contrôle et je les détruirais tous. »

La jeune femme s'attrapa la tête, elle murmurait : « Non...Non... ». Les larmes coulaient le long de ses joues avant de s'écraser au sol. La voix résonna à nouveau en grondant :

—L'homme au cœur de pierre et l'élémentaire. Celui qui amène la mort et celle qui amène la vie. Le mélange du noir et du blanc. Il sera ta fin et tu seras son début. »

Zayos rigola, il tapait dans ses mains en levant la tête comme s'il pouvait apercevoir l'âme de la grotte.

—Que de foutaises, tu n'es qu'une simple grotte inutile.

Par la suite, il observa la démone lutter contre elle-même, il se posait de multiples questions sur ce qu'elle était véritablement. Toutefois, il décida de s'approcher et de poser sa main sur l'épaule de la jeune femme, en s'accroupissant à ses côtés. Tout à coup, une puissance étrangère émana de son corps et il comprit en voyant le regard de Pheone, qu'il y avait deux âmes à l'intérieur.

—Tu es un être stupide et imbu de toi, elfe de la nuit, cracha Pheone d'une voix glaciale. Me connais-tu ? As-tu entendu parler de moi ?

Zayos recula en analysant la situation et l'ennemi potentiel qu'il avait devant-lui. Il ne se doutait pas qu'elle possédait une autre âme avec elle, et surtout une entité particulièrement sombre vu comme l'obscurité se mariait au corps de la démone.

—Non, qui êtes-vous très cher ami de l'obscurité ?

—Un ancien mage noir, je suis ce que craint ton roi.

Il s'y attendait, Pheone possédait déjà des dons rares mais en plus de cela, une part obscure vivait en elle. Il comprenait mieux pourquoi ses filaments s'étaient liés à elle, ils avaient ressenti ce que lui n'avait pas vu. Le mage noir devait avoir accès aux pouvoirs de la démone, ce qui le rendait bien plus puissant. Cet ennemi était bien plus redoutable dans ce corps que dans un autre, il avait parfaitement bien choisi son hôte.

—Où est Pheone ?

Elle se mit à rire fortement, un rire plutôt cynique.

— Elle est toujours là mais enfermée là-dedans, déclara le mage noir en tapotant sa tête.

L'elfe de la nuit eut alors une idée, il la jugeait plutôt stupide mais quelque chose le poussait à le faire, à tenter. Il approcha le corps de Pheone et attrape son visage en coupe avant que son ennemi essaye de l'esquiver.

—Pheone, tu es plus forte que lui. Reprends-le dessus !

Il était déterminé à faire revenir la démone pour ensuite pouvoir accomplir sa mission, de la ramener au royaume d'Oxyris. Le regard sombre s'éclaira à nouveau avant de s'assombrir.

—Pheone, tu peux le faire ! Après toutes les histoires qu'on raconte sur la princesse des Enfers qui n'aurait peur de rien, tenta-t-il. Bats-toi alors pour reprendre le pouvoir.

En la tenant, il lui propageait de sa magie en elle pour l'aider à lutter et cela finit par fonctionner, le corps de la démone s'écroula dans un murmure quasiment inaudible, pourtant il atteignit les oreilles pointues de l'elfe : « Merci... ». Il l'attrapa et la serra contre son torse avant de disparaître avec elle, pour l'amener à son royaume.

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Un secousse fit trembler toute la maison du médecin qui avait panser les ailes de la prêtresse. Elle ne pourrait plus jamais voler après une telle amputation.

—Qu'est-ce que c'était ?

—Votre amie sans aucun doute, murmura le vieil homme. Il a dû venir la chercher.

Ash attrapa le médecin par le col et le souleva du sol, il le fusillait du regard, en colère et à la fois inquiet.

—Qu'est-ce que vous dites ? Vous saviez qu'il reviendrait ici et vous ne nous avez rien dit ?

—C'est le déroulement de l'histoire, jeune homme. Nous ne sommes que des pions dans une partie d'échec.

Le démon le lâcha brusquement, en le laissant tomber sur les fesses avant d'aller frapper dans le mur et de dire une injure sous l'impulsion de la colère.

—Vous rendez vous compte que vous venez d'amener l'un de nos espoirs droit dans les bras de l'ennemi ? Déclara Ash, d'une voix sombre. Si vous nous aviez prévenus, on aurait pu empêcher cela !

Azuria observait le démon, ses traits étaient tirés, son nez et ses sourcils froncés. Ses yeux incendiaient le médecin.

—Il faut garder son calme, Ash. Il n'a pas tort sur le fait qu'on ne peut rien contrôler du futur, notre destin à tous reste flou. Si cela arrive, c'est que ça devait arriver.

Xyféris et Néphélis acquiescèrent alors qu'Ash refusait ça. Il ne voyait pas le destin de la même manière que ses compagnons, il pensait plutôt aux nombreuses actions ou décisions qui pouvaient changer le cours de l'histoire, les amener sur un autre chemin différent.

—Le destin ? Foutaise ! Personne ne peut contrôler notre vie, nous sommes libres de choisir tout ce que nous ferons et quand est-ce que nous mourrons !

—Réfléchis, Adonis, Xoka... Ils sont tous morts pour des raisons mais ils auraient pu survivre sauf que ce n'est pas le cas, c'était leur destin. Ils devaient mourir à ce moment-là, murmura Chad d'une voix lasse.

Azuria tenait la main de Xyféris en lui faisant un petit sourire rassurant, alors que son regard était ailleurs, l'ange mort s'inquiétait pour son enfant. Il espérait la revoir en vie et sans séquelles, qu'elle irait bien jusqu'à qu'il la retrouve.

Chad ressentait énormément de colère envers lui, il n'avait pas su protéger la petite, il culpabilisait de ne pas être arrivé plus tôt pour l'empêcher de s'approcher de cet homme. Il aurait cru qu'elle serait restée auprès de son père, pourtant elle était revenu pour eux, pour venir les aider malgré les risques qu'elle prenait. Quant à Ash, il ruminait dans son coin avec Néphélis, l'humain essayait d'apaiser la tension présente dans l'air. Il comprenait les réactions du démon mais il le trouvait parfois trop impulsif, lorsqu'il perdait le contrôle sur ce qu'il se passait.

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