dans le sang et les entrailles

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premier jet à chaud. Je compte pas forcément le retravailler.

— Salut !

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Rien ! Je passais dans le coin et j'ai voulu voir comment tu allais. J'ai apporté du whisky et des chips.

— Ah super, j'ai pas envie de picoler ou même de manger. Dégage.

Elle n'avait pas entendu ses paroles. Enfin si, mais elle s'en fichait. Il n'allait pas bien, alors elle était venue le voir tout en prétextant qu'elle passait dans le coin. Impossible. Elle avait des enfants, elle habitait à l'autre bout de la ville. Elle avait déposé les enfants chez sa belle-mère et ils dormiraient chez elle, mais elle ne pouvait pas le laisser, lui, quand il n'était pas bien. Elle s'assit par terre, déposa ses courses sur la table basse, avant de se rouler une cigarette.

Il lui donna un cendrier près d'elle ainsi qu'un verre.

— Allez, bois un coup, ça va être la nouvelle année, ça serait trop bête.

— J'ai pas envie.

— OK, alors je boirais pour toi.

— Je m'en fous.

Elle déboucha la bouteille de whisky pour se servir puis après un premier verre bu d'une traite elle savoura plus lentement le second, avant d'entamer les chips.

Il était là, assis, sur son canapé-lit, à regarder le mur tapissé de poster d'adolescent. Ils se connaissaient pas depuis peu, mais leurs longues conversations sur les réseaux sociaux avaient résonné en elle comme un appel à l'amitié. Elle n'était plus seule avec ses enfants. Elle n'était plus seule face au monde avec ses milliers de problèmes internes. Elle ne lui avait jamais avoué, mais sans lui elle aurait pu noyer ses gosses avant de se donner la mort. Elle ne lui disait jamais quand elle allait mal. Jamais. Par contre, lui s'épanchait aux moindres difficultés.

Il la prenait pour son déversoir de haine, parfois en étant méchant contre elle. Vraiment méchant. Mais elle avait besoin de ça pour avancer. Elle savait qu'il était exactement comme elle, ne lui en voulait jamais pour ses mots durs.

Elle était trop vieille pour lui. Pourtant ils avaient le même âge, mais elle avait du vécu. Elle avait rencontré quelqu'un dans sa vie, avait passé un bout de temps, avait fait deux enfants, pour que finalement il la quitte pour une plus jeune. Dans sa tête c'était marqué au fer rouge, les hommes ne s'intéressaient au trentenaire que lorsqu'ils avaient dépassé les soixante ans. Sa mère lui avait seriné. Elle lui avait aussi confié qu'un homme préférait l'étroitesse lorsqu'ils baisaient, avant de lui tendre un tube de vaseline, alors qu'elle fêtait ses 16 ans.

Jamais elle ne lui avait dit à lui tout ce qu'elle avait subi dans sa vie. Mais c'était globalement la même histoire. Un cadre de vie idyllique. Un père absent. Une mère abusive. Des amis en carton. Un boulot de merde. Elle avait juste plus de chance, car elle avait aimé déjà dans sa vie, et pas que des héros de papiers. Seulement, à présent, elle se retrouvait comme beaucoup : mère célibataire, sans grand avenir.

La misère, elle la côtoyait tous les jours. Elle bossait dans le social. Des âmes brisées, la violence, les abandons, la merde noire de ce monde pourri c'était son quotidien. Elle y faisait face avec le sourire. Pourtant parfois, elle aurait aimé mettre le feu à tout le monde, y compris elle.

Son ami, lui, était tout aussi haineux de la vie. Seulement c'était contre les autres qu'il avait déversé sa haine et non contre lui. Ce qui l'avait rendu encore plus solitaire.

Elle but un peu plus. Son corps était trop lourd, alors elle s'allongea sur le sol. Son regard voguait sur le plafond, avant qu'une ombre ne se penche sur elle.

— Tu as tout ce que je n'ai pas, souffla-t-il.

Ses mains enserrèrent son cou. Le bras de la jeune femme se leva, ses ongles s'enfoncèrent dans le biceps de son ami, juste pour lui signaler quand elle serait enfin morte. Ses yeux étaient pleins de haine, sa bouche difforme. Il allait la tuer. Enfin.

Brusquement il la relâcha pour sortir sur le balcon. Elle n'avait pas la force de se redresser, mais elle savait qu'il faisait des aller-retour en maugréant contre lui-même en se tirant les cheveux pour s'arracher des mèches par milliers.

Des aiguilles traversèrent son cœur. Des larmes roulèrent sur ses joues ; pris d'un spasme, elle se recroquevilla sur elle-même pour pleurer de tout son soûl. Elle n'était rien. Rien pour lui. Rien pour les autres. Personne n'était là pour la retenir dans le néant dans lequel elle s'enfonçait.

La porte-fenêtre s'ouvrit pour se refermer violemment. Il la saisit par les cheveux avant de lui asséner une gifle.

— Je t'avais dit de ne pas venir ! Quand c'est que tu vas comprendre que je t'aime pas ! Que tu n'as pas à me sauver que je ferais mieux de crever seul !

Elle ne dit rien. Ces mots, elle aurait été capable de lui cracher au visage. Elle se contenta de se retourner pour s'enrouler sur elle-même. Ses pleurs durèrent assez longtemps. Du moins elle en eut l'impression.

Des doigts frôlèrent son épaule.

— Pardon... je ne devrais pas te prendre pour mon punching-ball.

Elle ne répondit rien. Elle avait envie de lui hurler qu'il le pouvait, qu'elle avait été créée pour ça. Elle n'était là que pour ça. Sa mère l'avait frappé ainsi, son ex aussi, et maintenant lui. Elle n'aidait pas les oisillons blessés, mais les dragons. Pourtant elle était la première à aider ses femmes qui se faisaient malmener dans la vie, mais elle, c'était comme normal qu'elle subisse.

Des doigts s'accrochèrent à son bras, l'obligeant à dévoiler son visage ruisselant. Ses doigts parcoururent ses joues, tandis que son visage bordé d'une barbe noire s'avançait contre le sien.

— Je ne suis pas bon. Je suis le plus mauvais d'entre tous.

Elle voulut sourire, mais les pleurs recommencèrent. Elle s'était entichée de lui au premier instant, mais elle savait que ça ne serait jamais réciproque. Il aimait les plus jeunes.

— Bordel, arrête de pleurer.

— Je peux pas.

— Je sais que tu veux qu'être mon amie et j'ai tout gâché.

— Tu ne comprendras jamais... jamais ! JAMAIS ! hurla-t-elle, avant de le saisir par le col.

Elle le relâcha aussitôt comme si son geste lui avait brûlé la main.

— Vas-t-en de chez moi, gromella-t-il entre ses dents serrées.

Elle voulut se lever, mais ne put. Son esprit refusait de la faire bouger. La colère grimpa le long de son œsophage pour se déverser en dehors de ses lèvres.

— Tu crois que je vais y arriver ? Hein, après ce que t'as fait ! Tu crois que j'ai envie de quoi ? De chiller devant Netflix ? Tu crois même que je suis capable de tenir sur mes jambes pour faire le trajet à pied.

Elle le poussa sur le sol, se mit à califourchon sur lui, avant que ce ne soit elle qui l'étrangle de toute sa force. Elle en avait bien plus que lui, et elle le savait.

— Tu penses que quoi ? Tu viens de me ravager ce qu'il me restait d'humanité ! Ce qui me restait de patience ! Je n'ai même pas envie de te tuer.

Elle le relâcha, se recula, avant que son dos ne rencontre le bord du canapé.

— tu n'es qu'un con.

Il se redressa, et marcha jusqu'à elle à quatre pattes. Son nez frôla le sien. Leurs souffles se mêlèrent, au moment où il l'embrassa, son dos se raidit. Puis finalement chaque fibre de ses muscles se détendirent, ses bras s'enroulèrent autour de son cou. Il la repoussa pour retirer son t-shirt. Sa maigreur l'interpella. Elle avait presque honte de se dévoiler à lui, alors qu'elle s'était sculpté un corps de guerrière. Mais la rage la prit. Elle le poussa à nouveau par terre pour le dominer. Elle se déshabilla entièrement, s'offrant nue face à lui. Un sourire pervers naquit sur les lèvres de son ami.

Sa langue se fourra dans sa bouche, avant qu'elle ne descende sur la pointe de ses seins pour en mordiller les tétons. Ses doigts la pénétrèrent plus violemment qu'elle ne l'aurait aimé, mais se tordit de plaisir quand ce fut son sexe qui entra en elle. C'était absolument sans amour. Sans la moindre naissance d'un sentiment. Ils avaient juste besoin d'exprimer leur haine au monde, de façon particulière.

Ils auraient aimé que cette étreinte ne finisse jamais.

Allongés, le corps suant, il lui attrapa les doigts qui lui caressait le dessus de la main.

— Pardon.

— Ce n'est rien.

— Finalement, je me demande si je préfère les jeunes.

Sans la laisser répondre, il captura sa bouche, avant de lui attraper une fesse et l'obligeant à se retourner. Elle se cambra, en ronronnant, presque. Elle s'offrit entièrement à lui. Elle en avait besoin. Les ongles de son ami pénètrent sa peau, elle se mordit la lèvre inférieure quand il fut à nouveau en elle. Ses doigts s'accrochèrent au tapis, tandis que la peau de ses genoux s'échauffait sous les vas et-viens violents.

Une fois repus, ils fumèrent en silence, puis se rhabillèrent. Un sourire amusé traversa le regard de l'homme, faisant écho à la lueur perverse de son amie.

— Tu as toujours envie de te venger de ton ex ? souffla-t-il.

— Et toi, de tes anciens collaborateurs ?

— Comme jamais.

— Alors je peux te montrer deux ou trois techniques de lancer de couteau ou même te montrer comment on tient une arme.

— Je n'ai jamais tué avant, avoua-t-il.

— Moi seulement des animaux dans le but de me nourrir.

— Et tes gosses ?

— Ma belle-mère va gérer jusqu'à demain soir. C'était convenu. Nous avons donc moins de 24 h pour fendre le crâne à tous nos ennemis. Je prends tes potes, tu prends mon ex.

— Elle est où ta bienveillance ?

— Dans le néant, comme depuis toujours. Crois-tu que c'était réellement moi ?

Il ne répondit rien. Toutes les semaines, ils se retrouvaient pour faire l'amour dans les entrailles de ce qui avait rendu leur vie aussi sombre que leur cœur.

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