IV - Confrontation

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Guillaume se dirige vers l’étable. Il sait que, à cette heure,Vincent doit s’occuper des vaches.

Depuis son retour Guillaume a évité de se retrouver seul avec Vincent. Mais à un moment ou un autre la confrontation doit avoir lieu. Elle est inévitable.

Guillaume la veut et en même temps la redoute. Il connait la brutalité de son frère. Il en a souffert par le passé.

Depuis plusieurs mois déjà, il y pense. Il s’y prépare mentalement. Il a toujours reculé son départ de Nouvelle-Zélande sous divers prétextes plus ou moins crédibles. En fait il avait peur de revenir.

Pour trouver quoi ? Est-ce que les gens changent ?

Mais la lettre surprise de Pauline l'invitant à son anniversaire l’a amené à prendre la décision.

Vincent, lui, ne s’attendait pas à revoir Guillaume. Mais depuis qu’il a vu son frère réapparaître, il affûte ses armes sans chercher pour autant à provoquer cette confrontation.

Il attend, sûr de sa force et de ses arguments. Il ne craint pas son frère. Il le méprise. Un faible. Un perdant.

Guillaume, à la porte de l'étable, observe Vincent s’affairer, La fourche à la main. Il ne peut empêcher un frisson de le parcourir.

L’appréhension le gagne. Une boule dans la gorge.

Même s’il n’est plus le gamin de 22 ans, il reste impressionné par l’imposante stature de Vincent. Certes, il a pris un peu d’embonpoint, mais elle ne fait que renforcer la puissance dégagée par son frère.

Je me suis toujours retrouvé dessous dans nos bagarres de gamins. Vincent s’amusait de mon infériorité. Il en a été cruel parfois, comme savent l’être les enfants.

Vincent se redresse et son regard croise celui de Guillaume. Ils se jaugent quelques instants sans mot dire.

C’est le moment…

Vincent prend les devants.
– Alors tu te plais avec les kiwis. Il pose cette question sans marquer un réel intérêt.

Le ton est moqueur et Guillaume, pas à l'aise, veut en finir au plus vite.
– Inutile de tourner autour du pot, Vincent. Tu sais pourquoi je suis ici.

Les civilités sont inutiles.
Pas d’hypocrisie.

– Pour revoir la mère, la ferme.

– Je suis venu chercher ce qui m’appartient.

– Il n’y a plus rien à toi ici.

– Je suis venu chercher Charlotte.

Guillaume ne parle pas de Pauline. Il a reçu le choc de la paternité mais il ne veut pas la mêler à cette histoire.
Pour l’instant.

– Il y a vingt ans tu as vendu tes droits, tu as oublié ?

Vincent tient-là un atout de poids.
La réplique fait mouche.

Allongé dans la paille, suffocant, j'avait reçu sans protester l’injonction de Vincent.
– Tu dégages de la ferme pendant qu’il est temps. J’assurerai tes besoins minimum.

Guillaume a été lâche et il traîne son boulet. Il tente, depuis, de se disculper en se disant qu’il a voulu protéger Charlotte.
Vincent peut être violent.

– Je te rendrai ton argent.
– Contrairement à toi, Je n’ai rien à vendre.
– Charlotte n’est pas heureuse avec toi. Comment d’ailleurs pourrais-tu rendre une femme heureuse ?

Vincent pose la fourche et s’approche de Guillaume. Il le toise.

– Qu'en sais-tu ? T'es-tu inquiété d'elle toutes ces années ?

– Je la vois depuis mon retour. Elle ne paraît pas très épanouie.
– Et toi, tu penses qu’il suffit d’une queue pour rendre une femme heureuse !
Il poursuit :
– Tu crois que depuis ton départ, elle t’attend ? Détrompe-toi, petit minable, elle a eu d’autres amants, je le sais.

– Tu crois me la faire détester. Tu n’y arriveras pas.

Mais Guillaume sent son assurance faiblir. Effectivement, il ne connaît rien de ces vingt dernières années !

Il n'a pu réellement discuter avec Charlotte depuis son retour. La mère s'est toujours arrangée pour éviter que cela se produise.

– Tu ne me crois pas ? Tu lui poseras la question.

– Pas la peine. Je comprends qu'elle aille chercher ailleurs des satisfactions que tu es bien incapable de lui donner.
Guillaume parle avec aplomb. Il a gagné en maturité bien sûr. Mais en son absence, il a pu arriver bien des choses qu'il ne soupçonne pas. Si c’était vrai ?

Et le sang-froid de Vincent le surprend et le déstabilise. Il s'attendait à un déchainement de fureur verbale et peut-être physique.

– Tu vas repartir comme tu es venu. Comme tu l’as déjà fait une fois. Tu sais, la queue basse !

Vincent rit.

La colère monte chez Guillaume. Il se sent incapable de répliquer et quand les mots manquent la violence les remplace.
Guillaume veut le frapper, mais Vincent espèrait l’attaque et l’esquive. Et d’un coup puissant il envoie Guillaume à terre.

– Alors frangin, tu ne t’es pas entraîné ? Toujours aussi pitoyable.

Le cadet est bien sonné. Un liquide coule de son nez, et gagne ses lèvres.
Le goût est bien caractéristique.
Un sentiment d’impuissance s’abat sur lui. Un sentiment qu’il ne connaît que trop bien.

J’avais 15 ans, il m’enlevait Cécile, ma copine à l'époque, et la prenait de force sous mes yeux. J’étais resté figé, de terreur.
Fuir, fuir, déjà à l’époque…

Le soir, à la table familiale, une place reste vide.

– Ou est Oncle Guillaume ? demande Pauline.

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