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La suite ? C’est qu’en fait c’est là que tout dérapa. Il fallut bien que Lindsay prenne conscience de plusieurs faits troublants. Son retard de règles ? Cela arrivait de temps en temps quand elle était trop maigre. Les nausées matinales ? Une gastro banale ! De toute façon elle prenait sa pilule Leeloo, alors ? Elle regarda sa plaquette : manquait deux comprimés en milieu de cycle. Insignifiant, non ? Pour un amant timoré et coincé, sans doute. Pour un agité comme Lorenzo ?

Et d’ailleurs, Lorenzo avait inexplicablement disparu depuis plusieurs jours… L’inquiétude montait crescendo. Ses derniers mots :

— Je vais chercher des clopes. Je reviens de suite.

Sur le moment, elle n’avait pas réagi, plongée dans ses cours. Mais à la réflexion, Lorenzo ne fume ni ne boit ! Louche !

Oui, c’est cela qui déclencha le sursaut. Le test de grossesse qui sent le pipi et que les femmes exhibent fièrement, fut sans appel : des petits pieds qui poussent ! Elle fonça à l’hôtel-squat avec une détermination terrible, bousculant tout le monde :

— Je cherche Lorenzo ! Lorenzo !

Seb vint à elle avec un air contrit :

— Il n’est pas là, ma belle. Tu sais, j’allais venir t’expliquer…

— M’expliquer quoi ?

— Il est barré, fit Fabrice tout en mangeant un hot-dog monstrueux (une saucisse taille XXL) et huileux.

— Barré ? Ça veut dire quoi ?

— Fabrice, laisse-moi expliquer… Tu sais que j’ai tout vu dans ma vie, les trucs les plus dégueulasses, j’ai vraiment pas été épargné. Le beau me fuit ostensiblement… Pour moi c’est toujours le laid ! Mais je n’ai jamais vu un truc aussi immonde que toi bouffant un hot-dog !

— T’as tes vaps ? C’est quoi ton problème ? Tu vas me faire ton « Lorenzo », c’est ça !

— Les mecs ! Assez ! s’indigna Lindsay, insensible au comique de la situation.

Fabrice haussa les épaules et se remit à mastiquer avec des bruits de bouche et des soupirs de satisfaction.

— Ce mec me tue, fit Seb, consterné. Et il faut que je vive avec ça depuis petit ! Je mérite pas, j’ai pas tué mes parents, ils ont bien tenté de me buter, mais pas moi !

Devant le regard noir de Lindsay, il reprit :

— Lorenzo… Tu sais, il a toujours été comme ça. C’est rapport à son gros cerveau, il est instable tu sais. Des fois il disparaît dans une aventure… Il ne se rend pas compte, il oublie tout le monde, on ne le revoit pas. Il s’attache pas, tu sais, pour lui, un type doit pouvoir tout quitter en moins de cinq minutes chrono…

— Il est complètement siphonné, baragouina Fabrice, la bouche pleine. Je sais pas ce que tu lui trouves. Il y a des mecs nettement mieux, si tu vois ce que je veux dire, des vrais mecs quoi.

— Il est avec une autre ? Il faut me dire la vérité, c’est grave ! demanda Lindsay.

— Non. Il est parti avec JP… Ils ont décroché un job…

— Avec cette salope de Cathy ! renchérit Fabrice.

— Cathy grosse salope, intervint Jo, bavant.

— Tu vas m’expliquer ? Qui c’est cette Cathy ?!

— C’est pas ce que tu crois… Elle dirige une boite… commença Seb.

— Une vieille… Pas son genre… Remarque, elle est canon… coupa Fabrice.

— Bonne suceuse ! fit Jo. Bouche à suceuse !

— Tais-toi Jo ! Tu me fatigues, fit Seb. Il est usant. Il m’use ! J’en peux plus ! Va te branler et laisse-nous ! Non, c’est pas possible des cons pareils… C’est trop là !

— Lorenzo partit Belgique avec JP, pour gagner de la tune. Fabrice pique sa crise, tout fou et Seb est tout triste parce qu’il va falloir qu’il bosse ! Ça le rend malade ! fit Jo, tout en partant dans un ricanement très inquiétant.

— En Belgique ? fit Lindsay épouvantée. Mais pourquoi il ne m’a rien dit ?

— Pour ne pas avoir d’explications à te donner… Un lâche ! C’est ta faute aussi, madame fait des études… Il faut qu’il t’entretienne ! Moi j’avais un braquage en or à faire… Mais voilà, il s’est dégonflé et maintenant il nous manque deux mecs ! fit Fabrice aigre en se léchant ses doigts poisseux.

— Fabrice, un jour, je vais te buter, fit Seb en se frottant les yeux. Ça me fera de la peine, note bien, mais… C’est une nécessité, c’est une question de santé publique.

— Pff ! T’es un has been, Seb. T’es fini ! Regarde-toi ! T’es mou !

— Attends, tu vas voir !

— Les mecs ! Les mecs ! cria Lindsay, à bout de nerfs.

Tout le monde se figea.

— Je suis enceinte ! Vous ne voyez pas dans quel état de nerfs je suis ?

Seb vint la prendre dans ses bras.

— Tu t’inquiètes pas. On s’occupe de toi. Tu ne manqueras de rien, tu fais partie de la famille. Le fric pas de problème, je gère…

— Il revient quand ?

— Ça peut durer… Tu sais quand il part… Une fois, on l’a plus vu pendant un an, on a cru qu’il était mort… Et puis, pouf...

— Mais il va faire quoi ?

— Il monte un site web de jeu en ligne…

— C’est bidonné… C’est bien fait, remarque… Mais tu finis plumé… fit Fabrice. C’est leurs conneries de statistiques et probabilités…

— Cathy elle a une boite de… commença Seb, hésitant, cherchant ses mots.

— Des films pornos ! Trop bons ! Trop bons films ! fit Jo, soudain excité et se touchant la zigounette.

Non, Lindsay ne goûtait pas le moins du monde le comique de la situation. Elle allait de stupeur en tremblements.

— En fait elle a un site web qui marche bien dans le porno, tu vois en Belgique. Monté par Lorenzo et JP. Du boulot de pro. Maintenant elle se diversifie dans le jeu en ligne. Il y a de la tune à se faire. C’est juteux… C'est grand !

— Ça finira mal, fit Fabrice.

— C’est dangereux ? demanda Lindsay.

— La mafia peut mettre son nez dedans… Le braquage c’était du tout cuit ! insista Fabrice.

— Fabrice et Jo, sortez ! Fichez le camp !

— T’es pas le chef, fit Fabrice, contrarié.

— Jo te protège, fit le géant en tapotant l’épaule de Lindsay, avec un sourire effrayant.

— Il va revenir, hein ? demanda Lindsay, craignant la réponse.

— Ma belle… Oui, il revient toujours… Sauf si… Enfin, restons optimistes. Écoute… Ne pense qu’à toi, tu vois des fois dans la vie faut être un peu égoïste. Tu vas faire passer le marmot ?

— Je vais quoi ? Mais tu es un vrai salaud ! Je veux lui en parler. Je veux l’appeler !

— Il est en sous-marin… Il plonge profond, très profond, fit Fabrice, il s’en fout des autres, une ordure en vrai. Je l’aime plus que ma mère, mais faut bien reconnaître que...

— Ça veut dire quoi ? fit Lindsay de plus en plus énervée.

— On peut pas le joindre ! dit Fabrice.

— Menteur !

— Je te jure ! Sur la vie de Seb !

Lindsay, les yeux pleins de larmes regarda Seb.

— C’est vrai ma belle. Tu sais… c’est plus ou moins légal… Vaut mieux pas laisser de traces. Mais…

Lindsay n’en pouvait plus. Elle suffoquait de rage, de peine. Son univers s’écroulait. Elle s’enfuit de l’hôtel, regagna l’église et se jeta sur le lit pour sangloter longuement. Elle voulait mourir.

Dans la soirée, elle entendit du bruit et l’on toqua doucement à la porte. Elle alla voir, pas rassurée : une femme très belle, un peu vulgaire, trop sexy, se trouvait là :

— Je suis Steph… La sœur de Seb. Il faut qu’on parle. Ma pauvre, tu as une tête… Encore une démolie par ce… Putain Lorenzo, j’en ai marre de tes conneries ! gronda-t-elle.

Steph prit Lindsay dans ses bras et la réconforta. La sororité ça compte.

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