Divers témoignages en attente de classement (Pog)

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Ferdinand Lefèvre, employé municipal



        On sait pas vraiment comment c'est arrivé. Enfin, j'veux dire, on était tranquillement en train de jouer aux fléchettes dans le rade de Matthieu, comme tous les vendredis soirs. Y'avait Hubert qui lançait des blagues. José et moi on alternait entre le jeu et les canons, et Matthieu faisait ses comptes derrière le comptoir. Y'avait aussi deux trois clients à quelques tables : les Domites avec leur gosse, et Fudder-Molte, un forestier du coin. Vous savez, dans notre village, il se passe jamais grand-chose d'exceptionnel.

        Alors, on commençait juste un 301 quand on a entendu un grand bruit dehors, avec des lumières énormes qui sont passées devant les vitres. Hubert est sorti voir et nous a dit que c'était un grand camion, plus grand que tous ceux qu'il ait jamais vu. Il s'était garé sur le parking en face. Y'a trois gars qui sont descendus et ils sont venus direct ici.

        Y z'avaient vraiment une drôle de dégaine. Pas des clodos ou des gitans, mais des mecs très bizarres. Le premier qu'est entré, c'était un gars tellement grand qu'il a dû se pencher pour passer la porte. Avec une tête toute carrée, une grosse barbe et des bras à vous étouffer un bœuf. Après, l'exact opposé. Un petit, plein de rides avec des cheveux noir-gris. Le troisième nous a un peu tendus. Avec un gros sac en cuir et un maquillage blanc et rouge. Un peu clown de crique, voyez, mais pas celui qui fait rire. Çui-là il faisait froid dans le dos. Mais bon, nous, on est des gens sympas, accueillants. On les salue, eux ils répondent et ils vont commander. S'installent à une table et Matthieu leur apporte trois bières. Le grand se plaignait beaucoup à propos d'un truc qu'ils venaient juste de finir et qu'il aurait voulu autrement. On n'a pas bien compris.

        Nous, on jouait peinard. On était détendus, les gus avaient pas l'air méchant. Et puis v'là qu'on termine et que José y va leur proposer aux gars s'ils veulent pas jouer aux fléchettes eux aussi. Le clown et le géant y sont pour. On reprend une partie et je leur explique vite fait les règles. Deux équipes, on commence avec 301 points et on lance pour arriver à zéro tout en faisant gaffe que son partenaire ait un score plus bas que le total des deux scores adverses. C'est stratégique comme jeu. Le grand a voulu commencer. Il s'est placé, mais là je me souviens plus de rien.



Hubert Andrus, éleveur



        C'est sûr, ils avaient une sacrée machine. Vous savez, avant d'être dans le mouton, j'ai travaillé dans une compagnie minière. Eh bien, même là-bas ils avaient pas d'engin de cette taille. Enfin, voilà que les gars commencent à jouer avec les inconnus. Moi j'avais stoppé les blagues dès leur arrivée, histoire de juger les zigotos avant de me risquer à des histoires graveleuses. Je regardais la partie depuis ma table.

        Le grand a entamé la partie. J'ai tout de suite capté qu'il savait pas du tout joué, parce que sa fléchette, il l'a empoignée à pleine main, et il a balancé son poing. Il a cogné la tête à Ferdinand qui se rangeait derrière. Direct dans les pommes le bonhomme ! Après, le grand s'est retourné et il s'est excusé bêtement. On sentait le gars pas méchant mais bien pataud. Alors je suis allé soulever Ferdinand, et Matthieu m'a donner de la glace pour mettre sur sa tête. Mais pendant que je m'occupais de lui, l'autre a voulu jouer de nouveau. Il a lancé sa fléchette comme un dingue, et elle a tournoyé, ricoché sur le bord de la cible et est allé crever l’œil de madame Domite.



Louis Piedallu, ambulancier



        On est arrivés rapidement sur les lieux. Madame Domite gisait sur le sol en hurlant, le globe oculaire gauche perforé par une fléchette pointe et corps métal chromé avec un aileron stylisé par motifs transparents. On lui a injecté un anesthésiant et on l'a mise sur le brancard. Mais c'est à ce moment que l'incendie a commencé.



Matthieu Louché, commerçant



        Je ne comprends pas. Lorsque j'ai acheté ce mobilier, et dans une enseigne pour professionnels, attention ! on m'a assuré qu'il était ignifugé. Vous savez, on n'est jamais trop prudent. Mais là, la table à laquelle s'étaient installés les trois nouveaux s'est enflammée d'un coup. Le gars grisonnant qui était resté assis à crié un truc sur des fruits de je ne sais pas quoi, mais j'ai pas écouté. J'ai tout de suite attrapé l'extincteur et essayé d'éteindre le feu. Mais ça suffisait pas. J'ai crié que quelqu'un devait brancher le tuyau d'arrosage qui traînant dans l'arrière-boutique au robinet qui du mur. Pendant que les ambulanciers faisaient sortir madame Domite et que José tirait Ferdinand dehors, la grande brute a beuglé qu'elle s'en chargeait.



Maxence Majeur, pompier volontaire



        Nous comptons tristement plusieurs pertes humaines. Fudder-Molte, forestier, et les trois hommes qui étaient selon les témoignages à l'origine de l'accident. Le feu a été si destructeur que nous n'avons pas encore réussi à retrouver les corps dans les décombres. Malheureusement, l’établissent de monsieur Louché est complètement ravagé. La charpente elle-même n'est plus viable et il faudra abattre les ruines. Cette tragédie nous rappelle à tous qu'il faut être extrêmement prudent dès qu’il s'agit de manipuler des flammes. Et également qu'il est dangereux d'installer une arrivée d'eau près d'un robinet à gaz.



Sébastien Domite, élève de maternelle



        Si, vé vu un gran'tuc blanc, et le clown il a fait pang et pis le pipitocacatoes il s'est glissé sur le bord. Et et, et après, après, ils ont grangé les sorties et pis z'ont gardé derrière et m'ont vu. Et le grand il a fait bha et le clown y a souri et il a fait bang et pus rien. Et mon papa y m'a tiré dehors pasque maman elle est parti chez le docteur.







Témoignages recueillis par Félix Bouchard, agent municipal, le soir du 23 avril.


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