Chapitre 2

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Je ne savais pas trop ce que cela pouvait bien signifier. Quand vous débarquez au milieu de nulle part, vous ne vous attendez pas à ce qu'une inconnue vous aborde et vous donne comme ça, un numéro de téléphone sans vous préciser vraiment de quoi il s'agit. Cela paraît invraisemblable, voire un peu insensé.

Je suis resté quelques minutes à penser à cela, à chercher une raison, une explication. J'aurais pu téléphoner sans attendre et résoudre cette espèce d'énigme mais ce n'est pas ma nature d'agir et de plus, j'étais encore trop à l'ouest, déboussolé par le cadre Parisien très nouveau pour moi.

J'ai repris mes affaires et j'ai commencé à marcher. J'ai fini par remonter la rue Vaugirard. Le nom m'amusait car j'avais l'impression d'arpenter un plateau de Monopoly, grandeur nature. Au bout de la voie, il y avait l'une des entrées du Jardin du Luxembourg. J'avais faim et j'ai pensé alors que c'était sûrement le meilleur endroit pour me poser et dévorer un sandwich.

Le Jardin du Luxembourg est un lieu étrange pour celui qui n'y est pas accoutumé. C'est comme une terrasse de café géante sans café. C'est comme un square, comme un bois où l'on voit des Mamans, des Papas apprendre à leurs rejetons à faire du vélo ou de la balançoire. C'est un endroit où certains aiment être vus devant une population de fans anonymes qui s'en fichent un peu. C'est un lieu où des groupes se rejoignent pour discuter, faire du sport. C'est une aire un peu hétéroclite où l'on respire l'air de la capitale sans étouffer.

Il y a pas mal de lieux, de quartiers comme cela à Paris qui rassemblent une population hétéroclite de gens qui se juxtaposent parfois se mêlent dans une désorganisation à la fois dérangeante et jouissive.

J'ai mangé sur une chaise en plein soleil. Je n'avais rien bu mais j'avais la tête qui commençait à tourner. J'ai repris mon sac et j'ai recommencé à marcher.

Je repensais à cette fille. Je ne savais pas bien pourquoi. J'étais probablement un peu effrayé puisque petit à petit, je me rendais compte qu'elle avait raison : je n'avais rien calculé. L'heure avançait et il fallait que je trouve quelque chose, un lieu où me poser. Je fouillais dans ma poche et je relisais le numéro. C'était quoi ce numéro. Le sien ? Ca faisait quoi si je l'appelais ?

J'ai fini par rentrer dans un bar sous l'œil rempli de reproches d'un serveur. Un mec avec un sac, un peu mal rasé, ça fait SDF et ce n'est pas bon pour la clientèle. C'est un cliché mais c'est comme ça : ici, comme ailleurs, les gens ne vont pas plus loin que la portée de leur regard et les frontières de leurs préjugés.

« Vous auriez un annuaire ? » ai-je demandé.

Devant la mine déconfite de mon interlocuteur, j'ai ajouté :

« Avec une Leffe en pression, bien entendu... »

J'ai cru qu'il n'allait pas m'aider. Je me trompais. Il a fini par revenir avec le bottin et ma bière.

« Vous cherchez quoi ? » m'a-t-il demandé.

« Un numéro de téléphone. »

Il m'a lancé un regard narquois.

« Sans rire... Dans un bottin ? Vous m'étonnez, là... Je ne suis pas sûr que vous puissiez en trouver... »

J'ai esquissé une espèce de sourire pour lui faire plaisir. Comme si son humour m'avait un tant soit peu réjoui.

« J'ai un numéro... Je voudrais retrouver son nom. »

Il s'est frappé le front avec le plat de la main.

« J'espère que votre copine n'est pas sur liste rouge... »

« Ma copine ?... »

Le serveur a levé les yeux au ciel.

« Laissez tomber... » m'a-t-il lancé d'un ton condescendant.

Et puis il s'est éloigné.

J'ai bu une grande gorgée de bière. Cela m'a fait tourner un peu plus la tête encore et j'ai ouvert le bottin. Page après page, en m'aidant des préfixes, j'ai ciblé mes recherches... Je ne sais combien de temps cela m'a pris. Je ne sais pas non plus pourquoi, je n'ai pas renoncé. Le serveur avait raison. Après tout, rien ne disait que ce numéro était dans l'annuaire. Rien ne me disait que ce n'était pas le numéro d'une sorte d'association pour venir au secours des personnes démunies ou quelque chose d’approchant. Mais de toute manière, je n'avais pas vraiment d'autre chose à faire et c'était peut-être une piste.

J'ai cherché, cherché, les yeux grattant le gris du papier et l'encre me déteignant sur les doigts. Et j'ai fini par trouver :

Gabrielle Desvignes. Rue de Charenton.

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