Annah a le souffle court, mais le pas assuré. La nature la guide sur ce chemin creusé inégalement par les carrioles des voyageurs, comme elle guide la vie qui croît en elle.

« Nous arrivons bientôt » dit-elle à voix haute, chassant les mauvais esprits avant même qu’ils ne se présentent.

La fille de Annah n’a pas encore de nom, si ce n’est dans le secret de son cœur. Mais elle est déjà sensible aux attentions de sa maman, aux paroles qui rassurent.

Annah progresse entre les cailloux délogés par la pluie des jours précédents. Elle ne songe pas à en ramasser, le temps n’est pas à la collecte. Elle adresse un sourire de remerciements à la terre-roche, qui lui rappelle ce précieux conseil : fais attention où tu mets les pieds !

La nuit est claire, assez fraîche pour qu’une légère brume sorte des narines d’Annah. La lune est proche de l’horizon, ce sont les étoiles qui font le travail à cette heure-ci.

Le village n’est pas loin, peut-être derrière cette butte, ou peut-être derrière la suivante. Annah arrivera au matin, peu après le cri du coq, tel un cadeau à une communauté méritante.